(Mélanie)
- Elle et moi, on se ressemblait comme deux gouttes d’eau. J’avais presque l’impression de me voir dans un miroir… mais pas non plus… non… c’était vraiment bizarre… Les mêmes yeux, même taille et visage. Sauf ses cheveux qui étaient courts…. j’ai alors l’idée de prendre sa place… pour pas qu’Aran me retrouve, fallait que je me cache que je fuis… alors j’ai fouillé ses affaires, y avait son portefeuille, des vivres, une pioche, tout ce qu’il me fallait. J’ai alors échangé ma tenue contre la sienne, j’ai coupé mes longs cheveux au canif puis je l’ai enterrée dans une petite prairie. J’ai creusé du mieux que j’ai pu avec la petite pioche pour que personne ne puisse retrouver son corps…
J’étais consternée par le récit que je venais d’entendre… je me contentais à hocher la tête pour lui montrer que je l’écoutais toujours :
- Puis j’ai recommencé à marcher, je suis tombée sur un village par chance et puis y a des gens qui sont venus vers moi. Une fille m’a sauté dans les bras et m’a dit « Madison ! J’ai eu si peur ! »
* (Gabrielle)
Mélanie était immobile comme une statue. Elle avait le souffle coupé, les yeux comme des soucoupes, on aurait cru qu’elle allait avoir une crise cardiaque. La vie non plus n’avait pas été tendre avec elle. Elle avait perdu ses parents à cause d’un incendie. La maison tout entière s’était écroulée sur eux. Il ne restait plus rien d’eux, si ce n’était que leurs cendres… Mélanie n’avait plus rien à quoi se raccrocher, elle a souvent été seule et j’étais son unique amie. Elle devait ressentir cela comme de la trahison.
* (Mélanie)
Meurtrière, voleuse d’identité et de vie. Mon dieu, c’était glauque. Je n’avais pas de mots, moi la littéraire, à mettre sur ce que je venais d’entendre. Je ressentais comme un étrange malaise face à cette femme qui était une inconnue désormais. Ses yeux marron n’avaient plus rien de familier pour moi, depuis le début, elle racontait n’importe quoi. A ses collègues de travail, moi sans compter la mère et le frère de cette pauvre fille…
- Comment…. comment t’as fait croire aux autres que t’étais la « vraie » Madison ?
- Madison était portée disparue depuis deux jours lors d’une randonnée entre amis. J’étais dans un état tellement pitoyable que je leur ai fait croire que j’étais amnésique.
- Ah oui ! Je m’en rappelle ! Ta mère en avait parlé ! M’exclamai-je.
Bon sang, même ça c’était faux. Notre amitié aussi était basée sur un mensonge alors…
- Même âge, même physique, même groupe sanguin, énonça-t-elle, ils y ont vu que du feu les autres. Cette fille… je lui ai tout pris. Tu n’imagines pas comment je me dégoûte moi-même !
- Tout n’est pas entièrement de ta faute… Tentai-je de la rassurer.
- Oh non ! Je t’en supplie ! Pas toi ! Gémit-elle à nouveau au bord des larmes. Tu peux le dire que je suis une grosse dégueulasse ! Une grosse lâche ! Vas-y dis-le ! Explosa-t-elle en s’effondrant par terre.
Je la pris dans mes bras et lui caressais les cheveux tel un bébé qui avait besoin de réconfort.
- Toi au moins, quand t’as perdu tes parents, t’as bossé dur. Pas comme moi qui me suis prostituée…
- Dis pas n’importe quoi… j’ai été placée chez mon oncle… j’ai eu beaucoup de chance par rapport à toi.
- La plus courageuse de nous deux, c’est toi, me dit-elle.
- T’es con, lui rétorquai-je en guise de remerciement.
* (Mélanie)
Cela faisait trois jours que nous étions dans cet hôtel à faire les cents pas.
- Il ne faut pas rester ici. Il finira par nous retrouver. Répétai Gabrielle sur le qui vive.
- On a qu’à brouiller les pistes et aller en Espagne. Suggérai-je.
- Je n’ai pas mes papiers sur moi, rétorqua-t-elle.
- Mais tu fais vraiment n’importe quoi en ce moment ! La sermonnai-je.
Elle était vraiment agaçante quand il s’agissait de s’organiser pour un voyage. Voilà un trait de caractère qui lui restait fidèle et qui était authentique.
- On va retourner à la ville de mon enfance. Les Sables d’Olonne.
- Tu crois que…
-J’ai pris toutes nos économies, me rappela-t-elle, je te ferai dire qu’on en a assez pour vivre tranquille pépère encore six mois au moins…
- J’espère pour toi ma vieille. Lui dis-je en guise d’avertissement.
(Fin de la partie 4)
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