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Nouvelles confirmées : Arpents de mots
Publié par tchano le 28-09-2016 22:30:00 ( 861 lectures ) Articles du même auteur



Pendant quelques secondes la surface de l’eau s’est défroissée.
La voilà rendue au chahut.
A chacun de ses pas, l’eau frappe le bord intérieur du seau, éclate en des sculptures d’acanthe qui se défigent en retombant sur sa cuisse.
Elle doit pourtant faire en sorte de réduire ses majestueux éclaboussements à un ressac adouci. Faire en sorte de perdre le moins d’eau possible. Elle sait qu’elle se ferait rabrouer à son retour et qu’elle serait contrainte de reproduire cette corvée exténuante. Elle sait que c'est dans l’obscurité de la nuit venue qu’elle devrait rejoindre la ferme. Une ferme de la lointaine campagne madrilène où, orpheline, elle a été placée il y a un peu moins d’un an.
Elle atténue autant que possible la claudication faite par l’alternance d’un pas rapide et d’un pas plus ample. Cadence qu’un musicien traduirait par l'enchaînement répété d’une croche et d’une noire.
Le pas nerveux harponne le sol, servant ainsi d’ancrage au transfert laborieux de l’autre jambe, raide et maigre comme béquille. L’autre jambe, celle qui soutient et pousse le seau.
Elle ne compte que ses pas courts. Et au bout de neuf de ces pas, elle fait une pause pour reprendre son souffle. Elle s’est astreinte à ce séquençage pour ne pas trop s’arrêter et perdre ainsi le moins de temps possible.
Elle a déjà fait quatorze haltes et il lui reste autant de fractions de ce chemin brûlé a parcourir avant d’arriver.
Elle effectue neuf pas courts sans même savoir que cela fait neuf pas. Du reste elle serait bien incapable de compter jusqu’à sept, le nombre d’années consécutives à sa naissance.
Si elle exécute le même nombre de pas entre ses pauses, c’est qu’à chaque fois qu’elle plante son pied gauche au sol, elle scande une syllabe. Elle scande une à une les syllabes des mots qui composent la phrase agrippée à sa pensée:
« Pa-pa-ma-man-ai-ment-Ma-ri-a! ».
Et invariablement au bout des arpents de cette suite de sons, quand le pied du seau vient s’unir à l’autre pied pour former un mât dur, le « a » long, expulsé par un souffle puissant qui lui vient de bien plus loin que ses poumons, lui laisse au ventre un amalgame de soulagement et de rage.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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