Réponse au défi de Donald :
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Je suis confortablement installée dans mon fauteuil. Celui-ci porte l’empreinte de mon fessier à force d’y passer des heures à tricoter, lire ou encore rêver. Cela fait plusieurs mois que j’attends, que je l’attends… Ce n’est pas trop que j’ai envie de le revoir mais c’est inévitable. Il ne peut en être autrement. Le bruit de clés dans la serrure m’indique que je vais le retrouver. Il entre dans le salon et allume le lustre. Je le dévisage des pieds à la tête. Il n’a pas changé depuis toutes ces années, à part un cheveu qui vire au poivre et sel à la place de la tignasse sombre héritée de son père. Un petit sourire naît sur son visage. J’aimerais connaître la pensée qui traverse son esprit. Il semble heureux d’être ici. Il traîne une lourde valise qu’il monte au premier étage jusque dans la chambre principale. Il ouvre la vieille garde-robe dont les gonds grincent par manque d’huile. Il installe ses vêtements soigneusement pliés. Il a toujours été maniaque. Dans la salle de bain, il étale ses effets personnels avant de faire couler l’eau chaude dans la baignoire à l’émail usé. Je l’observe se déshabiller et entrer dans l’eau. Il se prélasse comme un pacha. Un sentiment de colère m’envahit et me fait bouillir les sangs. Soudain, l’ampoule du plafonnier se met à grésiller, à clignoter avant de s’éteindre en émettant un dernier cliquetis. Il se met à maudire la vétusté de l’installation électrique. Puis j’entends des clapotis et un bruit sourd. Après quelques secondes de silence, il sort de la salle de bain en gémissant, un grand essuie accroché autour de la taille. Il se frotte vigoureusement le haut du crâne sur lequel une bosse est apparue. Après avoir enfilé un pyjama bleu, il part s’installer au salon dans mon fauteuil et allume ma télévision. Il zappe, je vois passer mon émission favorite mais il change. Il m’énerve ! D’un coup, le poste se coupe. Il se met à bricoler derrière l’appareil en maugréant. Finalement, en mal d’occupation, il se dirige vers la bibliothèque bien achalandée. Il grimpe sur l’escabeau pour détailler les ouvrages sis sur l’étagère du haut. L’escabelle est branlante. Il brigue un livre, se penche un peu trop… une patte cède et c’est la chute. Au sol, il se masse la cheville droite en lisant le titre du bouquin : « Le Comte de Monte-Cristo ». Un signe… Il se rend à l’étage en boitant et s’installe dans le lit. Après une heure de lecture, il éteint et se couche. Installée dans un coin de la pièce, je me mets à fredonner des airs de ma jeunesse : chansons paillardes très prisées par mon défunt mari, des succès de Bourvil et Fernandel, Carlos, Annie Cordy ou encore le Grand Jojo. Je le vois tourner et se retourner sous les draps de flanelle. Le soleil se lève et illumine la chambre de sa lumière rougeoyante. Il s’assied et je vois des cernes violets sous ses yeux à moitié fermés. Il descend dans la cuisine pour se préparer un café fort. Il insère deux tartines dans le toaster et l’allume. Les minutes passent lorsque le pain commence à fumer avant de prendre feu. Un chiffon humide permet d’éviter l’incendie. Il souffle et monte dans la salle de bain. L’eau chaude se met à couler dans le lavabo. La vapeur envahit la pièce. Entre deux ablutions, il lève la tête et découvre un mot écrit en majuscules sur le miroir face à lui : « PARS ! ». Je lis de la panique dans ses yeux fatigués. Il se précipite dans la salle à manger pour prendre son portable. Il dit à son interlocuteur : – Pierre, c’est moi ! Prépare une convention de vente pour la maison. Je ne reste pas ici… je t’expliquerai… Je jubile en me frottant les mains. Cela lui apprendra à mettre sa pauvre vieille mère dans le home le plus sinistre du pays en attendant son trépas afin de récupérer sa maison. Il se souviendra du célèbre adage : « Bien mal acquis ne profite jamais ! ».
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