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Nouvelles confirmées : Le théâtre extrémiste
Publié par Donaldo75 le 04-12-2016 20:33:10 ( 1109 lectures ) Articles du même auteur



J'ai écrit ce texte nettement avant l'avènement de François Fillon et ses fans de la Dame de Fer. Il ne leur est donc pas adressé.

Le théâtre extrémiste


Nous marchons tous dans les rues de Londres. Des jeunes, des vieux, des hommes et des femmes. Blancs, Noirs, Jaunes, unis par une même cause, un désespoir commun. La police ne nous fait plus peur. A l’étroit dans leur costume sombre, les policiers ne sont que des morts en sursis, comme nous, sauf qu’ils ne s’en doutent pas. Nous leur faisons désormais peur.

La journée est gothique. Oxford Street ressemble à un vaste cimetière, avec des tombes en forme de magasins, des épitaphes déguisées en publicités et des cadavres en plastique exposés dans des vitrines. Nous sommes les zombies, les morts-vivants venus des banlieues alentour, des quartiers défavorisés et des zones oubliées par la livre sterling. Les autres, ceux aux dents blanches et au sourire forcé, nous regardent passer. Ils sont bien protégés derrière les fenêtres blindées et les portes renforcées. Ils attendent la fin du spectacle, quand les chevaliers de l’ordre et de la rigueur chargeront la masse dangereuse des révoltés.

L’air sent le métal. Nous habitons tous sur une planète noire, un monde sombre et sans voix. Je le sais, mon voisin de palier le sait aussi. Nous n’avons rien à perdre, pas d’autoradio à protéger des voleurs à la tire, plus d’emprunt à rembourser sur quatre générations, juste une poubelle où nous essayons de survivre. Nos yeux sont cernés, nous ne voyons plus la lumière tellement la pénombre est devenue notre quotidien, dans un univers perclus de gris. Nos enfants naissent sans un cri, juste éjectés d’un bas-ventre famélique sous les regards fatigués des infirmières de service. Nous ne les baptisons plus. Survivre est le premier mot qu’ils apprennent, avant même de savoir dire Maman ou Papa. Dieu nous a quittés il y a fort longtemps, après la mort de son fils sur une croix, là-bas dans le désert, trahi par un copain de comptoir. Depuis, le vieux barbu traîne son désespoir dans l’au-delà où nous n’avons plus notre place parce que nous l’avons trop déçu, nous les êtres de sable et de sang, de pitoyables marionnettes dans un théâtre extrémiste.

Le ciel s’obscurcit. Les nuages semblent nous prévenir de la bataille à venir. Nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, devant des caméras de télévisions juchées sur des drones, pour des millions de téléspectateurs assoiffés de violence et de scandale. Nous devenons l’actualité immédiate, le remède à la morosité des classes moyennes, un programme sur le vif, dans la grille médiatique. Mieux que les jeux du cirque, la coupe du monde de football ou le mariage princier, notre marche londonienne va créer de l’audience, passionner les foules et vendre des sodas survitaminés. Des publicités vont envahir l’espace télévisuel, toutes les cinq minutes, entre deux rafales de fusils d’assaut sur des manifestants ou des incendies volontaires dans des bus laissés à l’abandon pour la cause. Le clown Ronald vantera l’origine britannique de ses steaks tandis que nous combattrons pour manger à notre faim. Un acteur sur le retour expliquera au consommateur pourquoi acheter à crédit une machine à laver les oreilles pendant que nous exploserons le comptoir d’une banque chinoise.

Je ne rêve plus depuis des années. La réalité me colle aux pieds comme du bitume liquide, à peine posé et déjà sale. Je suis né dans cette Grande Bretagne libérale où une Reine octogénaire décide de la couleur des crèches, signe des déclarations de guerre contre des peuples de pouilleux au nom des valeurs occidentales et laisse son petit fils vomir son mépris des pauvres dans les pubs huppés de Hampstead. Mon futur se décline en travail précaire, sur les chaines automatisées des machinistes américains, en beuveries collectives à l’entrée des stades de Fulham ou de Liverpool, en mariage à crédit avec une couturière par intérim, en portée de petites brutes destinées à lever le coude chaque samedi soir.

Un cri déchire la foule. La mascarade commence. D’abord, nos sentinelles préviennent les premiers rangs. La rumeur gronde. Les policiers ont commencé à taper sur notre avant-garde, les nostalgiques de John Lennon et de sa paix dans le monde. « Imagine » scandait le chevelu à lunettes dans sa chanson légendaire. Je n’imagine rien et surtout pas un lendemain sans possession, sans cause pour tuer ou mourir, dénué d’avidité et de faim. Il doit l’avoir mauvaise, l’ami John, à regarder les hommes lutter pour un morceau de pain ou un bout de terre acquis de haute lutte contre d’autres pauvres. « Tu peux dire que je suis un rêveur » chantait-il avant qu’un produit du système ne lui truffe l’estomac de plomb estampillé U.S, sur les trottoirs de New York.

Mon futur s’écrit maintenant. Oxford Street va brûler, Londres va trembler, la Reine va déclarer la guerre aux castes oubliées, aux refoulés de la croissance britannique. La police va frapper sur des crânes anonymes, en plein concert de cocktails Molotov et d’armes automatiques, dans le bruit et la fureur. « Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur » a dit un jour notre Premier Ministre. Il ne nous reste que le sang.

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Titi
Posté le: 06-12-2016 11:00  Mis à jour: 06-12-2016 11:08
Administrateur
Inscrit le: 30-05-2013
De:
Contributions: 1622
 Re: Le théâtre extrémiste
Mon cher Donald , voila un texte qui fleure bon le système en faillite et qui pourrait bien être prémonitoire........

Quand une frange de la population se nourrit sur le dos de l'autre et, devenant de plus plus riche, appauvrie davantage encore celui qu'elle tond, le risque est grand que les tondus se révoltent!!!!

“Le contraire de la misère ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage.” prétendait le bon abbé Pierre.
Hélas, il n'a pas été entendu, tant les écarts de creusent encore et encore davantage.


Heureusement Ton homonymie d'outre atlantique, va changer tout cela ................, mais peut être en pire!!!

Au fait , Donald, as tu envisagés de changer de prénom???

Remarque ,nous on s'en fout, on préfère Donald le vilain petit canard poète , au grand connard qui se la pète!!!

( oui je sais c'est pas terrible, mais ça soulage!!!)

En tous cas ,Bravo pour ton superbe texte, guère éloigné d'une réalité ,peut être plus proche qu'il n'y parait...

Bonne journée à toi, et n'oublie pas : aujourdhui tu ne prends que des transports collectifs en notre belle capitale!!!!!

Nous en Touraine.............,ça roule!!!!

Amitiés

Serge
Donaldo75
Posté le: 07-12-2016 05:58  Mis à jour: 07-12-2016 05:58
Plume d'Or
Inscrit le: 14-03-2014
De: Paris
Contributions: 1111
 Re: Le théâtre extrémiste
Cher Serge,

Je ne suis pas très fier de ce prénom désormais, mais finalement les Américains n'ont que ce qu'ils méritent. et puis, j'aurais pu me prénommer Adolf ou Benito voire Nicolas, alors je ne m'en tire pas si mal.

Je ne prends pas les transports en communs de la belle régie parisienne aujourd'hui, parce que je pars ce matin à Toulouse où m'attend une journée de folie à interviewer des fans du zéro et du un. La seule pollution que j'émettrais serait due à un trop plein de cassoulet !

Merci de ton commentaire, ça fait chaud au cœur, surtout que j'écris de moins en moins de nouvelles en ce moment (en fait, j'ai du mal à terminer une novella qui se passe aux États-Unis).

Amitiés,

El Donaldo (en hommage à mes amis Mexicains)
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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