Depuis que le ciel s'est habillé de coton frais et d'un voile d'une douceur virginale, on voit s'enrouler les longues mèches de brumes irisées qui vont couvrir les dentelles de gouttelettes d'eau des toiles d'araignées, ces décorations opalescentes se balancent dans les haies et les bosquets, elles pendulent lentement soufflées d'une ronce à l'autre. Nous voici somnolents et sereins, nous entrons avec indolence dans notre rituel état de nonchalance. L' immuable cycle saisonnier nous rassure oui, indubitablement. Dans le gris qui nous hypnotise et nous régente nous abandonnons, paresseusement, lymphatiques, les perfides besognes qui alourdissent nos songes et nous rembrunissent. Nous allons encore, nous gourmander inutilement. Soyons paresseux le ciel le veut; allons vivre heureux en pays de vacuité, soumis amollis au règne de la sainte procrastination Paressons avec volupté, l'âme sans regret, nonchalants, grisés d'une divine flegme réjouit de nos avanies de lézard. Soyons vides, ne soyons rien, rien qu'une respiration que le temps traverse, demain viendra sans nous. Allons nous bercer dans les bras de notre créatrice, la déesse Murtia notre vénus reine de la paresse. Sans nous battre sottement la coulpe, baissons avec douceur la flamme de nos ardeurs. Décembre se dénude, invite ses terres de silence et avec sa lascive indolence nous fait offrande de moult mouchettes à chandelles qui à l'heure du dormir nous éteint tendrement pour dans le gris nous étreindre jusqu'aux rêves. Dociles sous nos yeux clos, allons lentement nous morfondre ou nous languir dans les jardins en sommeil, en exhalant de nos lèvres bleuies des souffles diffus, fugaces nuages de buée. Revenons à la nature, au rythme lent de notre mère d'hiver, laissons nos folles flammes à l'enfer. Revenons à notre état d’humbles vies sur terre. Nous voici millions de fourmis de toutes couleurs, revenues dans les villes ou venues se terrer, casanières, sous la pierre et les tuiles des hameaux enfumés par les hautes cheminées. Les plages déshabillées de leurs châteaux de plastique gonflable ont retrouvé leur vérité originelle, le sable jaune et froid ruisselle de mille canaux et ridules, il régurgite la foule indésirable de gadgets et mégots dans un bienfaisant vomissement libératoire. Sur les bancs de bois des écoles, les joues sont rouges et les têtes ont vu revenir les poux. Dans les bois et forêts les nids sont fermés, lapins, écureuils et musaraignes ont creusés leurs trous. Les armées de ceps, impeccables silhouettes grises, sont alignés au garde à vous dans les vignes. Leurs légions sous les zébrures du ciel bas, gardent l'horizon en formant une multitude de longues lignes. Les châtaignes ont explosé leurs bogues brunes sur le sol tendre gorgé d'eau et s'enfoncent avec aisance dans l'abondance de feuilles qui fondent les bruns dans le vermillon. La précieuse moisissure fait à nos narines, offrande d'effluves, de fragrances aromatiques, de vie fertile à venir, de terre mouillée, de végétation. Laine brute, soie douce et fibre angora font barrage aux frissons des peaux hâves et chétives. Le havre de bonheur sera dans l'âtre, dans les couettes avec un livre, ou sous le halo de la lampe, fameux soleil d'hiver, pendant que resteront dehors, frimas, crachin que la bruine ravive. Sous la terre dure et blanche de froidure, germe inanimée dans le silence, somnole, en patiente attente, l'exubérante énergie d'émeraude, l'ardeur de la floraison, vitalité d'extase impérissable. Décembre à ouvert la porte à l'hiver. Janvier décolorera les forêts. Et Février offrira l'entêté perce-neige, le mimosa .... et ainsi tout est bien.
Lydia Maleville
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