Au temps où les Wolofs avaient l’empire Djolof Au temps où les califes occupaient Cordoba Au temps où l’ile de Man avait son roi Olaf L’Etat d’Ifé avait son prince Yoruba
Et du fleuve Niger jusqu’au plateau de Jos Tirant sa puissance d’Oduduwa lui-même Ce maitre d’univers régnait en roi féroce En digne descendant de l’Orisha suprême
Tuant, brûlant les champs et violentant les femmes Le prince était cruel, le prince était tyran Son peuple mourait jeune, faute de mil ou d’igname Mais que peut-on y faire ? Disait-on, soupirant
Ainsi allait la vie sur les terres du prince Chacun allait dolant, perclus de sa douleur Et la vie était dure et le ciel était mince On allait à la mort en appelant son heure
Il était un homme seul : un poète, un griot Venu tantôt d’Egypte, tantôt de Tombouctou Un homme à moitié sage, un homme à moitié sot Parlant un peu de rien, parlant un peu de tout
Partout où il allait dans le royaume d’Oyo Les villageois l’oyaient de leurs simples oreilles Et parfois l’on riait aux ineptes fabliaux Où l’on entrevoyait d’autres monts et merveilles
« Qui est ce fabuliste, cet affabulateur ? Qui distrait mes sujets de leurs vies quotidiennes ? » S’indigna le despote du haut de sa hauteur « Qu’on cesse de leur chanter d’idiotes cantilènes »
« - Mais ce n’est qu’un pauvre homme qui vit de charité ! Qui conte des histoires d’ailleurs ou de naguère Ce n’est qu’un akalat qui ne fait que chanter ! Ce n’est qu’un peu de vent ! Que des paroles en l’air ! »
Et plus la populace soutenait son champion Plus l’inique Alaafin sentait monter son ire Afin de faire taire ce vent de sédition Dans la ville capitale, l’aède on fit venir
Sur la grande esplanade dominant la cité Sous un grand Karité, arbre digne et austère Lui, le pauvre poète on fit exécuter Et pour toujours sa voix, sa pauvre voix fit taire
Mais les grands dominants épris d’ordre public Devraient se méfier des murmures rémanents Persistance des têtes qu’on plante sur des piques : Le peuple se leva, et tua son tyran
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