A GEORGES Il l’avait donc ce mal qu’on dit mystérieux Qu’il cachait si bien dans le rire de ses yeux, Et dans les vers de ses chansons, Ce mal mystérieux qui prend sans distinction Les jeunes et les vieux, les mauvais et les bons, Et dont on n’ose dire le nom. Qu’il fut triste le jour où il nous a quitté Qu’il fut triste le jour où il s’en est allé, Sans presque rien dire à personne, Sans faire trop de bruit, comme il avait vécu, Il est donc parti comme il était venu, C’était un drôle de bonhomme. Comme son ami Martin, il creusa doucement, Sa tombe de ses mains, n’étant pas dérangeant, Et s’y étendit sans rien dire, Seuls quelques amis vinrent lui dire au revoir, Il n’y eut pas d’Harmonie, il n’y eut pas de fanfare Cela a dû lui faire plaisir.
Au cimetière de Sète où il avait voulu Que d’une façon discrète, on mette une croix dessus Bien que n’allant guère à la messe, Sa guitare à la main, il est parti joyeux, Chanter ses doux refrains au royaume des cieux Il n’y eut pas besoin de confesse.
Aux portes du Paradis, quand il est arrivé, Quand d’un air ébahi, il y a frappé, Le ST Pierre lui fit la fête, Cela faisait longtemps que je vous attendais, Faites un pas en avant que je vous vois de près, « Il est donc venu le poète »
A GEORGES (SUITE)
Sa pipe entre ses dents, il l’a bien regardé, Et tout en souriant il lui a demandé, « On a donc retenu ma place ? Franchement je n’pensais pas pouvoir y entrer Après tout ce que j’ai dit sur Dieu et ses abbés, Mais s’il lui plait, grand bien me fasse. »
Et il prit son bagage, suivant le St geôlier, R’connaissant au passage les premiers arrivés, Qui lui firent une belle ovation, « L’était temps que tu viennes » lui dirent-ils tout bas, « Nous chanter toutes celles que l’on ne connaît pas, Vas-y chantes nous donc tes chansons »
Sans se faire prier, il a pris sa guitare Et il a commencé, un sourire bizarre Eclairant sa face blafarde, Et de la Religieuse au Bulletin de santé, D’une façon joyeuse, elles y sont toutes passées, Ce fut une belle rigolade.
Puis regardant en bas, il vit tous ses amis, Qui le bras sous le bras parlaient trist’ment de lui, Cela lui mit du cœur à l’ouvrage, Il reprit sa guitare, sa feuille et son stylo, Se remit à écrire, jouant avec les mots, Pour leur donner du courage.
Et il fit une chanson, disant en gros ceci, Pas de grosses émotions, voyez, je suis ravi, Car j’ai enfin trouvé mon port, Ne soyez donc pas tristes, et chantez avec moi, La chanson des artistes qu’on chantait tout en bas, Chantez donc les copains d’abord.
A GEORGES (SUITE)
Vous savez cette chanson, où quand on disparaît, Le trou dans l’océan, ne se referme jamais, Il faut garder le souvenir, De celui que je fus pendant mes soixante ans, Bien assis sur mon cul, et souvent en chantant, Voilà ce que je voulais vous dire.
Souvenez vous de moi, comme d’un bon vivant Souvenez vous de moi, comme d’un bon garçon, Et ne pleurez plus sur mon sort, Voyez vous où je suis, je suis bien maintenant, Au cimetière de Sète, éternel estivant, Chantez donc les copains d’abord.
Au cimetière de Sète, éternel estivant, Chantez donc les copains d’abord.
J.P INNOCENZI 1983
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