Quand je suis bâteau
Quand je suis bateau Et qu' en péril je gîte Mon âme de bois bardeau Sous l'assaut dur s'effrite Égarée sans nord ni haut Je penche, pends, des creux je m’abrite Mon corps de cerceau Roule, louvoie trop vite Quand l'amer va à vau-l'eau D'un bord à l'autre, je me dresse, évite Puis chavire de nouveau Mon amant vent violent s'irrite Me soumet à tous les maux Contrainte mais émérite Je danse avec mon bourreau
Quand je suis branlante, chahutée Sans pieds fermes ni appui Qu'un triste ciel félon noir d'acier M'inonde de froide pluie Ses zébrures terrifient mes pensées Son tonnerre couvre mon âme de suie Dans le pot au noir me fait dessaler, Mais je garde le cap dans la nuit Et je lance alors trois mayday Le pont luit, dans le raffut et le bruit Triste objet tourmenté, couché Sujet du cruel Nordet aux cris de truies Mer et cieux pareils, emmêlés Par le gris, qui nous veut écrasés, détruits. Je deviens le jeu de tous les dangers.
Pour naviguer il faudra bien barrer A la barre du point du jour à minuit Je suis de quart sans relais Quand la peur me poursuit Tanguer, rouler mais lutter Il ne faut jamais que l'espoir fuit Pour ne pas sancir, par le fond chavirer Et pour après l'ennui, revivre réjouie Pour être demain bateau à quai Et dans le port de Rapa Nui Fièrement Godiller et mouiller Enfin à l' abri recevoir le fruit De la paix retrouvée Puis de revoir éblouie La grâce d'une nuit qui bleuit
Loriane Lydia Maleville
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