Au fond de la forêt, sous sa tente de toile, Vivait Adézaïr, un pâtre tout jeunet. Le soir, il lui plaisait, les yeux dans les étoiles, De souffler dans sa flûte, assis dans les genêts.
Bien sûr, il ignorait l’effet de sa musique Sur tout être alentour qui l’écoutait jouer. Bien sûr qu’il était loin de jamais se douter Que les sons qu’il créait sur terre étaient magiques.
Son voisin, Rossignol, d’un naturel chanteur, En avait oublié sa propre tessiture, Pour ne plus s’adonner qu’au plaisir de cet heur Qui lui offrait concert, d’une flûte si pure.
Les Abeilles volaient, et soupiraient les Taons, Tandis que sautillaient les sons sur tous les tons ; Enfin chacun rêvait à cette heure violine, Avant d’aller au nid, perché sur la colline.
Un beau jour apparut, de nulle part venant, Un vieillard miséreux, qui, dans la main tenant Un bâton dont les nœuds lui comptaient les années, S’approcha de l’Amphion, comme une ombre fanée.
« Je n’ai pu m’empêcher, lui dit-il, tristement, De cent lieux, vous entendre avec votre instrument. Heureux que j’entendis de loin, votre musique ! Pour nous sauver la vie, vous êtes chance unique !
Adézaïr, muet de par son étonnement, fit signe à ce vieillard de bien vouloir s’asseoir. Puis, lorsque ce dernier, installé près de lui, de son voyage long se fut enfin remis, le pâtre lui promis de l’aider à survivre pourvu qu’il voulût bien, son tourment, lui conter. Le vieillard opina, et alors aussitôt, lui fit part d’un récit, qui en tout et pour tout, fut à peu près ceci. Les Rats avaient envahi le village d’où venait l’Étranger, et après s’être rendus maitres de tous ses greniers, de ses caves et de ses égouts, très rapidement y avaient tout mangé. Ayant pris tellement goût à cette liberté, qu’ils décidèrent de demeurer dans ce village qui les avait nourris avec tant de bonté. Les habitants luttèrent encore longtemps, mais n’arrivant pas à se reproduire à la vitesse de ces rongeurs, ils demeurèrent un temps songeurs, avant de s’avouer vaincus. Le vieillard, en cet instant se tut. « Qu’auriez-vous donc voulu, que je fasse, dit le Pâtre ? » « Que vous jouiez ! » « Que dites-vous ? » « Que vous jouiez de votre flûte, et que vous enchantiez les rats. Ils viendront jusqu’à vous. Votre musique est magique. » « Mais ! Et puis ? » « Nous irons sur un rafiot du port, et de là , vous ferez chanter votre flûte. Les Rats viendront sitôt se noyer afin de venir jusqu’à vous. C’est tout simple. » Adézaïr accepta. Il fit ce qu’on lui demanda. Et que croyez-vous qu’il se passât ?
Les Rats sont de doux animaux Qu’on accuse de tous nos maux. Et s’ils tuent, mordent ou empestent, Mange le grain et tout le reste, Leur plus grand et grave défaut, Je dirais même, maladie, Est que pour belle mélodie, Fine oreille leur fait défaut.
Adézaïr s’en rendit compte, Quand, à la fin de ce beau conte, Après qu’il se mit à jouer, Les Rats restèrent sans bouger, Tandis que les gens du village, Afin de le féliciter, D’une telle facilité, Ils s’en allèrent tous, à la nage…
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