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Nouvelles confirmées : Ooh Ooh Baby Baby !
Publié par Donaldo75 le 05-09-2015 09:45:02 ( 1020 lectures ) Articles du même auteur



Ooh Ooh Baby Baby


« Ooh Ooh Baby Baby » scandaient les choristes du beau George Michael, tandis que je remuais mon corps devant l’écran de télévision. Je me voyais alors grand, brun, un dieu parmi les mortels.

On pourrait me prendre pour un mythomane, le genre à s’inventer une vie de rêve façonnée par les tabloïds et les publicités pour produits de beauté. Pourtant, j’étais loin de ce cliché. Mon existence ne m’échappait pas, la réalité ne se confondait pas avec la fiction et je ne partais pas en vrille dans un délire schizophrène. Je me permettais seulement un peu de beauté dans un monde trop gris.

J’en étais là lorsque la sonnerie retentit. Je maudis les arrivants, mes amis Danny, Olger et Vera. Je me levai, sans arrêter le poste de télévision, et ouvrai à mes visiteurs.
— Salut Ricky, beugla Danny. Prêt pour la fiesta du gros Francky ?
— Wah, c’est George Michael sur MTV, cria Vera. Il est trop canon ! Tu avais enregistrée l’émission ?
— Groumpf, rota Olger, rappelant ainsi ses origines bavaroises.

Danny ne me laissa pas le temps de répondre. Il se dirigea vers mon frigo, en sortit deux packs de bière australienne et servit la communauté. Vera en profita pour planter le matériel sur la table. Olger se posa dans le sofa tel l’hippopotame dans sa mare.
— Voyons ce que nous a rapporté notre copine keuponne, siffla Danny comme si les Stups avaient truffé mon studio de micros.
— Ricky, j’ai besoin de couper la mousse avec un truc léger, précisa Vera. Tu peux me trouver ça ?
— Okay. Je crois avoir des restes de mon dernier séjour à Amsterdam. Un petit hallucinogène pour les mémères hollandaises.

Vera joua au petit chimiste, avec l’assistance d’Olger et Danny. Je fournis le produit demandé plus quelques ingrédients pour faire passer la mixture concoctée par le trio. Un quart d’heure plus tard, nous étions en train de téter du buvard, de boire du jus de tomates en version Jimi Hendrix devant le divin George Michael.

La cassette termina sur le générique de la chaîne américaine. Olger était déjà parti dans des considérations stratosphériques sur la musique modale, au risque de provoquer Vera, une fan absolue des groupes nihilistes post-punks. Danny et moi dansions au milieu du salon, avec des centaines de jeunes filles en fleurs et d’éphèbes grecs. La descente dans le monde réel où dominait le bruit des tuyaux ne calma pas mes ardeurs. Au contraire, j’avais envie d’en découdre avec le gris
— On s’arrache !
— On n’a pas fini, Ricky, pleurnicha Olger.
— Tu trouveras des philosophes chez Francky, ironisa Vera. En plus, il y aura des munitions, du lourd tendance champignon mexicain.

Le décollage prit des allures quantiques, entre Einstein et Syd Barrett. Je me retrouvai dans la voiture de Danny, à côté de Vera devenue chatte en chaleurs et derrière Olger parti dans un monologue abscons. Vera me léchait le cou en ronronnant tandis que Danny riait sans raison. Les feux de circulation s’affichaient en continu dans la lumière de la ville, le macadam luisait comme une mer huileuse et les rares passants ressemblaient à des sémaphores perdus au milieu de nulle part.

Soudain, Danny freina en un crissement de pneus. Visiblement, nous étions arrivés chez le gros. Vera me rendit ma langue profondément enfoncée dans sa bouche et me permit de remonter ma braguette. Olger ferma son moulin à paroles. Danny cria.

Bizarrement, Francky me parut maigrelet. Il me sourit de mille dents et m’invita à tester ses nouveaux produits tandis qu’Olger et Danny se précipitèrent sur le bar pour éteindre leur brasier intérieur. Vera disparut dans le vide intersidéral, en comète imprévisible destinée à brûler ses derniers restes d’humanité.
— Tu vas adorer cet arrivage du Mexique, se vanta Francky.
— Tu as perdu du poids ou je rêve ?
— Oui.
— Tu te piques ?
— On dirait ma mère avec ses questions à deux balles.
— Putain, tu crains, mec. On va se faire repérer par les bleus si tu touches à l’héroïne. Notre petite chimie ne les intéresse pas encore mais là ils vont nous tomber dessus.
— Casse-toi si tu fais dans ton froc, Ricky.
— Tu crains trop, Francky.

Mon instinct de survie me commanda de déguerpir au plus vite, de quitter le Titanic avant de se prendre un iceberg de face. Mon cerveau reptilien me donna le courage de résister à la tentation d’un dernier trip à l’acide et au peyotl. Je plantai Francky dans son cagibi de junkie et me lançai à la quête de mes amis.

Olger expliquait le dodécaphonisme à une grosse dinde chargée au chanvre indien. Danny dandinait contre un clone de David Bowie en essayant de lui fourrer sa langue dans la bouche.
— On se barre d’ici, criai-je à Olger.
— Non.
— Quoi non ?
— Je suis bien, là.
— Tu veux manger de la dinde au dessert, c’est ça ?
— Lâche-moi, Ricky !

Danny refusa également de quitter sa future conquête du soir. Il me signifia son congé d’un majeur pointé vers le haut, un signe fort élégant de sa part. Je n’insistai pas. « Des paroles rondes n’entrent pas dans des oreilles carrées » m’avait appris un vieux Chinois lors d’un séjour dans une fumerie d’opium de Portobello. Je décidai de retrouver Vera pour la ramener dans mon univers protégé où George Michael chantait « Star People » en boucle sur MTV, loin des vapeurs grises du fog londonien et de l’inconscience de Francky le camé. La suite se déroula dans la brume lysergique, avec des bruits de klaxon et le clapotis de talons-aiguilles sur le bitume.

« Ooh Ooh Baby Baby » ululait une triplette de choristes à tête de chouette. George Michael tapait dans ses mains, un os à la main en guise de micro. Son magnifique sourire brillait comme un astre au milieu de son visage décharné. Mon studio prenait des airs de crypte gothique. Le tapis indien était jonché de bouteilles vides et de morceaux de buvard. Je me retournai sur le sofa et vit l’inimitable Vera plus belle que jamais malgré sa teinte bleue et ses yeux révulsés. Je la pris dans mes bras. Pour elle le monde ne serait plus jamais gris.

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Auteur Commentaire en débat
Marco
Posté le: 05-09-2015 11:14  Mis à jour: 05-09-2015 11:14
Plume d'Or
Inscrit le: 17-05-2014
De: 24
Contributions: 725
 Re: Ooh Ooh Baby Baby !
Donald,

Après la lecture de ce voyage, en enfer, psychédélique,
je n'ai qu'une envie, c'est de m'installer sous l'if séculaire,
De la propriété qui jouxte ma maison,
Et fumer mon shilom en regardant le brouillard se dissiper
Au -dessus du lit de la rivière et peut-être même de ma vie.

Et puis, j'ai une pensée pour Véra, si pour elle le monde ne sera plus jamais gris,
J'espère qu'elle redescendra, pour finir, dans les bras de ricky, heureuse d'être
revenue de ce voyage, dans l'absolu de la défonce.

Merci pour ce voyage "neuronien".
T'es très fort "Mon Grand Donald" ! Du coup, permets- moi de t'embrasser.



Amitiés

Marco
Donaldo75
Posté le: 05-09-2015 11:46  Mis à jour: 05-09-2015 11:46
Plume d'Or
Inscrit le: 14-03-2014
De: Paris
Contributions: 1111
 Re: Ooh Ooh Baby Baby !
Merci Marco,

Je reconnais bien là ton esprit positif. Pour ma part, je vois plutôt Ricky monter rejoindre Vera, dans un dernier trip à l'acide comme dans les années soixante. C'est navrant, certes, mais tellement plus réaliste.

Bises

Donald
Marco
Posté le: 05-09-2015 12:12  Mis à jour: 05-09-2015 12:27
Plume d'Or
Inscrit le: 17-05-2014
De: 24
Contributions: 725
 Re: Ooh Ooh Baby Baby !


Donald,


En fait, j'avais pensé à ce dernier voyage, via des ½ buvards, voire plus,
pour eux deux, mais bon, La mort me fatigue !

Sacrées années 60/70 !


Marco

bise
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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