Ami(e) lecteur, nulle inquiétude à mon sujet, Des œuvres de la mort je ne suis pas l’objet. La bonne santé étant un état précaire, Et sous l’emprise déjà des apothicaires, Pourquoi, ne pas vous proposer dès à présent, Mon épitaphe, sans vanité, évidemment.
Comment pourrais-je la commencer à merveille ? Sous cette dalle gît un tyran des bouteilles, Qui les tira tendrement sans nul autre pareil, Avec mesure, et pris par un amour divin. De Bourgogne, il privilégia les grands vins. Avec humilité et sans être chauvin, Il en aima d’autres, d’Anjou et de Touraine, Du Jura, de son Languedoc et d’Aquitaine. Un Bacchus qui aima voir les bouteilles vides, Après les avoir lampé en être intrépide. Passant, ne vas pas penser qu’il n’aimait que boire Et je vous invite sûrement à le croire, Il aimait aussi les abricots, les cerises. D’autres fruits savoureux, il était sous l’emprise. Un repas sans dessert était un sacrilège, Qui se présentait à lui comme un sortilège. Il priait Dieu parfois, ses saints patrons, les anges, Sans trop y croire, mais en espérant des vendanges. Cela ne coûtait vraiment rien se disait-il, Et devant les malheurs, il leur disait : plait-il ! Que pourriez-vous donc enfin dire de sa vie, Soyez sûrs qu’au vin il n’était pas asservi. De ses nombreux ennuis, son âme en fut ravie. Il les traita gaiement en fuyant tout déni.
Cela fait beaucoup pour une pierre tombale, Me diriez-vous, à vous faire devenir bien pâle, A rester devant cet écrit grandiloquent. Quelques lignes pourraient suffire assurément. Reprenons notre écrit pour une autre épitaphe ! En voici la substance, en moins de paragraphes. Ci-gît un être amoureux de la poésie, Qui lui fit voir la vie belle, avec euphorie. Ami, ne pleure pas sur cette sépulture Tu le chagrinerais dans sa douce nature. Bois un grand vin et salue-le avec tendresse. Récite quelques vers. Qu’ils soient tous les caresses De l’amour de notre français, notre richesse.
Que puis-je bien ajouter à cette épitaphe, Pour vous le proposer en guise de paraphe. Pour tous ces vers, suis-je vraiment impardonnable A fuir ainsi la mort de manière improbable ? Ils me font entrevoir ma fortune future De souffrances vaines et d’amour, je vous l’assure. Les uns, je les endure, les autres me rassurent.
Et, on ne sait jamais, sans vouloir vous punir De ma belle mort je pourrais en revenir !
Jacques Hosotte
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