Réponse au défi de Cavalier :
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En cette année 1316, des bancs d’algues envahirent la plupart des marais salants bretons. Seule la ville de Guérande eut la chance de voir les siens épargnés et de pouvoir assurer sa récolte habituelle de sel, gardée bien précieusement au cœur de la cité. Mais le mécontentement grondait alentours. Un jour, diverses personnes se présentèrent aux portes de la ville gardée par ses remparts fraîchement construits.
À la porte Saint Michel, une femme interpella les soldats en faction. – Je suis Madame Loïc, la femme du paysan breton. Il me faut absolument du sel pour mes préparations fromagères. Si je ne parviens pas à m’en procurer rapidement, mon mari va finir par me fouetter comme je le fais avec mon fromage, puis il me reniera et partira avec la laitière car elle ne manque jamais de sucre, elle !
À la porte Vannetaise, une dame avec une coiffe blanche traditionnelle bretonne cria : – Je suis Madame Tipiak. Il me faut du sel pour mes petits plats préparés sinon je vais devoir fermer mon commerce. Je devrais alors aller manger aux auberges du cœur. Ce qui serait un comble car ils fonctionnent avec mes surplus ! Allez, ne faites pas les pirates !
À la porte de Saillé, c’est un homme à l’embonpoint marqué qui s’avança, l’air grave. – Je me présente, Monsieur Brets. J’ai pour l’instant le monopole de la pomme de terre en chips sur la France mais, sans sel, mes produits sont insipides. Je risque de me faire voler la vedette par les anglais de Smith ou encore par les belges de Croky. Sauvez un commerçant français de la faillite ! Soyez chips... euh chics.
À la porte Bizienne, Saint Michel en personne, chevauchant son antique dragon proclama : – Mon dragon n’est rassasié que grâce à des sablés à haute teneur en sel marin. Là , il est très affamé et énervé. Si vous ne me donnez pas le sel nécessaire, il deviendra enragé et réduira la région en cendres et vos remparts ne vous protégeront par de ses flammes assassines. Dépêchez-vous avant qu’il ne soit trop tard. Prouvez que vous avez du cœur et de l’esprit et donnez-moi du sel.
Les soldats répercutèrent à leur seigneur les diverses demandes formulées. Celui-ci se retira pour réfléchir et il fut rejoint par ses conseillers qui souhaitaient mettre leur grain de sel dans cette affaire. Ils devisèrent ainsi quelques heures. Pouvaient-ils avoir sur la conscience une femme abandonnée, des faillites de sociétés bretonnes ou, pire encore, la destruction de leurs terres ? Un messager apparut finalement en haut des remparts et déclara :
– Oyez, oyez, manants touchés par la disette salière. Notre Seigneur consent à vous vendre son sel mais au prix équivalent à celui de l’or. Cette proposition n’est nullement négociable.
Un brouhaha de mécontentement monta du pied de la muraille. Mais, sans autre option et par dépit, ils acceptèrent les conditions et mirent la main à la besace pour payer le prix fort les quelques cristaux de sel marin emportés avec minutie. Ce commerce dura quelques mois, le temps que les marais des autres terres soient débarrassés des algues envahissantes.
Le Seigneur de Guérande laissa à sa mort un édit qui évoqua cette période prospère de l’histoire de la ville et demanda à ses successeurs de prendre grand soin des remparts qui permettaient de protéger ce trésor qu’est le sel, au cas où, dans l’avenir, celui-ci pourrait à nouveau se vendre à prix d’or.
C’est pourquoi depuis lors, Guérande est une des rares villes à encore posséder l’entièreté de ses remparts, que vous pouvez d’ailleurs visiter si vous êtes de passage dans la région. N’oubliez pas d’emporter en souvenir un peu de leurs cristaux de sel marin. On ne sait jamais…
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