PS. Voici une autre nouvelle que j'ai écrit un certain temps de cela, mais jamais posté ici. Il décrit bien comment je me sens en ce moment.
Et me voilà dans une salle d'attente d'un hôpital. Une salle typique à toutes les autres, lugubre, sinistre, remplie de véritables malades, d'éclopés, de handicapés. Je me sens comme un imposteur parmi tous ces gens. J'ai tous mes membres; aucune blessure visible. Je ne tousse pas, ne renifle pas. Pourtant, j'ai un problème, tout un problème. Cela a pris en charge ma vie, contrôle mes décisions. Il faut que ça cesse, je n'en peux plus. Et dire qu'il n'y a pas si longtemps, tout allait bien. Je travaille comme concepteur de jeux vidéos. Ma grande créativité a bâti ma carrière. Ma joie de vivre et mon intelligence ont développé ma vie sociale. Maintenant, j'ai perdu tout cela en peu de temps. D'ailleurs, le temps est très long ici. Je ne suis pas un cas urgent. Malgré tout, on finit par m'appeler. Je devrais être heureux d'en avoir fini avec l'attente, mais j'ai peur de la suite. Je rentre donc à contrecoeur dans la salle du médecin. Il s'agit d'un vieil homme à la barbe blanche et au crâne dégarni. Les cernes sous ses yeux me démontrent bien que je suis qu'un autre patient dans son « shift ». Il est clair que je vais le déranger avec mes bêtises. Mais je ne peux plus reculer. Il m'invite à m'asseoir. Je vois dans son regard qu'il attend que j'explique mon problème. Mais par où commencer? Et si je n'expliquais pas bien suffisamment? Si j'oubliais des détails et qu'il ne peut pas poser le bon diagnostic? Et si son mauvais diagnostic me rendait encore plus malade que je le suis déjà ? Je crie : « Assez! » « Mais à qui parlez-vous? » demande le médecin. -...À lui. À cette voix dans ma tête. — Quelle voix? — C'est compliqué. On dirait la mienne. Mais ce n'est pas moi. Elle me suggère des choses... qui me rendent confus, qui m'empêchent d'agir, qui me rendent malade. — Dites-m'en plus, dites-moi comment cela a commencé. — D'accord. Et j'ai commencé à décrire le premier jour. Où j'ai du faire face à lui, le parasite. C'était un jour comme les autres, je raffinais mon programme. J'écoutais du « Astral Projection » sur mon baladeur pour me stimuler. Je saluais les collègues qui passaient devant mon cubicule. Rien ne présageait que quelque chose tournerait mal. Et le téléphone sonna. C'était mon patron. Il me demandait à son bureau. J'arrêtais donc ce que je faisais. Je me rendis ensuite tranquillement vers lui. Je fermais la porte derrière moi et m'assis. — Que puis-je faire pour vous, patron? — Et bien, pour commencer, je dois encore vous féliciter pour votre excellent travail. Vos nouvelles trouvailles ne font qu'ajouter à la réputation de notre compagnie. — Merci patron, j'adore mon travail, ce n'est pas difficile dans ces cas-là . — Oui, ça se voit. Vous êtes probablement déjà au courant que la société a fait acquisition d'une nouvelle compagnie. Nous avons besoin de quelqu'un de votre trempe pour gérer une telle transition. Je crois que vous êtes réellement l'homme de la situation. Qu'en dites-vous? À ce moment-là précis, quelque chose se passa dans mon esprit. Une pensée arriva d'elle-même. La pensée avait ma voix. Mais cela ne sembla pas venir de moi, ce n'était pas moi. La pensée me dit : « N'y va pas! » Le patron qui dut voir le désarroi dans mon regard me demanda : « Tout va bien? Vous m'avez l'air pâle tout d'un coup. » Une autre pensée arriva : « Il faut que tu quittes le bureau, ça va devenir pire! » Je balbutiai au patron : « Je ne sais pas ce qui se passe, je vous reviens plus tard. » Je courus au-dehors. J'essaie de respirer. Mais qu'est-ce qui s'est passé? Qu'était-ce ces pensées qui envahissaient mon esprit? — Mais qu'est-ce qui m'arrive? dis-je tout haut. — Rien. J'ai juste empêché un désastre. Que j'entends dans ma tête. — Quel désastre? — Celui qui se serait causé si tu avais décidé de prendre la position. — Mais qui es-tu? — Je suis un parasite. Mais un bon parasite. — Un parasite? Mais comment es-tu arrivé en moi? — Ah! Je ne suis pas arrivé, je suis né là . Ça fait un bout que je suis là . Ça fait un bout que je te surveille. — Tu me surveilles, mais pourquoi? — Je te surveille des dangers qui pourraient t'arriver. Après tout, ta sécurité est aussi la mienne. Tu vois comme je suis bon pour toi! — Mais quels dangers? Je ne vois aucun danger! — Voilà où j'interviens. Là où tu ne vois aucun danger, moi j'en vois un. J'anticipe. C'est ma force. Grâce à moi, tout danger qui pourrait t'arriver n'arrivera jamais. Parce que je vais t'en empêcher. — Comment vas-tu m'en empêcher? — Simple, j'ai le contrôle de tes émotions. Dès que je vois un danger à l'horizon. J'active la peur. Tu seras surpris du pouvoir qu'elle aura sur toi. D'ailleurs, regarde. Une nervosité s'active tout à coup dans mon corps. Elle atteint d'abord mes mains, ensuite, mes bras pour finir dans ma poitrine. Une boule d'énergie négative irradie dans mon ventre. Des sueurs froides perlent sur mon front, mon cœur bat à toute allure. J'ai une grande envie de m'enfuir, mais pour aller où? Donc je fais la seule chose qui me semble sensée à ce moment précis. Je crie, à grand poumon. — ARRÊÊÊÊÊÊTE! — Voilà c'est fait. C'est passé. Il suffit que tu m'écoutes et ça passe. — Et si moi j'ai envie d'accepter le poste? — Alors je recommence, jusqu'à ce que tu comprennes. C'est pour ton bien après tout. — Je refuse de me laisser dominer par toi! J'avance d'un pas décidé vers le bureau de mon patron. Mais ça n'a pas tardé à se gâcher. — Ne le fais pas. Tu vas échouer, et tu perdras ton emploi. Ensuite, tu ne pourras en retrouver un autre, et tu perdras tout. Et le manège se répète. Je fige de peur et je décide d'arrêter, craignant que le parasite aille trop loin. J'ai donc décidé de refuser le poste. Ça valait mieux que de me rendre malade. Je croyais que le parasite m'aurait laissé tranquille. Hélas non. On était la fin de semaine. Une grande amie pour qui j'ai beaucoup d'affection m'appelle. Elle m'invite chez elle. Avant que j'ouvre la bouche, il s'y remet de plus belle. — N'y va pas! Tu vas te ridiculiser et elle ne voudra plus te voir. — Ah non, pas encore! Je n'ai pas envie de vivre toutes ces souffrances encore une fois. — Tu sais quoi faire! J'ai donc refusé. Il n'était pas question que je revive ce qu'il pouvait me faire. C'est trop insupportable. — Et me voilà , maintenant, prisonnier de ma propre vie. Docteur, il m'a été même difficile de venir ici, vers vous. Faites quelque chose! Le médecin qui m'a écouté sans broncher jusque-là , se recule un peu sur sa chaise et semble réfléchir. Le silence qui semble durer une éternité se termine enfin dès qu'il ouvre la bouche. — Mon cher ami, c'est évident, vous avez ce qu'on appelle la pensée-parasite. C'est très courant chez des gens comme vous, les créatifs. — Y a-t-il un remède, docteur? — Oui, mais elle a un prix. Vous voyez la pensée-parasite a besoin de deux choses pour subsister : l'imagination et les émotions. Avec une certaine opération au cerveau, nous pouvons vous couper de ces deux facultés. N'ayant plus accès à celle-ci, le parasite mourra de lui-même. Le temps s'arrêta subitement. L'instant d'un moment toute ma vie se déroula devant mes yeux. Je pouvais la voir en double, en parallèle. Une version telle que je l'ai toujours connue, et l'autre sans ce que je devais me séparer. Il me semblait que c'était aussi intolérable que ce que le parasite me faisait vivre. — Est-ce que... puis-je y réfléchir? — Bien sûr, à vous de choisir. Je vous remplis les formulaires et si vous décidez de faire le pas, appelez ce numéro et prenez rendez-vous. Il dut me donner le papier, car à la sortie je l'avais dans les poches. Pour être honnête à ce moment-là , j'avais perdu contact avec la réalité. Je décide de marcher sans but dans la ville par la suite. Pour une fois, je décide de parler au parasite en premier. — Tu vois où tout ça nous mène! — Je ne voulais que nous protéger. — Nous protéger de quoi? Tu ne nous laisses même pas la chance de prendre le risque. — Le monde est tellement rempli de danger. Je ne veux pas mourir. — Et en échange, on ne peut plus vivre. Qu'est-ce qu'on y gagne? — J'ai peur. — Laisse-moi prendre le risque. Si un vrai danger survient, on agira. — J'ai peur tout de même. — Si je te prouve qu'on peut vivre avec la peur, qu'on peut vivre avec le risque. Veux-tu essayer de me laisser faire? — J'imagine, je n'ai plus le choix, je crois. Et c'est depuis ce jour que j'ai appris à vivre avec le parasite.
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