Lucie, petite blonde de vingt-six ans, est employée depuis près de deux ans dans le bureau du notaire Dufaux, à la réputation sans faille malgré son patronyme. Récemment, une autre secrétaire a été embauchée en renfort pour quelques mois. Celle-ci se prénomme Carine. Lucie a bien tenté de se rapprocher d’elle mais la jeune fille, sortie fraîchement des études, reste très secrète et semble timide à l’excès.
Un jour, Lucie est prise d’une douleur soudaine dans le bas-ventre. Elle lâche les dossiers qu’elle portait et se tient l’abdomen en grimaçant. Carine, au son des plaintes de sa collègue, accourt et l’aide à ramasser les feuilles volantes éparpillées dans le couloir. Lucie, pliée en deux, retourne, non sans mal, s’asseoir à son bureau. La douleur s’estompe peu à peu mais reste lancinante.
Après quelques jours, la jeune femme toujours souffrante décide de demander un avis médical. Le docteur, perplexe, l’oriente vers un gastro-entérologue, puis un gynécologue mais aucun ne trouve l’origine du mal qui la ronge. À coups de drogues diverses, elle parvient à gérer la douleur.
Un autre jour, alors qu’elle encode les données d’un dossier, Lucie est prise d’une migraine soudaine. Carine, venue chercher du papier pour l’imprimante s’inquiète de la pâleur de sa collègue.
– Tu devrais rentrer chez toi. – Non, ça ira. Ça va passer.
Mais rapidement, les maux de tête s’amplifient et Lucie est obligée de solliciter son patron afin de rejoindre la pénombre de sa chambre et espérer que les douleurs s’apaisent.
Le lendemain matin, la migraine est toujours présente mais supportable. Lucie, courageuse, reprend le boulot. En pénétrant dans le bureau de Carine, elle est à nouveau prise d’une vive douleur dans le ventre. Surprise, Carine lève la tête, referme brutalement le tiroir supérieur de son bureau et rougit jusqu’aux oreilles.
– Que fais-tu ? demande Lucie – Euh… je consultais mes mails sur mon téléphone. Je sais qu’on ne peut pas… – Je ne dirai rien. – Merci. Tu n’as pas l’air bien. – J’ai de nouveau des pointes dans le ventre. – C’est inquiétant. Tu devrais prendre un long congé maladie. Tu as besoin de repos. – Ne t’en fais pas. Il en faut plus pour m’abattre.
Un fin sourire passe sur le visage de Carine pendant que Lucie ajoute :
– Et puis tu as pris congé demain et après-demain. Ce serait annulé si je ne venais pas.
Le lendemain, Lucie a besoin d’un dossier dans le bureau de Carine. Après avoir fouillé les montagnes de paperasses sur son bureau, elle trouve son bonheur. Son regard est attiré par le premier tiroir entrouvert. Un coup d’œil rapide aux alentours et la jeune femme ouvre ce dernier. De prime abord, rien de spécial : du matériel d’écriture, de traçage, etc. Mais en-dessous de ce bric-à -brac, une petite masse brune l’intrigue. Elle repousse les marqueurs, crayons et autres stylos lorsqu’une piqûre à l’index la fait sursauter. Elle retire une fine aiguille de son doigt et une petite poupée informe du tiroir. Celle-ci est transpercée par une autre aiguille. La tête de la poupée est serrée par une élastique couleur bordeaux. Quelques cheveux blonds, semblables aux siens, ont été cousus sur son crâne chauve, sans visage.
Lucie reste interloquée devant cette chose semblant sortie tout droit d’un mauvais film d’horreur. Assez dubitative, elle retire l’aiguille et l’élastique du corps inerte de la poupée. Instantanément, les douleurs qui tourmentent son corps depuis plusieurs jours cessent.
C’est alors un tourbillon de questions qui assaillent son cerveau : Pourquoi cette méchanceté ? Comment a-t-elle pu créer cette poupée vaudou ? Sa chaise de bureau est recouverte de ses longs cheveux couleur des blés mûrs, il n’aura pas été difficile de s’en procurer discrètement. Carine veut-elle ainsi l’évincer pour prendre un poste en CDI ? Que compte-t-elle faire de plus si son stratagème est insuffisant ? Lucie prend peur face à cette magie venue d’ailleurs et qui vient de prouver sa terrible efficacité. Elle décide de remettre le tout en place. L’aiguille est plantée légèrement et non profondément dans le ventre et l’élastique, restée lâche, est posée sur la tête informe de la poupée.
Le soir, Lucie entame de longues recherches sur le net. Il lui faut trouver une parade à cette agression silencieuse et rapidement car Carine revient bientôt.
Le lendemain, la petite blonde se glisse subrepticement dans le bureau de sa collègue. Elle subtilise la poupée satanique, prélève quelques cheveux sur la chaise de Carine avant d’aller se cacher dans les toilettes. Elle sort de ses poches le matériel nécessaire. Quelques minutes plus tard, elle n’a plus qu’à remettre la poupée à sa place. Carine ne devrait rien remarquer.
Celle-ci revient comme prévu le lendemain, fraîche et dispose après ses deux jours de congé. Lucie est assise à son poste lorsqu’elle entend un cri terrible provenant du bureau de sa chère collègue. La secrétaire esquisse un sourire satisfait en pensant : « Et voici la version vaudou de l’arroseur arrosé ! ».
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