Il y a si longtemps que je gratte ma lyre... Sombres méditations, vertigineux délires, Rêveuses réflexions sur la vie, sur les gens, Réminescences troubles, moments dérangeants ; Le bilan étant fait, après mille poèmes Et n'ayant pu, ainsi, régler aucun problème, Je me suis dit alors qu'il est aussi possible De rire de la vie, en la prenant pour cible. J'aime beaucoup Boileau qui le faisait fort bien, Et sa légèreté, dans le ton, me convient. On dit que la gaieté est communicative Et j'aime, par moment, prendre l'initiative De rire le premier, mais tout en espèrant Qu'il puisse avoir parfois un effet opérant. Pourquoi la poèsie devrait-elle être triste ? Le chagrin doit-il, seul, faire son tour de piste ? Les chants désespérés sont-ils bien les plus beaux, Et suis-je bien venu, avec mes gros sabots ? Quand, après une vie, vécue pour le travail, Des soucis journaliers vaincus, vaille que vaille, Des ennuis de santé et des tracas d'argent, Devrais-je m'exprimer par des vers affligeants ? Merci. J'ai eu ma part. Et la vie qui me reste, Je compte m'en servir et fuir, comme la peste, Les navrés du confort dans l'engourdissement D'une vie ramollie avant vieillissement. Je sens monter en moi, comme une chose innée, Les bons mots oubliés, tel que le ' poil au nez ', Venant du fond du temps, en merveilleux cadeau. Allez ! Tous avec moi ! reprenez : " Poil au dos ! ' Mais c'est, hélas un jeu où je serais vaincu Car aucun, je le sais, ne se sent convaincu.
J'écris, en ce moment, dans un coin de campagne, Tout auprès d'un ruisseau, au pied d'une montagne, A l'ombre d'un feuillage et sous un ciel tout bleu, Et je n'ai pas le coeur à m'en plaindre, parbleu ! Alors c'est les vacances et l'esprit vagabonde. De mon tonneau d'idées, j'ai retiré la bonde Et je me suis offert ce moment reposant En le laissant courir un peu, en m'amusant.
Un vieil homme est passé me dire, d'un air sévère, Que je dois m'en aller, que je suis sur ses terres ; Mais j'étais souriant, détendu, si serein, Qu'on s'est mis à parler, comme deux vieux copains. Euréka ! j'ai trouvé ! ce n'est pas un mystère Si rien ne tourne rond sur notre vieille terre, Si chacun, dans la foule, est un peu paniqué ; C'est que nous n'avons plus l'art de communiquer. Je suis, probablement, issu d'une autre école. Tout pourrait me manquer. Tout . Hormis la parole .
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