Réponse au défi de Cavalier :
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Je suis chanteur depuis plusieurs décennies. J’ai fait trois mariages et quatre enfants. Ma carrière décline peu à peu mais je continue à briller sur scène pour mes millions de fans. Après une série de concerts, la fatigue m’a gagné. Mon médecin est venu me voir pour me prescrire quelques fortifiants et autres vitamines pour vieux. Il m’a fait une injection en arguant qu’elle me ferait du bien et il est reparti. Ensuite, je me souviens m’être allongé dans mon fauteuil avant qu’une sensation d’engourdissement envahisse tout mon corps. Et puis, le néant, le vide sidéral, un sommeil sans rêve ni cauchemar, une impression de disparaître. Un vent tiède vient me souffler sur le visage. Des bruissements peu familiers me parviennent et suscitent ma curiosité. J’ouvre lentement mes paupières qui semblent peser une tonne. Je suis dans une chambre inconnue. La baie vitrée est ouverte et une brise joue avec le rideau. Je m’assieds et observe tout autour. Vêtu d’un pyjama léger, je suis dans un lit aux draps de soie. On frappe à la porte. J’émets un oui peu convainquant. Une femme de chambre m’apporte un plateau de petit-déjeuner. Je l’interroge :
– Où suis-je ? – Au paradis, me dit-elle avec un petit clin d’œil.
Mince ! Je pensais que ce concept était une arnaque religieuse pour inciter la populace à la vertu. Moi qui ai toujours été du genre iconoclaste. Sans en dire plus, elle quitte la pièce. Serait-elle un ange ? Je meurs de faim et dévore tout le contenu comestible du plateau avant d’aller me doucher. Le miroir me renvoie le même visage buriné et les cheveux blanchis par le poids des ans. Je pensais que l’on nous rendait notre apparence de vingt ans au ciel. J’enfile des vêtements trouvés dans la penderie avant de partir à la découverte de cet éden inattendu. Une plage de sable fin borde un océan bleu azur. Je suis un chemin de galets blancs jusqu’à une villa, identique à celle que je viens de quitter. Le paradis ne serait donc pas privatif ? C’est vraiment la crise à tous les étages. Un homme vient à ma rencontre. Son visage me rappelle quelqu’un. Il me tend la main et me salue en anglais avec un accent à la « chewing-gum ». J’en déduis qu’il doit être américain. Personnellement, je parle anglais comme une vache espagnole alors je décide de lui répondre dans ma langue maternelle.
– Français ? Bonjour et bienvenue sur l’île des immortels ou presque. – Presque immortels ou presqu’île ? – Presque immortels ! – C’est bien le paradis ici ? – Dison plus son antichambre. Mais il est possible que tu reprennes ta vie. C’est plutôt exceptionnel mais certains tentent de négocier leur retour. – Je ne comprends pas. Je suis mort ? – Pour les autres, oui ! – C’est-à -dire… – On t’a fait passer pour mort. – Qui « on » ? – Ton producteur, ta maison de disques, ton manager. Ils se concertent et décident de te faire disparaître. À un moment, on génère plus d’argent mort que vivant. D’où ce tour de passe-passe. – Donc, on m’a tué. – C’est ça. Tes funérailles sont prévues demain. Tu pourras les voir à la télé ou tu peux y participer avec un bon déguisement et le maquillage adéquat. Certains l’ont déjà fait ! – Non ?! – Si, mais il y a un risque de se faire démasquer. Le petit Michael a tenté le coup. Et depuis des rumeurs sont nées sur la mise en scène de sa mort. Des gens pensent le voir partout : en Suisse, en France, dans sa ville natale… – Michael ? L’amerloque ? – Hé ! J’en suis aussi un ! Et fier de l’être ! Alors reste poli le mangeur d’escargots ! – Désolé Elvis ! En fait, la rumeur que tu n’étais pas mort était bel et bien fondée ! – En effet ! Il me fallait de longues vacances. – Et ton compatriote, il est revenu ici ? – Oui mais il est reparti récemment pour préparer son grand retour en juin prochain. Il va faire son come back pour les cinq ans de sa disparition. – C’est glauque. – Mais ce sera payant ! Il a déjà enregistré un album posthume qui a redonné espoir à ses fans. – Pas facile de quitter la célébrité.
J’ai déambulé sur l’île avec Elvis, son indémodable banane et ses quelques kilos superflus. J’ai rencontré Marlon Brando et Walt Disney. Le lendemain, j’ai vu mon enterrement sur le petit écran. Mes épouses, mes enfants et mes amis étaient en pleurs. Il y a avait même le président de la République. Je n’ai pu retenir une larme. C’est idiot de se morfondre sur sa propre disparition. Je vais donc rester sur cette île jusqu’à ma seconde mort, la vraie ! Je sors le portefeuille qui a été glissé dans la poche arrière de mon pantalon. Je découvre que je ne suis plus Michel Sardou mais Michael Sardine, peut-être qu’à l’instar de celle qui a bloqué le vieux port de Marseille, ma survivance deviendra une rumeur.
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