Pour se rendre à Marseille à partir de Nice, on prit un train à vitesse ordinaire. C’était bien puisqu’on pouvait admirer le paysage, en particulier Cannes, ville mythique à mon esprit. J’essayais d’apercevoir des vedettes. J’étais un idiot. Le festival se déroule en mai, pas en octobre.
Peu importe, on arriva à destination. Comme à Nice, la chaleur était trop accablante pour marcher avec un fardeau sur le dos. Notre auberge de jeunesse était près de la plage. Malheureusement, cette dernière était impraticable. Trop de rochers. C’était plutôt décevant. Les alentours étaient parsemés de graffitis. Non les magnifiques œuvres urbaines que l’on peut voir parfois, mais bien des tags de rue. Cela enlevait tout son charme. Heureusement, l’accueil était jovial, cela nous changeait de Weird Al de Nice. L’homme était tout souriant. Il nous fit la remarque : « Il fait chaud dans la Côte d’Azur, n’est-ce pas ? » J’avais envie de lui dire : « No shit, Sherlock ! », mais je me suis abstenu.
On retrouva de nouveau les lits de camp superposés. Vu le prix qu’on payait, on n’avait pas le droit de se plaindre. Une surprise nous attendait. L’endroit était bourré de compatriotes québécois ! Bien sûr, pour le dépaysement, on repassera, mais ça faisait toujours plaisir de revoir du pays.
Vers l’heure du dîner, on se rendit sur la terrasse. Il faut admettre qu’elle était superbe. Tout était dans un ton de bleu comme la mer, et il y avait même un graffiti représentant la mappemonde sur le mur d’en face.
C’est à ce moment qu’on découvrit un nouveau délice. Du vin rosé. Il y en avait à la carte et on n’en avait jamais goûté. Vu la chaleur, c’était rafraîchissant.
Par contre, pour la bouffe… ça laissait à désirer. Malgré plusieurs produits sur le menu, il n’y avait que la saucisse de disponible. Quand on l’a reçue, elle était à peine cuite, du sang coulait dans nos assiettes. Un Américain à côté de nous s’en plaignait et redemandait de faire cuire plus longtemps celle-ci. On l’imita. On n’avait pas envie de tomber malades en pleine brousse française. D’autant plus qu’à l’époque, on était près de la maladie de la vache folle, pas de chances à prendre. Lorsque le repas nous revenait, il était légèrement plus cuit, mais restait saignant au milieu. L’américain le jeta à la poubelle. Dans notre cas, nous avions trop faim, alors on courut le risque finalement.
Je m’en suis sorti indemne. Pas de tourista, pas d’encéphalopathie spongiforme, pas d’indigestion. Un danger n’attend pas l’autre, car on décida de se promener à Marseille. On emprunta le métro, et on aperçut ce qui nous apparaissait à nos yeux comme un gang de rue. Malgré la présence d’Éric, je craignais le pire. J’avais vraiment l’impression d’être dans un ghetto. J’avais hâte de quitter cet endroit. Dans la ville, il y avait plein de jeunes habillés de façon hip-hop. Je n’ai jamais été un grand fan de ce genre. Je ne vois rien de positif à se prendre pour un gangster. On va de nouveau à une terrasse, car la chaleur atteignait de hauts niveaux. Contrairement à ailleurs, on ne socialisait pas beaucoup. Autant les autres que nous-mêmes du reste. Je crois qu’on ne se sentait pas à notre place. On décida de retourner à l’auberge. Au bar, on entendait de la musique. Un des Québécois jouait de la guitare acoustique. Des classiques du Québec, mais également d’ailleurs.
L’ambiance était tout le contraire de tout à l’heure. Tout le monde chantait en cœur, tous se liaient, tous s’amusaient ensemble. J’ai réalisé à cet instant qu’on a eu beaucoup plus de plaisir dans les auberges de jeunesse qu’à l’extérieur de celles-ci. Était-ce nous qui choisissions mal nos endroits ? C’était peut-être le désavantage de faire les plans nous-mêmes.
En fait, je crois que c’était dû à plusieurs choses. Oui, on n’était pas bien préparé, mais c’était aussi le mauvais moment pour être en France. Être hors saison n’aidait pas à pouvoir rencontrer des Français. Je ne regrettais pas d’avoir fait le voyage, mais l’avoir su, j’aurais fait différemment.
Notre exil tirait à sa fin. La boucle se fermait. On retournait à Paris.
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