Chapitre 11 : Intrigué par le spectacle du pigeon rose qui atterrit près de moi, je relâchais légèrement ma garde. Ce fut une grave erreur, des sbires de la multinationale B-Corp en profitèrent pour s’en prendre à moi. Mais je ne laissais pas faire, je tuais à coup de thermomètre et de sort de glace, plusieurs assaillants. Ils portaient tous un costume semblable. Il s’agissait d’hommes et de femmes dotés d’un uniforme rouge, composé d’une chemise et d’un pantalon et qui se collèrent au sommet du crâne une effigie de canard en plastique de la taille d’une main humaine adulte. J’affrontais les canardors, un groupe de gens travaillant pour la B-Corp spécialisés dans la traque des éléments perturbateurs. Ils portaient un symbole de canard bien visible sur leur tête pour attirer la chance. Plus ils se faisaient remarquer avec leur superstition, plus ils recevaient en théorie de bienfaits. Mes ennemis n’appartenaient pas à l’élite guerrière, même s’ils bénéficiaient d’un certain entraînement. Je tranchais et congelais avec enthousiasme mes antagonistes, j’éprouvais une joie sauvage à me battre. Je restaurais ma fierté en voyant que je blessais et ôtais la vie à des ennemis, malgré une pression intense d’un groupe adverse se chiffrant à une vingtaine de personnes. Cependant même avec l’avantage du nombre et de la surprise, les canardors ne parvinrent pas à triompher. Néanmoins je devais beaucoup aussi à l’intervention d’Ouisticroc, il était bien meilleur combattant que moi, sa maîtrise du péna kempo était digne d’un maître. Son art martial coûtait cher, vu qu’il consuma des billets de banque, mais il était soulageant que mon singe soit de mon côté, sinon je n’aurais pas survécu. Les canardors réussirent à me blesser légèrement malgré l’appui d’Ouisticroc. Ils étaient clairement des personnes zélées, aucun d’eux ne prit la fuite, malgré le fait qu’ils se firent décimer. Résultat tous connurent un sort funeste, et moururent.
Je me questionnais sur la démarche à adopter, devais-je continuer à exercer un chantage, ou abandonner mon moyen de pression ? En fouillant le corps de celui qui ressemblait au chef des canardors, je mis la main sur un document invitant à employer la torture et le tabassage pour faire parler les prisonniers entre leurs mains. Et plus je tenterais de mener la vie dure à la B-Corp, plus je serais confronté à une réponse dure. Or je n’avais clairement pas la possibilité de rivaliser en matière de répression avec la multinationale. Même si Ouisticroc était un fabuleux combattant, je doutais qu’il soit capable de tenir contre l’élite de la B-Corp, en particulier les terrifiants Bras droits, ou la redoutable section 0. Je n’avais pas envie de céder, toutefois si je persistais, je finirais probablement par être appréhendé et victime de choses horribles. Il existait des rumeurs sur internet selon laquelle du personnel de la multinationale, pratiquait des sévices horribles sur les opposants influents à sa domination. En outre d’après les instructions délivrées aux canardors, je devais faire l’objet d’un traitement spécial, être soumis à des supplices particulièrement élaborés. C’en était trop pour moi, même si je voulais mettre la main sur un joli pactole, je désirais aussi vivre. Je décidais de retourner sur l’île sans nom, et de me tenir à carreau. Je pourrais peut-être revenir à la charge une fois que j’aurais terminé mon entraînement spécial mais pas avant. D’ailleurs il serait plus prudent de recruter des alliés supplémentaires, si j’ambitionnais toujours de pratiquer un chantage. Une personne spécialisée dans la détection des intentions hostiles et des pièges serait un plus notable, si je demande une nouvelle rançon à la B-Corp. Je frissonnais à l’idée de ce qui m’attendait en cas de capture. Ces salauds oseront peut-être carrément me forcer à passer une journée sans avoir le droit d’insulter les gens.
Pour moi injurier les nombreux médiocres qui existent était nécessaire. Si je devais me montrer poli et courtois avec les imbéciles qui pullulent sur ce monde, je déprimerai vite, je deviendrai rapidement malheureux. La seule personne à qui je n’ai pas envie de balancer des insultes est Ouisticroc, mais c’est l’exception à la règle. En général je témoigne un mépris complet voire de la haine pour les êtres qui m’entourent, qu’ils soient des humains ou bien des animaux. Figue insinuait d’ailleurs que mon amitié pour mon singe était franchement déplacée, que je devrais m’en débarrasser pour mon bien, que je me rendais vulnérable en acceptant l’amitié d’Ouisticroc. Fraise riposta en déclarant que mon animal m’apportait beaucoup, pas seulement de la compagnie mais aussi du bien-être. C’était rare toutefois je me sentais plutôt d’accord avec Fraise.
Apparemment les chefs de la multinationale comptaient surtout sur les canardors pour m’arrêter. Cela fait dix minutes que je marche, et je n’ai pas encore rencontré de nouveaux antagonistes. Cela me rassure, je n’étais pas certain de pouvoir participer à un nouveau combat intense. Ma blessure récente m’handicapait, elle commençait déjà à cicatriser, et je ne perdis pas beaucoup de sang, mais j’étais quand même diminué par mon précédent affrontement, même si j’en sortis victorieux. Ouisticroc pourrait toujours user du péna kempo pour me venir en aide, mais cet art martial coûtait assez cher, il causa lors du dernier combat la destruction de dix billets de banque. En outre je voulais garder un minimum d’économies pour couvrir mes arrières, organiser ma fuite avec mon singe vers un lieu lointain, une planque sûre. Toutefois plus le temps s’écoulait plus mon angoisse diminuait. Je pénétrais dans la zone des deux roues, et je ne décelais toujours aucune présence hostile. Cet endroit devait son nom à la grande quantité de boutiques de louage ou de vente de motos et de vélos. Il y avait de quoi satisfaire les plus exigeants des motards, ce lieu regorgeait de modèles différents, de pièces détachées allant du bon marché à l’extrêmement cher.
Je m’apprêtais à entrer dans un magasin vendant des vélos pliables à des prix raisonnables, quand mon attention fut attirée par un bruit lointain dans les airs. Au départ je n’arrivais pas à identifier le son, puis en me concentrant je penchais pour un hélicoptère. J’eus raison, je vis bien un engin volant de ce type se rapprocher. Il s’agissait probablement d’un véhicule appartenant à la multinationale B-Corp, vu que la coque extérieure était peinte dans un rouge intégral. Je n’avais aucune chance de semer en fuyant une machine volante rapide. Alors je me préparais à jeter un sort afin de détruire l’hélicoptère quand je remarquais un spectacle ahurissant. Des feux d’artifice furent tirés pour saluer l’arrivée du véhicule, ils illuminaient le ciel avec des lueurs rouges, vertes et violettes. Puis une musique forte rappelant un opéra épique fut propagée par les haut-parleurs de l’engin volant. Elle était à un niveau assez fort, elle se révélait audible sur une très large zone, on l’entendait facilement d’un bout à l’autre du quartier. Enfin un homme vêtu d’un sombrero noir un chapeau à très large bord, d’une chemise blanche, d’un pantalon gris, d’une veste de même couleur et d’une cravate rouge s’apprêtait à descendre en chute libre d’une hauteur supérieure à vingt étages. Pourtant il se réceptionna sans problème, son entrée en scène fut particulièrement soignée. Mais le plus dérangeant chez mon ennemi n’était pas son sens du faste qui confinait au ridicule, mais bien son niveau de puissance magique qui s’annonçait redoutable. Toutefois avant de commencer à parler, il effectua une petite gigue du bonheur. Il se donna de petites gifles sur les joues, tout en sautillant avec les pieds. Ensuite il fit une pirouette dans les airs, et après s’être réceptionné, il fit le v de la victoire avec ses deux mains.
??? : Je suis Delta le magnifique, et je suis là pour t’arrêter X, retires tout de suite ton masque. Holocaust : Bonjour magnifique jeune homme, je suis au regret de vous désobéir. Delta : Euh tu es beaucoup plus poli que le suggère ta réputation. Holocaust : Je ne comprends pas ce qui s’est passé, j’ai eu un moment de faiblesse. Si tu crois que je vais te rendre service, je te dis vas crever. Delta : Apparemment tu ne sais pas à qui tu as affaire, je suis un membre de la section 0. Holocaust : C’est bizarre, je croyais être un trop petit poisson pour l’élite de la B-Corp. Delta : Ta prime a connu un bond, elle est maintenant de deux cents mille pénas, pour avoir tué vingt agents de la B-Corp. Holocaust : J’ai piégé tes chaussures avec un sort, si tu fais plus de dix pas, tu mourras victime d’une explosion. Delta : Diantre que dois-je faire ?
Pendant que Delta le sbire de la B-Corp réfléchissait sur un moyen de se déplacer, je volais un vélo géant adapté pour mes deux mètres cinquante de hauteur, et je m’enfuyais à toute vitesse. Je mentis sur le coup du sort explosif, cela n’entrait pas dans mes compétences. Toutefois l’essentiel était que Delta me crut. Je pédalais le plus rapidement que je pouvais. Je devais me dépêcher de prendre un train, et prier pour que mon interlocuteur ne connaisse pas un éclair de génie qui lui permette de déceler mon coup de bluff. Malheureusement dans la panique j’oubliais Ouisticroc. Je me sentis terriblement coupable, même je vivais une situation d’urgence, cela ne justifiait pas de négliger mon singe. Par bonheur mon animal me rejoignit passé dix secondes d’attente. Il était un peu boudeur, mais il ne semblait pas trop m’en vouloir, ce qui me soulagea. La peur me poussa à choisir des rues au hasard, je ne savais pas si j’étais proche ou loin de la gare. Il me fallait consulter une carte ou demander mon chemin. J’allais questionner des gens, quand je me souvins que je possédais un plan de la ville de Central Town. Le stress me rendait idiot, à moins que ce soit des effets magiques imprévus de mon masque. Il s’agissait d’une relique surnaturelle avec des propriétés très intéressantes, car elle était pratiquement indestructible. Seule une magie surpuissante s’avérait capable de l’endommager. De plus la seule personne à avoir la possibilité de retirer mon masque se limitait à moi. Toutefois il arrivait assez souvent que des objets mystiques possèdent des effets dérangeants. Je ne me sentais pas moins intelligent, mais sait-on jamais. Je fis une vérification en effectuant des opérations mathématiques complexes à très grande vitesse. Cette action me rassura, mais pas complètement. Je décidais pour plus tard de m’adonner à des tests intellectuels, afin de vérifier si tout allait bien quand je mettais mon masque. Soudain j’eus le droit à une surprise de taille.
Delta nous avait rejoint en marchant sur les mains, il était allé presque aussi vite qu’un vélo manié par moi, une personne ayant une excellente culture physique, et qui connaissait des techniques avancées pour optimiser la rapidité de son véhicule à deux roues. Je n’en revenais pas, le désespoir me saisit puis je réalisais que mon moyen de transport était magique. Alors je disposais peut-être d’une chance d’échapper à mon poursuivant. Je dis à Ouisticroc de s’accrocher sur le bagage du vélo, et j’activais le super moteur de mon engin, ce qui me propulsa dans une montée à une vitesse ridiculisant un cheval au galop. Je pédalais comme un dératé pour accroître la rapidité de mon véhicule. Je désirais maximiser les chances d’échapper à mon poursuivant. Après une demi-heure d’une folle escapade j’estimais avoir mis assez de distance entre Delta et moi. Ouisticroc applaudissait des mains, il ressentit des sensations très agréables, il avait le cœur bien accroché. Certains auraient eu la peur de leur vie, en étant le passager d’un vélo roulant avec une vélocité digne d’une voiture de course lancé à fond. J’étais très fier de mon singe qui montra un courage exemplaire, et surtout une grande fidélité. Il aurait été compréhensible qu’il m’abandonne vu la menace mortelle qui planait sur moi dans la personne de Delta. Mais non Ouisticroc demeurait loyal malgré une situation tragique. Néanmoins je n’étais pas au bout de mes peines. En effet Delta nous avait rattrapés, malgré la course exceptionnelle que j’avais opérée. Le plus étonnant venait du fait qu’il ne semblait pas le moins du monde fatigué, il n’avait pas l’air d’avoir sué un tant soit peu. Il était frais comme un gardon et arborait un grand sourire, comme s’il ne marcha que sur une courte distance.
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