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Nouvelles confirmées : L'arrivant XVI
Publié par Loriane le 27-07-2012 23:10:00 ( 1283 lectures ) Articles du même auteur
Nouvelles confirmées




L'Ombre avait gagné sur le jour et cela comme toujours s'était fait rapidement.
La famille était silencieuse, la fin du jour, ici comme ailleurs, agissait sur les esprits et les humeurs de chacun.
Lorsque la voiture s'engagea dans notre impasse, la nuit avait déjà effacé le paysage, ne nous laissant que les bords du chemin.
Arrivés en haut de la colline, dans le ciel assombri et étal qui paraissait plus immense que jamais, la lune ronde et blanche attendait au dessus de l'Océan.
Sa lumière d'opale pure et limpide éclairait le cimetière. Sa face pleine était si près que l'on aurait pu voir les Sélénites vaquer.
J'étais en pleine contemplation. J'étais encore avec eux sur la lune .
"Maman... maman ... maman..."
"Maman tu écoutes ? Rodéric s'est endormi "
Ce coup là est classique. Je peux affirmer que arriver à destination après un long ou même un court voyage en voiture, endort inéluctablement les petits enfants. Ce qui nous contraint régulièrement à les porter dans les bras jusqu'à la maison.
Devant la grille une voiture attendait, le futur maître de Gaston était arrivé avant nous et je pensai qu'en définitive l'endormissement de Rodolphe à cet instant précis était bienvenu.
Je le portai dans la maison, il grogna une ou deux fois mais ne se réveilla pas.
JF parlait avec notre visiteur.
Tout cela était parfait pour moi, car je pourrais préparer le repas tranquille et surtout le départ de Gaston se ferait dans les meilleurs conditions possibles.
"Qui met la table ?"
Ma question reçut un froid silence en réponse, pas d'amateur en vue pour la "corvée".
JF remontait, et j'entendis le moteur de la voiture qui repartait.
"Pourquoi tu ne l'as pas fait monter pour lui offrir un verre ?"
"Il est pressé, il a beaucoup de route, et il doit être rentré pour la traite des vaches, il est très content, et Gaston est monté en voiture sans faire d'histoire, mais je l'ai bien briefé, je l'ai bien mis en garde"
"Espérons que cette fois il restera là-bas."
"Attends, il ne reviendra pas cette fois, comment tu veux qu'il fasse ? il est enfermé et en plus c'est à plus de 65 kilomètres, non là, c'est bon "
La ferme de Taravao était l'unique ferme de Tahiti, placé à l’extrême sud sur Tahiti iti que nous appelions la presqu'île. C'était le garde-manger de l'île, La seule région tahitienne où l'on voyait de grandes praires vertes, une surprenante petite Normandie tropicale, la fraîche végétation de la presqu'île se prêtait bien à l'élevage et à la culture de produits frais, c'était le lieu idéal pour une agriculture locale.
Gaston était parti suffisamment loin pour que je me sente enfin rassurée, cette fois je savais que nous ne le verrions pas demain devant la grille.Le problème était enfin réglé.
J'avais mis seule le couvert, et je poussais plusieurs fois mon cri de maman "à table ".
Excédés par l'attitude, par la surdité désobligeante de nos cinq plus grands enfants, JF et moi nous nous mîmes à table avec un Rodéric plus endormi qu'affamé, mais le bruit des fourchettes se révéla plus opérant que nos appels insistants et bientôt la tablée au grand complet dîna calmement sous la lune.
La Punaruu avait élimé les énergies et la nuit fut calme.
Dés le réveil, le lendemain, Rodéric s'enquit de ce que faisait son cher Gaston.
"Il est parti mon bébé, il va avoir plein de copines, il est avec les vaches et les chèvres de la ferme de la presqu'île, tu sais il a beaucoup de chance"
"Non !! vous êtes très méchants !!!"
Il boudait encore quand je le mis à l'école et je priais que cette situation ne s'éternise pas et soit cette fois réglée.
Et pourtant, il boudait toujours lorsque nous remontâmes à la maison en début d'après-midi.
En traversant Papeete, depuis la voiture, je vis devant le lycée Gauguin, un groupe de gamins qui fumaient, assis sur le trottoir et parmi eux se trouvait Clhoé en grande discussion et je ressentis, à ce moment, une onde de désespoir en constatant qu'elle avait, elle aussi, la cigarette à la bouche.
Non, contrairement à ce que l'on clame partout, ce ne sont pas vraiment les parents qui éduquent leurs enfants, mais c'est l'environnement social qui lui, pèse lourd, très lourd.
J'étais furieuse et j'allais garer la voiture pour aller parler à la demoiselle.
Je cherchai un moment et j'avais enfin trouvé une place, quand je la vis monter sur sa mobylette et partir les pieds-nus en zigzaguant entre les voitures, la clope au bec.
Je restai plantée une seconde sur le trottoir la rage au cœur mais impuissante.
Je savais où la retrouver, elle allait à son entraînement de natation, avec Matthieu, mais j'abandonnai la poursuite pour le moment. Il était préférable que je me calme avant.
Je fulminais, j'étais même hors de moi, j'étais à bout d'arguments, j'avais tout essayé, j'avais supprimé l'argent de poche, multiplié les menaces, les raisons sages, les longues discussions, j'avais tant argumenté ...tout ça en vain. Je rouscaillais dans ma barbe !
"Attends ma vieille, on va se retrouver à la maison ! "
"Maman t'as vu Clhoé ?, elle a pas ses chaussures, et pis elle fume "
" Oui, mon bébé, j'ai vu !"
Je me heurtais à un mur d'entêtement.
J'étais vraiment en rogne et cela dut se ressentir dans mon travail de l'après midi.
Malgré tout la sieste de Rodéric me permit d'avancer dans mes cours, assise dans le séjour je travaillais dans la maison calme, lorsque j'entendis des appels très lointains :
"Madame, madame ..;"
Je me levai intriguée, cela semblait venir de loin, mais par acquit de conscience j'allais malgré tout sur la terrasse pour bien voir la grille d'entrée. Mais comme je le supposais, il n'y avait personne à cet endroit. Je restais là quelques minutes, attendant que l'appel se renouvelle, mais rien, et au moment de me rasseoir, l'appel se fit de nouveau entendre :
"Madame, Madame, Madame ..."
Le ton était cette fois plus impérieux, plus fort. Mais, il m'était toujours impossible de localiser l'endroit d'où il venait.
Je me relevai pour la deuxième fois, très intriguée, je sortis du séjour, et depuis la terrasse je balayais des yeux toute la ruelle, l'entrée, le jardin devant la maison, puis sur ma droite, sur ma gauche, je descendis voir au garage.
Mais rien, je ne voyais rien, ni personne.
Très troublée, je remontai quand j'entendis de nouveau l'appel. "
"Madame, Madame, Madame, madame..."
Le ton était encore plus faible, mais aussi pressant, suppliant.
Je n'étais plus seulement médusée, mais aussi maintenant inquiète.
Bon allez, je me suis dis, je dois comprendre ce qui se passe, je vais faire tout le tour.
Et donc, je suis descendue et j'ai quadrillé de façon militaire, mètre par mètre, avec soin tout le devant de la maison, puis le terrain sur le côté, enfin le jardin à l'arrière, la piscine, la terrasse arrière, et je revenais par le côté mitoyen avec la propriété voisine.
"Madame, viens, Madame, viens dépêche toi, viens.."
La voix me parlait à moi, voilà qui était Incroyable, étonnant !
Devant le long mur, l'épaisse et longue haie de faux caféiers fermait cette partie du terrain.
A peine avais-je tourné l’angle arrière de la maison que je reçu le soleil en plein visage.
J'étais aveuglée, je clignai des yeux, éblouie par cette lumière de l’après-midi.
Je fixai la longue pelouse, l'étendue d'herbe face aux portes-fenêtres des chambres des enfants, je plissai les yeux et je distinguai une silhouette bien connue qui était assise là.
Cette silhouette était celle de notre brave chien Marcel, celui-ci, en position assise de garde, droit et tendu, grognait très fort, très menaçant, il levait la tête découvrant tous ses crocs impressionnants.
Je levai les yeux dans la direction du regard du chien, et je compris immédiatement ce qui posait problème
Marcel, avait la gueule à seulement un ou deux mètres des pieds de l'agent de l’électricité.
Le malheureux se tenait accroché au pylône électrique et ses jambes tremblaient de fatigue ou de peur, je ne savais pas, mais je voyais le visage tendu d'inquiétude et d'épuisement du malheureux technicien.
J'attrapai le collier de Marcel, et le fis partir.
"Mais pourquoi tu ne m'as pas prévenue que tu rentrais dans le jardin."
"Mais il trrrop con, ton chien !! !! il n'a rrrien dit quand je suis rrrrentré, ça fait longtemps que je t'appelle"
"Je sais mais je ne savais pas où tu étais, je ne te trouvais pas, il fallait me dire d'enfermer le chien "
Mais à peine l'employé avait-il enlevé de ses pieds les sortes de griffes de métal qui lui permettaient de s'accrocher aux poteaux, qu'il sortit vite du jardin, c'est seulement une fois la grille passée, bien à l'abri dans la ruelle, derrière la porte qu'il accepta de parler un peu plus. Mais il ne s'attarda pas bien longtemps, son aventure l'avait guéri du quartier et il s'empressa de repartir.
"Mais qu'est-ce qu'il se passe avec les chiens ??? c'est l'année du chien ou quoi ?"
Je marmonnais à voix haute, mais en fait cette aventure brève m'amusait.
Le fait que l'employé soit rentré sans me prévenir, était ordinaire, ressortait des traditions de l’île.
Les Polynésiens avaient pour coutume de vivre en communauté et si la propriété existait indéniablement du fait de l'administration française, ceci était bien surtout du fait des européens qui l'ont imposée, les tahitiens n'en conservaient pas moins un sens du partage qui se traduisait par des portes qui ne sont pas vraiment fermées, et il n'était pas rare, et même il était tolérable que quelqu'un entra dans un fare parce qu'il avait soif, ou faim et se serve dans le réfrigérateur.
La propriété existait mais n'avait pas le sens absolu, sacro-saint et hermétique qui est de mise chez nous. Il ne fallait pas s'en formaliser outre mesure, les choses prises étaient toujours des choses simples sans valeur et cela ne pouvaient être considéré comme un vol.
Il fallait peut-être en conclure que Marcel n'était pas un vrai Tahitien, car il n'avait pas l'air partageur.
Je retournai à mon travail, Rodéric s'était réveillé, et s'installa sur mes genoux.
Je repensai à Clhoé, et une bouffée de colère teintée d'impuissance m’assaillit de nouveau, mais je m'étais bien calmée quand les deux mobylettes se firent entendre.
"Bonjour les enfants, Clhoé viens ici "
L'explication fut brève et intense, j'avais décidé de sévir, voulant ignorer mon incapacité à la contraindre.
Pendant que je la sermonnais elle me regardait en silence, en apparence elle écoutait ce que je disais mais elle me faisait savoir par son air narquois et provocateur, qu'elle était bien décidée à n'en faire qu'à sa tête, à désobéir. Elle attendit patiemment que je me taise.
"c'est tout, je peux partir ? "
"Tu as bien compris ? "
" ben oui ! "
Et je pensai immédiatement "et tu t'en fous ", mais inutile de jouer les pousses-au crime, en émettant ce sentiment à haute voix je risquais trop de m'entendre répondre par l'affirmative.
Laissons aux adolescents le goût de la provocation.
Je me parlais souvent pour me raisonner, je raisonnais mon moi, par nécessité, pour retenir ma furieuse envie de lui botter les fesses.
Depuis la terrasse, je regardais rêveuse les trois petites silhouettes qui rentraient un peu plus tard que d'habitude, après une séance de cinéma à l'Otac.
Ils ne se pressaient pas et leur discussion était animée, je pensais, "ils se racontent le film, ils refont la séance"
"Bonjour Maman, on peut jouer à cache-cache ?"
Inutile de répondre, ils étaient déjà partis.
La tranquillité était terminée, je rangeai mes affaires, feuilles, livres et stylos et carnets.
Je voyais depuis la terrasse des petites silhouettes furtives, penchées en avant pour ne pas être vues, se faufiler avec agilité.
"Allez jouer dehors "
Quel est ce mystère constant qui amène les enfants qui disposent d'un grand espace, à toujours venir se coller à leurs parents et à jouer dans leurs jambes, au plus près ?
je réfléchissais à cela mais mes pensées se penchèrent sur un autre mystère en regardant Matthieu se préparer un petit "en-cas". je m'interrogeais aussi sur le problème de la gloutonnerie.
Car enfin qui pourrait parler de faim devant ce casse-croûte.
Le spectacle était remarquable.
Matthieu ouvrait un pain en deux, il commençait le garnissage par un côté, avec des tranches de saucisson, puis suivait du pâté, puis un reste de viande, puis un énorme morceau de fromage, de la confiture de goyave, et il terminait enfin, au bout de son pain, par de grosses cuillers de beurre de cacahuètes, et point d'orgue, avant de refermer il arrosait toute la partie salée avec de la mayonnaise.
Il refermait difficilement cette horreur et la tenait à deux mains il emportait son "sandwich" dans sa chambre, peut-être pour se stimuler pendant ses devoirs de maths.
Je regardai ce grand gaillard s'éloigner, j'étais songeuse. Fallait-il être fière, inquiète, laisser faire, stopper ... ?
Je me retournai, et accroupie je regardai ce qui restait dans le congélateur, parce que curieusement il allait encore manger au dîner, il fallait penser au dîner.
Mon inspection terminée je me relevai, quand Ouh !! Je fis un sursaut, et poussai un cri de surprise, sur le congélateur, à hauteur de mon visage deux pieds étaient posés là.
Florian debout sur le Frigo, me regardait, un doigt sur la bouche
"Chutttt ..."
Il était caché là !!?!! Est-ce que mes enfants allaient bien ?
Est-ce que l'on peut revendre ses enfants quand on sature trop ?
Je retournai dans mon travail, assise dans le séjour, j'envahis la table, je me réfugiai dans mon livre, les yeux s'évadant souvent sur la montagne devant moi, sur le pic rouge qui bleuissait . La nuit pointait son nez.
Le soleil descendait, il rougissait le ciel bleu, il incendiait les flots calmes du lagon. Nous inondant des clartés sombres du soir. Il faisait son numéro de génie.
Je regardais calme et apaisée ce sempiternel spectacle qui éteignait lentement les ardeurs et nous préparait à l'abandon, cet endormissement qui nous nous faisait goûter aux ténèbres, à la nuit noire qui en quelques heures d'oubli préparera demain.
"Papa ... papa ... papa, "
La Suzuki se gara lentement, J'entendis la grille s'ouvrir et aussi tôt le cri :
"NON ?! Merde ! merde ! mais MERDE alors, mais là ! on va devenir fou ... Mais putain c'est pas vrai !"
Un furieux chapelet de grossièreté, d'injure, de colère.
"Qu'est-ce qui se passe ?"
" Tu demandes ?"
JF était à l'intérieur du jardin, je devinais sa silhouette adossé à la grille, les bras le long du corps, et, à côté de lui une ombre bien reconnaissable, comme un défi éternel, irréductible, inébranlable, un mystère insolent, insoumis, irrationnel, irrésistible, insouciant ... là, était assis notre inséparable, indéfectible, invité, l'éternel arrivant :
Gaston, toujours plus noir et encore frisé.

Loriane Lydia Maleville

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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