Ce texte est ma réponse à défi de norte ami Serge, en date du 24 octobre :
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Seigneur,
Je t’appelle ainsi car je ne sais pas comment t’appeler autrement.
Avant que de t’écrire, je me suis bien demandé si je ne m’étais pas trompé de destinataire. Ainsi je me suis posé la question de savoir s’il faillait écrire à toi ou à ton concurrent direct, le diable, qui se livre à ton égard à une compétition diabolique, si je puis dire. SI les femmes et les hommes continuent ainsi, il finira par de détourner tous tes clients. Ils iront toutes et tous chez lui. Tu vas finir au chômage !
Je me suis bien interrogé également s’il me fallait écrire aux femmes et aux hommes de cette planète, mais à qui. Je n’ai pas réussi à trouver un interlocuteur digne de toi. Quelle idée aussi t’a traversé l’esprit de faire de ton fils une composante de ta trinité ? En voulant te faire homme, tu as conduit les hommes à vouloir se faire Dieu. Reconnais avec moi, qu’en faisant ainsi, tu les as bien tenté. Et tu les connais pourtant bien, puisqu’il semble que tu les as créés, ou du moins tu as contribué à leur création, ils ont répondu à cette tentation ! Cela étant, je ne m’en plains pas, car il me donne ainsi beaucoup plus de travail. Et puis ils se chamaillent tant toutes et tous pour des arpents de terre, pour des gloires incertaines et éphémères, très vite oubliées après que je les ai fait passer de l’autre côté de la barrière, chez toi ou chez l’autre, encore qu’ils n’y croient plus beaucoup. Et finalement entre celles et ceux qui ne croient plus guère en toi et la compétition de ton double dans le mal, ton avenir va devenir très incertain. Mais je ne veux pas retourner le couteau dans tes plaies. Ton fils a été mon client, et un client glorieux. Puis-je t’avouer que je n’ai jamais eu un client aussi glorieux ! C’est d’ailleurs un peu pour cela que je t’écris. J’aimerais retrouver ma gloire passée. Aujourd’hui, on me chasse, on me refoule, on me cache, on me dénie. Il y a encore quelques temps, l’on venait m’honorer dans les cimetières, mais maintenant on y vient de moins en moins. On parlait de moi. Maintenant je suis innommable et honteuse. Et tu les entends parler de celles et ceux qui sont partis. Ils évitent le mot même de mort. Lorsqu’ils perdent un être cher, ils disent : Il est parti, Il nous a quitté le pauvre, Il a fermé les yeux, Il est sur la table. La mort intime dans les familles est devenue invisible et s’efface devant la mort dramatique, la mort spectacle, la mort carnaval. Ce trop plein est un grand vide. C’est à croire que les femmes et les hommes ne veulent plus mourir. Mais tant pour toi que pour moi, cela serait une catastrophe ! Nous serions obligés de nous reconvertir. Je t’avouerais volontiers que, pour ma part, à titre de sécurité, j’ai pensé à une future et nouvelle activité. Je songe à devenir l’ennui que je proposerai aux femmes et aux hommes avec la même énergie que j’ai dépensée pour accompagner leurs fins de vie.
Mais étant déterminé à poursuivre mon activité et désireux de retrouver ma place dans la communauté des femmes et des hommes, et sans vouloir m’immiscer dans tes affaires, me permets tu quelques conseils opportuns mais non importuns ?
Je te propose que nous menions des actions communes contre tes concurrents directs qui sont partout maintenant, en te souvenant tout de même que je suis un allié bien aimable à ton égard. Je te rends service, à libérer les femmes et les hommes de la vie. Ainsi je contribue à l’expansion de ton royaume. Et je t’assure que je préfère ton royaume à celui de l’autre. Le bonheur éternel, c’est tout de même mieux que la vision de l’enfer ! Et puis les femmes et les hommes que j’ai croisés au moment de leurs passages m’ont laissé entendre que l’on pourra continuer à rendre grâce, chez toi, aux bonnes choses de la vie et de la table. Alors, je préfère négocier avec toi qu’avec les femmes et les hommes parce qu’avec eux, cela devient vraiment l’enfer !
Je souhaite que la mort soit de nouveau un bon moment à passer au lieu de vouloir à chaque fois me faire trépasser. Permets moi d’être le bon pasteur de ton troupeau plutôt que de l’autre qui m’agace vraiment !
Retrouvons le bonheur d’une mort collective, généreuse, concernant toutes le femmes et les hommes, au sein de leur communauté, que je sois au milieu d’eux comme une amie et non pas comme une ennemie. Je désire qu’ils m’apprivoisent plus qu’ils ne me craignent. Je veux que tous mes symboles reviennent au goût du jour, que l’on en fasse même des jouets. Que revienne l’époque humaine et glorieuse où le mourant présidait la cérémonie de sa mort, échangeant avec tous les siens le pardon et les recommandations familiales, avant que de me tendre la main. Je veux bien admettre que les femmes et les hommes voient la mort comme une rupture entre le monde d’ici et le monde de l’au-delà . Laissons la liberté aux femmes et aux hommes d’y croire ou de ne pas croire à cet au-delà , mais je veux retrouver ma place au sein des familles et pas seulement au sein de la communauté. Ainsi je serai parmi eux à participer à cette étape de vie qu’il faut vivre comme une fête. Et que cela se fasse loin du diable dont moi, la mort, je mets l’existence en doute.
Dieu, reviens parmi nous et permets que la mort nous console et nous fasse vivre. Redonne aux hommes le goût d’avoir de nouveaux buts parmi lesquels je serai au milieu de tous les autres, certes, par le premier, mais l’ultime. Que la vie soit un élixir, un grand vin et que je n’en sois que le digestif. Que les hommes s’engagent dans la vie et que je ne sois pour eux qu’une étape de vie.
Envoie nous à nouveau ton fils. Je comprendrais volontiers qu’il ne veuille pas mourir une deuxième fois. Si la première fois a été glorieuse pour moi, je te l’accorde, elle ne l’a pas été ni pour lui, ni pour les femmes et les hommes. Et pourquoi cette fois-ci ne pas les décourager de créer une église mais simplement de cultiver et de partager l’amour. Je me mêle sans doute de ce que qui ne me regarde pas ! Et au passage, que ton fils leur explique bien que la mort n’est pas un échec de la médecine. Que ton fils leur dise bien aussi que ce n’est la mort qu’il faut craindre mais l’idée que l’on s’en fait. La mort doit devenir une nouvelle naissance, une aventure absolue.
Voilà seigneur tout simplement ce que je voulais te dire. Sans réponse de ta part dans les prochains jours, je me livrerai à l’ennui.
Sois assuré de ma fidélité inébranlable et de mon attachement sincère à ma mission utile.
Ta fidèle servante.
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