Quai d’une gare. Deux tables dressées. Entre Zazie.
Zazie – Voilà , je ne sais pas qui m’a fait sortir de mon métro, mais il paraît qu’on a besoin de moi pour jouer ici. (Fait les cents pas sur le quai) Un quai ça ressemble à un trottoir ! Anonyme (fait irruption) – Parfaitement ! Zazie – Holà ! Tout doux ! N’en tirez pas des conclusions hâtives et stéréotypées ! Anonyme– mais je ne tire rien, croyez-moi, madame ! Zazie – Aucune conclusion ? Anonyme– Aucune ! Zazie – Et votre épingle du jeu ? Anonyme – Pas du tout ! Vous voyez que je patauge en plein dedans ! Zazie – Même pas le diable par la queue ? Anonyme – (silence gêné) Zazie – Allez, répondez, mince ! Anonyme – Il faut avouer qu’en ce moment, c’est plutôt la dèche ! Zazie – Vous m’avez menti alors ! Salaud ! Anonyme – (baisse la tête. Honteux comme un gosse) je ne l’ai pas fait exprès ! Zazie – (change de ton) Oh ! Ce que vous êtes beau quand vous rougissez ! Anonyme– C’est vrai ? Zazie – Voui ! Anonyme– Et si… attendez. Si je verdissais ; comme ça, regardez. Zazie – Beurk ! Vous me rappelez un perroquet ; Laverdure ! Anonyme – Laverdure ? ‘Sais pas qui c’est! D’ailleurs je connais peu de choses. Je cause, je cause, c’est tout ce que je sais faire ! Zazie – Petit coquin ! Je suis sûre que vous connaissez plein de choses ! Tenez ! Voilà une table dressée ! Montrez-moi ce que vous savez faire ! Anonyme – Je peux ? Zazie – Mais oui, venez ! (à part) Bordel ! Qu’est-ce qui m’arrive ? Je sais bien qu’un quai est assimilable à un trottoir, mais de là à inviter un inconnu ; un anonyme à bouffer ! On dirait que je ne suis pas responsable de mes actes ! (Ils s’attablent. Anonyme sert Zazie et la fait manger.) Anonyme – C’est bon ? Zazie – Oui! Anonyme – Vous aimez ? Zazie – Oh ! Oui ! J’adore ! Continuez ! N’arrêtez pas ! Anonyme – Tenez ! Prenez ça ! Zazie – Oh ! Que c’est bon ! Encore ! (Entre Mme Anonyme. Zazie recule sa chaise, Anonyme se met promptement debout) Mme Anonyme – Ah le salaud ! Ah le pourri ! Il la nourrit ! Ah le saligaud ! Anonyme – Calme-toi chérie, ce n’est pas ce que tu crois ! Mme Anonyme – Et il me prend pour une conne par-dessus le marché ! Anonyme – Je t’assure mon lapin que je viens de la rencontrer là sur le quai ! Nous nous vouvoyons encore ! Mme Anonyme – (Un peu calmée) tu me racontes des bobards ? Anonyme – Non, je le jure, demande-lui (geste vers Zazie) Mme Anonyme – (Moue) Non, je te crois. (Fait les cents pas sur le trottoir, Anonyme reste debout, zazie rapproche sa chaise de la table) c’est vrai qu’un quai ça ressemble à un trottoir ! X – (rentre soudain) Parfaitement ! Mme Anonyme – Holà ! Tout doux ! N’en tirez pas des conclusions hâtives et stéréotypées ! Anonyme – Epargnez-nous la suite ! Il y a une autre table là -bas ! (Mme Anonyme et X s’y dirigent) Et puis tenez, approchons les deux tables et mangeons à quatre, c’est plus convivial ! (à Zazie) vous n’y voyez pas d’inconvénient ? Zazie – Non, au contraire ! (Les tables sont juxtaposées. Les quatre convives mangent frénétiquement, puis s’apaisent peu à peu. A la fin ils sortent l’un après l’autre. Entre Urbus suivi de Génie)
Urbus – Et Voilà ! Une histoire qui va connaître un vif succès ! Génie (À part) – Cet imbécile se prend vraiment pour un écrivain ! (À Urbus) Maître, il m’est avis que ce synopsis nécessite quelque modification. Urbus – Toi, le nègre, ne discute pas et arrête de me tenir tête à chaque fois, sinon je te renvoie dans ton vieux dactylo ! (Se dirige vers la sortie en esquissant des entrechats) un vif succès je vous dis, je le sens ! (Sort) Génie (Soupire) – J’y retournerai tout seul, dans ma vieille machine ! Je préfère mille fois ma prison aux lubies de ce connard ! (sort) (Rideau)
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