Rien !
J’ai senti que des mots poussaient. Ils poussaient pour sortir. Par ma bouche trop étroite n’est passé Qu’un mot sourd. Rien qu’un petit mot Lourd. « Rien !» « Rien !» est sorti. J’ai dis « rien! » Un son tronqué. Un son rogné de tant de mots. Un « rien à déclarer! ». Je n’ai dis rien qu‘un tout petit « rien! ». J’ai dis « rien! » c’est tout. C’est tout ce que je tais. J’ai dis un rien-bâillon, rien-trahison. Un mot-leurre. Un mot porte-parole traitre à des mots Réprimés-opprimés-comprimés. Un mot-diversion. Un mot dit en s’effaçant. Un Modigliani, sans relief, sans pupilles, Sans vacuité pourtant. Un point intense, bandé, bondé. Bondé de cris ensevelis Sous un tertre muet. Bandé jusqu’à l’extrême Et qui décoche « Rien! ». Un trois fois rien, un mille fois trop. Un mille fois trop de forces tues. Un petit mot pour taire la voix, La voix des pleurs de rage. La voix passagère de mes âges. Rien qu’un mot Dit pour taire Pour ne pas te Maudire Le P é r e
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