Chapitre 7 :
Mon antagoniste avait beau être un animal, il savait se défendre avec efficacité, il montrait une véritable économie de mouvements, il ne chargeait pas comme un forcené enragé totalement dépourvu de réflexions. Il savait quand attaquer et le bon moment pour esquiver, se consacrer à la défense. Et par-dessus tout il était doté de bonnes aptitudes physiques pour le combat. Il s’avérait endurant, et possédait une vitesse impressionnante. Cela faisait deux minutes que je me battais contre le chef renard qui se déplaçait avec une grande rapidité, pourtant il ne faiblissait pas le moins du monde. Au contraire plus le combat se prolongeait plus ses aptitudes martiales semblaient se développer. Je ne comprenais pas ce que cela signifiait, normalement un humain ou un animal qui mettait son corps à rude épreuve s’épuisait assez rapidement. Puis je remarquais qu’un des congénères du chef avait l’air de s’épuiser graduellement, alors qu’il restait immobile. Alors une idée me traversa l’esprit, le chef avait un pouvoir magique qui lui permettait de puiser dans la vitalité de ses semblables. J’étais mal parti, pour l’instant le mâle dominant n’avait l’air de se renforcer qu’avec l’énergie physique d’un compagnon de meute, mais il livrait un duel à forces égales contre moi. S’il ressentait le besoin de recevoir l’appui surnaturel de plusieurs semblables, dans ce cas il deviendra beaucoup plus fort que maintenant. Ce qui me compliquera considérablement la tâche. Je songeais pendant une petite seconde à fuir, mais je me maudis pour mon accès bref de couardise. Surtout que la lâcheté ne servirait pas à grand-chose, j’étais encerclé, et un renard en bonne santé courrait nettement plus vite que moi. Alors je continuais la lutte, même si je commençais à sérieusement douter de rester vivant sur le long terme.
L’affaiblissement de mon mental, allié au fait que j’éprouvais un début d’essoufflement ne jouaient pas en ma faveur. Je me faisais petit à petit dominer par mon adversaire, le statut quo se rompait, la situation d’égalité virait à un net désavantage pour moi. Surtout que le chef en avait manifestement marre du combat, il semblait ressentir le désir de conclure, ainsi il puisa dans les forces vitales de trois congénères pour se renforcer physiquement. Cet acte accrut sérieusement ses facultés martiales, le mâle dominant se battait avec une vitesse que je suivais avec toutes les peines du monde. Encore quelques secondes et je serai complètement acculé, vraisemblablement défait. Le chef sentit que je flanchais, alors il redoubla d’efforts pour m’achever. Cependant un intervenant extérieur se mêla à notre combat, et flanqua une baffe retentissante au renard, qui l’envoya valdinguer dans les airs. Mon sauveur était assez spécial, il s’agissait d’une souris blanche karatéka. La créature portait un kimono de karaté, et arborait une ceinture noire. Le chef furieux abandonna la confrontation contre moi, et puisait désormais dans l’ensemble des ressources physiques de tous les survivants de sa bande. Le mâle dominant grossit de manière manifeste à cause de son pouvoir. Il doubla de masse, mais il ne devint pas un tas de graisse, il enfla au niveau musculaire. Je sentais que la puissance physique du chef s’avérait décuplé, et j’eus raison. Il se déplaçait tellement vite maintenant, que je n’arrivais plus à le suivre du regard. Il faisait de manière manifeste une démonstration de son potentiel de vitesse, au point que je me demandais s’il ne cherchait pas à intimider son adversaire. Est-ce que le mâle dominant avait peur de la souris ?
Le rongeur semblait ne pas s’émouvoir outre mesure de la démonstration de force de son antagoniste, il fit même ce qui ressemblait à un bâillement. Cette provocation énerva au plus haut point le mâle dominant, qui décida d’arrêter de tourner autour de son ennemi, et de se jeter sur lui. Ce fut sa dernière action d’être vivant, la souris coupa le corps de son antagoniste en cinq morceaux bien distincts en un temps record. Avant même que la dépouille du chef ne touche le sol, elle se retrouva répartie en plusieurs tranches. Le décès du mâle dominant provoqua un vent de panique chez les autres renards qui s’enfuirent sans demander leur reste. Je ne détalais pas, car ce genre de comportement était contraire à mes principes. Même si un adversaire se révélait de manière incontestable beaucoup plus fort que moi, je refusais de jouer les couards. Le rongeur me regarda, comme s’il jaugeait un élément insignifiant, et me tourna le dos de façon dédaigneuse. Puis il s’en alla comme s’il ne m’accordait qu’une valeur superficielle, qu’il estimait que je n’étais pas un ennemi digne de lui. Même si je reconnaissais que la performance de la souris contre le chef renard, méritait d’être applaudie. Je me sentis profondément insulté par le dédain de mon adversaire, et je l’abreuvais d’insultes. Visiblement cela ne l’émut pas le moins du monde, il continua son chemin, en m’ignorant de façon superbe. Je me sentais profondément humilié, même si j’étais assez soulagé de conserver la vie. Je me jurais de faire le maximum pour pousser le rongeur à me voir comme un adversaire valable, d’ici notre prochaine confrontation. J’étais assez mécontent pour le moment, bien que la joie d’être toujours vivant constitue une belle consolation. Figue était d’avis d’attaquer lâchement la souris pour lui montrer ce qu’il en coûtait de me témoigner du mépris. Fraise à une nouvelle reprise joua les moralisatrices, présentait une action couarde sous un jour défavorable. Je fus d’avis de l’écouter car je désirais humilier dans un contexte loyal le rongeur, lui faire mordre la poussière lors d’une confrontation frontale et non pendant une attaque en traître. Je ne pus résister à l’envie de suivre la souris, et je découvris qu’elle dormait dans une sorte de terrier non loin du lieu de ma dernière confrontation contre les renards. Apparemment le motif de l’intervention du rongeur contre les bêtes rousses était l’envie de faire une sieste sans être dérangée par du bruit.
Dix minutes après l’affrontement contre les renards je trouvais l’objet de ma quête dans une clairière, je mis la main sur du lator, un végétal anti-magie. Quand un humain l’ingère, il devient incapable pendant vingt-quatre heures d’user de pouvoirs mystiques. Cette plante ressemble à une grande marguerite exceptée que sa couleur est un bleu intégral. Sortir des bois fut une chose assez aisée, je ne rencontrais pas d’ennemis sur ma route. Je revins dans mon local, et je commençais à préparer une soupe avec le lator. De son côté Ouisticroc attira mon attention, il empila des cubes où figuraient les lettres de l’alphabet, et forma avec le mot eau. Je réalisais alors que j’avais négligé de remplir complètement la gamelle servant à donner à boire à mon singe, qu’il devait avoir assez soif. Je fus impressionné par les capacités intellectuelles de mon animal, et désolé de l’avoir contraint à supporter une attente difficile. Pour me racheter je demandais à Ouisticroc s’il désirait quelque chose.
Holocaust : Veux-tu une banane ou autre chose Ouisticroc ?
Il tapa des mains, forma le chiffre quatre avec ses doigts, et indiqua avec son index des bananes. Je cherchais à me faire pardonner, mais je n’étais pas non plus une poire, alors je n’exauçais que partiellement le désir de mon animal, il n’aura que deux bananes. Toutefois je fis une dérogation à mes principes, au lieu d’une banane par jour pour Ouisticroc, je l’autorisais à consommer une ration double comparé à d’habitude. Je ne tenais pas à ce que ce gourmand grossisse, il avait beau faire souvent de l’exercice durant la promenade quotidienne qui durait une heure, et avoir de bonnes capacités pour brûler les calories, je craignais qu’un jour il ne développe un sérieux embonpoint, si je cesse de faire attention à son alimentation. Ousticroc fit une peu la moue devant mon refus d’obéir totalement à son caprice, mais cela ne dura pas longtemps, il était déjà content que j’accède en partie à son souhait. Je ne pense pas que mon singe ait compris le sens exact de ma phrase avec la banane, cependant il a dû se douter à mon air désolé qu’il était possible de tirer parti de la situation.
La soupe était prête, une impulsion ridicule m’incitait à vouloir y goûter, je n’étais pas humain, mais je préférais éviter d’en boire. Il y avait un risque qu’elle produise des effets néfastes sur moi. Il restait cependant un problème à régler, comment inciter Félicia à consommer la soupe. Je ne m’étais pas montré très agréable avec elle, résultat il serait logique qu’elle m’en veuille. D’un autre côté vu sa cervelle de linotte, sa bêtise affligeante, je doutais qu’elle remarque un ton hostile ou des insultes, à moins d’être confrontée à une manifestation de haine complète et fanatique. Oui j’étais presque certain que cette personne stupide acceptera sans se méfier le moins du monde ma soupe, qu’elle ingérera de bon cœur un liquide qui contribuera à sa perte. Néanmoins il fallait tout de même mettre le maximum de chances de mon côté, alors j’optais pour soigner un peu mon apparence avant de livrer la soupe. Mon escapade en forêt salit mes vêtements, et me donna une coiffure négligée. Ainsi je m’attelais à arranger mon apparence, je changeais d’habits, et usait d’une peigne pour donner un aspect plus présentable à mes cheveux. Je m’imaginais des choses agréables pour m’aider à adopter un air souriant. Cela fut assez facile, je pensais à la débâcle prochaine de Félicia quand les autorités s’occuperont de son cas. Je songeais à la mine déconfite qu’elle affichera quand elle se rendra compte que je lui tendis un piège. Je fantasmais sur l’anéantissement de l’avenir de l’idiote. Si j’étais appelé à témoigner contre elle, je n’aurais aucun remords à invoquer des mensonges fallacieux pour alourdir sa peine et aussi récolter une rémunération financière supplémentaire. Quoique ? Il serait profondément déshonorant d’inventer des bobards pour enfoncer Félicia. Dans un tribunal il fallait jurer de dire la vérité, et j’avais pour principe de respecter mes serments.
Holocaust : Félicia, voudriez-vous boire la soupe que j’ai cuisinée ? J’en ai trop fait, et je n’aime pas jeter la nourriture. Félicia : Avec plaisir, mais j’aimerais que nous nous tutoyons. Holocaust : Très bien, je te souhaite un bon appétit avec ma soupe. Félicia : Tu ne voudrais pas venir à midi chez moi ? J’ai constaté que tu habitais seul. On pourrait en profiter pour faire plus ample connaissance. Holocaust : Ce n’est pas possible aujourd’hui, j’ai des affaires urgentes à mener.
Holocaust observa avec des jumelles Félicia en train de boire de la soupe. Quand il fut certain que son cadeau alimentaire fut avalé, il décida de se diriger vers la mairie de l’île afin de dénoncer son interlocutrice aux autorités. Il y avait un bureau des délateurs qui recevaient souvent des appels téléphoniques et des lettres. Par contre il ne menait en règle générale d’enquête qu’en fonction des rapports de gens qui s’exposaient. Une lettre anonyme avait peu de chances d’aboutir sur une procédure judiciaire contre quelqu’un. Il fallait avoir le courage ou la stupidité de donner sa véritable identité au bureau, pour espérer causer un procès contre un suspect. Cependant la mairie prenait très à cœur certaines procédures de dénonciation, notamment celles à l’encontre des criminels surnaturels, des individus accusés d’user de magie pour des fins illégales. En effet les sorciers étaient extrêmement mal vus par la communauté locale, ils faisaient l’objet d’une traque sans merci. Résultat les fonctionnaires s’adaptèrent, ils mettaient les bouchées doubles pour réprimer les utilisateurs de magie infernale. Surtout que se montrer laxiste dans la lutte contre les sorciers pouvait valoir des ennuis monstrueux. La foule ne témoignait aucune retenue quand elle pensait que vous étiez accoquiné, complice, ou même juste tolérant avec les jeteurs de sorts interdits. L’histoire de l’île regorgeait d’exemples tragiques de sorciers et de leurs proches, qui se firent lyncher par un rassemblement de gens furieux. La police anti-magie était tristement redoutée dans les environs, elle était crainte à cause de ses procédures terribles, elle générait une grande peur. Mais elle était vue comme un mal nécessaire pour combattre la corruption. Les plus terribles des policiers de cette brigade étaient les inflexibles, des auxiliaires de la loi qui portaient un costume de lapin, soit disant qu’il s’agissait de la protection ultime contre les malédictions.
Je me demandais vers quel service de fonctionnaire orienter ma dénonciation. Si je choisissais les inflexibles, j’aurais la joie d’être certain que Félicia prendrait très cher, dans le sens qu’elle sera torturée de manière impitoyable et méthodique. Finalement je renonçais à cette option, pas par empathie, mais envie de gagner des sous. Les porteurs de costume de lapin payaient moins bien que beaucoup d’autres. C’étaient de vrais avares, qui ne récompensaient pas avec de grosses sommes d’argent. Ils considéraient qu’une lettre de félicitations valait nettement mieux qu’un gros chèque ou, un joli tas de billets de banque. Je trouvais assez idiote cette manière de voir, pour motiver les gens la paie était un élément essentiel quand un service disposait de moyens financiers. Jouer les radins quand l’argent coulait à flots, constituait une stupidité sans pareille d’après moi, et un excellent moyen de mécontenter les gens. Un petit accès de remords me paralysa une seconde quand je pensais aux implications de ma dénonciation. Ma conscience me soufflait qu’il n’était pas trop tard, que je pouvais faire machine arrière, ne pas gâcher une vie juste par ressentiment. Néanmoins je décidais d’écouter l’appel de l’argent, j’aurais besoin de fonds financiers pour satisfaire mes buts personnels. Le travail de météorologue payait bien sur l’île, cependant vu mes ambitions tout généreux coup de pouce était bon à prendre. J’avais entendu parler d’un appareil de communication avec les extraterrestres. Je pense qu’en modifiant ce type de machine il sera possible de parler avec une divinité. Problème il était nécessaire de rassembler beaucoup de monnaie pour rendre possible mon projet. La haute technologie ce n’était pas gratuit.
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