Chapitre 15 : Je m’approchais de Félicia avec des intentions meurtrières, mais Ouisticroc s’interposa. Très bien il allait mourir lui aussi. Cependant ma conscience me hurla que c’était assez, que je devais prendre le temps de réfléchir posément. Bien que je sois rempli de dépit, et de colère, j’acceptais un compromis, je m’accordais un petit moment de réflexion. Mes instincts violents me soufflaient de tuer le singe et la femme. Cependant ma raison m’indiqua des arguments pertinents qui me calmèrent progressivement. Notamment que Félicia prit de gros risques pour me venir en aide, qu’elle n’agit pas comme une ennemie, mais au contraire comme quelqu’un éprouvant une amitié sincère à mon égard. Je devais convenir qu’elle accomplit des actions héroïques, et que je n’avais pas de preuves pour justifier ma rancœur contre elle, juste une pulsion malsaine. Alors je me forçais à me détendre, à mettre de côté mon ressentiment. Un autre élément déterminant dans ma décision d’épargner Félicia fut son grand courage, elle ne chercha pas à me supplier ou à se jeter à genoux pour demander à ce que je l’épargne. Elle témoigna un haut niveau de dignité à un moment critique, cela méritait d’être pris en considération. Je n’éprouvais pas d’affection forte pour Félicia, mais elle méritait du respect, alors je pensais juste de lui donner une chance. Cependant je devais avoir une longue discussion avec elle pour clarifier certains points. Et si ses paroles ne se révélaient pas convaincantes, si elles démontraient sa culpabilité et sa bassesse, dans ce cas je reprendrais mes projets d’assassinat. En outre je serais sans pitié, même un compagnon loyal comme Ouisticroc ne pourra pas infléchir ma résolution, réussir à me faire changer d’avis. D’ailleurs si mon singe protège avec trop de zèle ma cible potentielle, j’avais aussi l’intention de lui régler son compte. Figue était remontée à bloc, elle m’invitait à commettre un massacre en règle, à me défouler de façon particulièrement méchante et cruelle sur mes deux interlocuteurs, la femme et le singe. D’après Figue l’animal ne valait pas mieux que Félicia, donc tous deux ne méritaient absolument aucune considération, juste des supplices douloureux. Fraise tentait de calmer le jeu, de m’infléchir à la clémence. Mais j’avais l’esprit plutôt embrumé par une colère intense.
Holocaust : Félicia travailles-tu pour l’évêque ? Félicia : En effet, mais je ne suis pas une espionne, je dois plutôt veiller sur toi. Holocaust : Comment cela ? Félicia : Ma mission est de te rendre service dans la mesure du possible. Holocaust : Peux-tu me ramener chez moi ? Félicia : Si c’est ce que tu souhaites, c’est oui.
Apparemment Félicia ne mentait pas, et elle semblait navrée de m’avoir cachée ses fonctions. J’éprouvais encore des restes de colère, mais les larmes de mon interlocutrice émoussaient ma volonté de crier ou d’éprouver de la rancune. En y réfléchissant je n’avais aucune raison d’éprouver du ressentiment, car après tout je reçus une bonne nouvelle. Je pourrais d’ici quelques heures rentrer sur l’Astral Saule, l’endroit de ma naissance, ma patrie d’origine si je le voulais. C’était un lieu où la croyance dans les dieux, les anges et les démons était non seulement tolérée mais aussi admise. Cet endroit avait une nature bien plus préservée que sur Gaea, et ne subissait pas la domination d’un groupe comme la multinationale B-Corp. Ma nation est très différente de ma zone d’exil, aussi bien du point de vue de la faune, de la flore, et du climat. La météo est généralement tempérée sur l’Astral Saule, et c’est un modèle d’équilibre naturel, il existe des animaux dangereux mais les écosystèmes ne sont pas bouleversés comme sur Gaea. Et surtout il n’y règne pas une anarchie politique et économique surréaliste. Là où je suis contraint de vivre les guerres sont légions, les tentatives de s’approprier le territoire d’autrui sont nombreuses. Les riches exercent une pression intolérable sur les pauvres. La misère grandit chaque jour, des gens s’empiffrent comme des goinfres, quand par moment leur voisin souffre de la disette. Dans l’Astral Saule, les conflits sont rares et la plupart du temps réglés de manière pacifique. Pour décider qui a raison ou tort dans une dispute, la tradition la plus répandue consiste à battre son adversaire en étant le premier à lui balancer un élastique sur le visage.
Je décidais quand même de rester quelques temps sur Gaea, par envie de mener un dernier coup d’éclat. La prime de X monta jusqu’à huit cent mille pénas, j’avais envie de voir si je pouvais atteindre le million, puis je rentrerais. Je choisis de m’attaquer à la succursale de la B-Corp récemment installée sur l’île. C’était un bâtiment modeste, mais qui appartenait à une organisation que je détestais du plus profond de mon cœur. Il y avait une équipe de gardes qui jouaient les sentinelles au rez-de-chaussée, je m’en débarrassais assez rapidement. Les employés se montrèrent assez courageux, mais ils ne faisaient pas le poids face à moi. Il s’agissait de personnes embauchées sans avoir de réelles qualités de combattant. Les trois gardes se firent assommer en moins de cinq secondes par mon bâton de bois. Cependant je réalisais que j’aurais tout aussi bien pu les tuer. Je me trimballais avec une bombe puissante, et la déflagration ôtera sans doute la vie aux sentinelles. Or je n’avais ni le temps ni la volonté de déplacer le corps des gens que je rendis inconscient. Je dis tant pis, moins il y aura de sbires de la B-Corp plus le monde de Gaea se portera mieux. Les chefs de cette multinationale prétendaient œuvrer pour le bien commun, mais ils racontaient des mensonges monstrueux. Avec leur politique du droit à quiconque de créer sa propre nation, ils amenaient un chaos terrible. La stabilité politique et la prospérité économique devinrent pratiquement inexistantes sur Gaea, depuis que la B-Corp proposait des services de création de pays. Monnayant finance le premier idiot venu avait la possibilité de faire reconnaître officiellement son propre gouvernement. Résultat des guerres éclataient tous les jours sous des prétextes complètement loufoques. Par exemple parce que la pâtisserie d’andouilland proposait des pains aux raisins au lieu de chaussons aux pommes, cela attira la colère du gouvernement de stuipideland, et l’envoi de troupes armées pour contraindre le pâtissier à rejoindre la voie du chausson aux pommes.
Malheureusement l’explosion fit une victime imprévue, il s’agissait de Félicia, elle ne fut pas touchée par la déflagration, mais des rumeurs dérangeantes commencèrent à circuler sur elle. De plus en plus de gens affirmaient qu’elle était de mèche avec moi, qu’elle complotait contre la sécurité de l’île. J’eus beau jouer les gros bras, chercher à intimider les lanceurs de ragots, je ne parvenais pas à maîtriser la situation. Au contraire plus je me montrais violent physiquement plus j’incitais les gens à pointer du doigt Félicia, à lui témoigner de l’hostilité. Vu les preuves qui m’entouraient j’aurais dû être certain que les choses se mettraient tôt ou tard à dégénérer. J’aurais dû partir avec Félicia tant qu’il était temps, mais je voulais absolument atteindre le million de récompense pour la prime de X. J’étais à 999 999 pénas, encore un petit effort et j’arriverais à concrétiser mon objectif. Si j’avais su ce qui se passerait, j’aurais renoncé à jouer les personnes fières qui s’accrochaient à une ambition parfaitement ridicule. En effet je fis atrocement souffrir Félicia par mon désir d’aboutir à un score élevé. J’ignorais que les conséquences de mon acharnement signifieraient une grande tragédie. Par exemple Félicia se ramassa une pierre sur la tête de part d’un habitant de l’île à cause de mon entêtement à rester. Je me lançais dans une diatribe incendiaire contre la foule qui il y a moins d’une semaine aimait Félicia. Le changement d’attitude des gens de l’île me poussa à les insulter. Figue me conseilla de balancer des pots géants de rillettes de porc sur mes ennemis. Ainsi si la foule ne mourrait pas écrasée, elle sera quand même victime du pouvoir du gras sur le long terme. Fraise m’incitait au contraire à présenter des excuses, ou du moins à tenter de négocier avec les gens hostiles devant moi. Je considérais le fait de se montrer poli comme de la pure perte, et je décidais de continuer à abreuver d’insultes mes interlocuteurs. Je sentais une hostilité croissante, mais pour le moment les gens n’osaient pas trop intervenir de peur de figurer dans la catégorie des victimes. J’étais réputé pour ma puissance, et mon côté impitoyable, cela dissuadait pour le moment la plupart des personnes assemblées de tenter de me nuire directement.
Holocaust : Vous ne valez rien, y compris du point de vue alimentaire. Vous êtes de telles merdes que même des cochons ne voudraient pas vous manger.
Enervé par mon emportement, je commis une erreur en marchant sur la queue d’Ouisticroc devant une caméra de surveillance camouflée, invisible à mes yeux. Je m’excusais en murmurant les termes foi de X. Résultat les chefs de la B-Corp firent le lien entre Holocaust le météorologue travaillant sur une île et, le hacker connu sous le nom de X. Alors ils envoyèrent un agent très puissant me traquer, le bras droit Katja, une femme effrayante. J’avais rempli sans le savoir mon objectif d’arriver au million de pénas de récompense pour mon avis de recherche, mais aussi provoquer l’arrivée d’un fléau dans mon existence. Katja après un vol plus rapide que celui d’une hirondelle atterrit sur Cap Volt, et décida de s’échauffer en faisant la peau de tous les élémentaires électriques. Il lui fallut une minute pour décimer des centaines de créatures connues pour leur puissance magique impressionnante. Après cela elle passa par les trois forêts de l’île et terrassa les plus dangereux monstres que les bois contenaient en à peine cent secondes, et encore elle perdit du temps à demander son chemin à un promeneur. Quand je vis venir le bras droit, je pensais que ma dernière heure était venue. Je sentais que j’allais mourir, quand soudain Ouisticroc fit une sorte de danse des canards. Il se déplaça tout en étant accroupi, et cria plusieurs fois le son coin, coin. Il s’agissait selon lui d’un rituel utile pour le voyage de l’âme vers le Paradis. Puis mon singe se mit à combattre mais il fut neutralisé en deux trois mouvements, sa capacité de contrôle temporel n’affecta pas le moins du monde Katja. Félicia tenta elle aussi d’affronter le bras droit, mais elle se fit assommée par une pichenette. La foule hostile n’était plus là , elle se dispersa suite à l’arrivée du fléau qui me regardait avec condescendance. Puisque j’allais mourir, je me concentrais toute ma force magique et ma vitalité dans une attaque kamikaze qui j’espère causera au moins une égratignure à Katja. Mais bizarrement un miracle eut lieu, je sentis un sort de téléportation à l’œuvre près de Félicia, je me rapprochais lentement d’elle, et je finis par être déplacé sur MeTeorama, tout en emportant Ouisticroc avec moi.
Je voyais de mes propres yeux MeTeorama, la divinité de la météo, je vivais un rêve éveillé. Il s’agissait d’une entité non humaine qui prenait la forme d’une île immense, il y avait une architecture rappelant une ville romaine de l’antiquité autour de nous. Le plus impressionnant venait de la présence d’une épée géante plantée dans le sol, d’une hauteur supérieure à une trois girafes superposées. Je me remettais à peine de mes émotions qu’un type se présentant sous le nom de Celsius entreprit de draguer Félicia.
Celsius : Comment allez-vous belle dame ? Félicia : Tiens cet endroit ressemble furieusement au lieu d’enlèvement de l’évêque.
Deux secondes plus tard Katja nous rejoignit en usant de sa magie pour agrandir la corde de son super grappin. Bien que Meteorama soit presque dans les nuages, le bras droit arriva à nous poursuivre. Elle était furieuse de ma résistance en tant que proie. Elle prit un léger retard de dix secondes sur son planning à cause de moi, alors elle avait l’intention de me faire bouillir les entrailles. Elle décida pour la peine de me torturer moi et Félicia avec une malédiction, de nous jeter un sort qui nous causera des souffrances indescriptibles. Je pris alors mon courage à deux mains, me mit à genoux et demandait avec humilité au bras droit de ne pas causer de douleur à Félicia. Je m’attendais à ce que Katja me rit au nez, s’esclaffe devant ma capitulation, mais elle fut touchée par ma requête. Aussi elle m’accorda le droit à une dernière volonté. Cela paraît étrange que je subisse une situation humiliante pour quelqu’un comme Félicia qui m’était insupportable il y a peu. Toutefois il faut savoir que je paie toujours mes dettes. Et que je considère comme primordial de ne pas avoir peur de donner de sa personne pour les gens à l’égard de qui on a une créance majeure en terme d’honneur.
Holocaust : Je voudrais que l’île sans nom devienne l’île Félicia. Katja : Accordé. Félicia : Holocaust s’il te plaît fuis je te couvre. Holocaust : C’est inutile, nous ne pouvons plus rien. Tout ce que je peux faire c’est essayer de rembourser mes dettes.
Je vis Félicia me sourire avec sincérité peu de temps après avant d’être exécutée par un coup d’épée dans la poitrine. Je sentis qu’elle se transformait en ange peu après son trépas. Je mourrais peu de temps après, à cause de mon cœur transpercé par une lame. Je me réveillais dans un lieu rempli de flammes, et de gens qui souffraient. J’espérais ne pas faire partie des victimes, je m’avérais vite rassuré, je reçus une promotion, j’étais devenu un démon. J’étais assez heureux, j’accédais à une forme supérieure comparée à mon existence précédente. Je remarquais d’ailleurs que mes voix intérieures c’était totalement tues depuis une longue durée, apparemment mon changement de nature fit disparaître Figue et Fraise. Quant à Katja, elle tint sa promesse, elle usa de son influence pour que l’île Félicia soit répertoriée officiellement.
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