Je m’appelle Armand et je m’occupe d’une ferme à Dinant, en Belgique. J’élève des animaux à deux pattes qui ne sont pas du tout originaires de la région mais qui s’y sont acclimatés. J’adore les nourrir, les caresser et leur parler. C’est ainsi que j’obtiens les plus beaux œufs de Belgique. Un seul peut nourrir plusieurs personnes ! Vous ne me croyez pas… mais je ne vous parle pas de vulgaires poules. Moi, j’élève des autruches mais nous avons aussi des émeus, des nandous et des casoars. Mais les autruches restent mes préférées. On ne penserait pas mais c’est qu’elles sont costaudes et rapides ces grosses bêtes. J’ai commencé à les monter il y a quelques années. Leurs pattes puissantes ne flanchent pas sous mon poids. Je me suis amusé à faire des petits tours dans les environs. Pas besoin de scelle comme sur un cheval, il suffit de bloquer ses jambes sous les ailes. Puis un léger coup de talon lui indique la direction à prendre. Dans le champ, on faisait des courses entre fermiers. Saviez-vous qu’une autruche peut atteindre les septante kilomètres par heure ? Des gens du village et de la région venaient nous voir. Cela devenait un rendez-vous hebdomadaire très apprécié. Il fallait que j’entraîne mes autruches et que je trouve mes championnes. Les plus rapides étaient Serge, Donald et Jacques. Notre sport a vite fait des émules dans d’autres pays et il n’était pas rare que j’embarque mon trio pour des courses dans divers pays d’Europe. À l’approche des JO de 2020, un fermier allemand proposa sur un coup de tête ce nouveau sport au Comité Olympique qui, à mon grand étonnement, ajouta cette discipline au palmarès. Ni une, ni deux, je me suis inscrit comme candidat. Comme mes performances étaient plus qu’honorables, je fus sélectionné pour aller défendre les couleurs de mon pays au Japon. Mon trio de champions ne supportant pas les voyages en avion, nous avons pris le bateau. Le voyage me parut interminable. Quel soulagement d’apercevoir les côtes japonaises. J’allais enfin pouvoir lâcher le seau avec qui j’étais devenu inséparable en raison d’un méchant mal des transports. Nous fûmes installés dans les mêmes quartiers que les jockeys et leurs montures. Ces derniers me narguaient en passant avec leurs étalons à la robe luisante. Ils jetaient un regard dédaigneux à mes volatiles au plumage sombre et à la petite tête chauve. Jacques se blessa à la première épreuve, sûrement à cause du décalage horaire. Donald se qualifia pour la demi-finale avant de choper une vilaine tourista. Tous mes espoirs reposaient désormais sur Serge. Le veille de la finale, je passai beaucoup de temps à le caresser, le masser, lui parler pour le rassurer et l’encourager. Nous avons même dormi côte à côte sur la paille. Le jour J arriva. Nous étions sur la ligne de départ. Au coup de sifflet, Serge démarra sur les chapeaux de pattes. Nous étions devancés par l’australien et le sénégalais. Je sentais que Serge en avait encore sous le genou alors je l’ai encouragé tout en flattant son égo d’autruche et en lui en donnant des petits coups de talons. Nous avons dépassé la casaque sénégalaise. Nous nous rapprochions de la tête de la course. Lors d’un virage, l’australien glissa et nous prîmes notre envolée jusqu’à la ligne d’arrivée. Quelle fierté de monter sur le podium pour recevoir la médaille d’or. Je voyais de la fierté dans les yeux globuleux de Serge. Il allait devenir la vedette de l’autrucherie, la coqueluche de Dinant et le chouchou de la Reine Mathilde. Alors si vous passez dans le coin, venez saluer mon champion à l’Autrucherie du Pont d’Amour.
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