Adam et Eve voguaient au hasard, sans but précis, aux confins lointains et méconnus de l’univers.
Ils étaient les arrières descendants - mais ils l’ignoraient - d’une espèce supérieure qui avaient fuit la dictature d’un monde stérile obsédé par le contrôle technologie, race qui s’était éteinte aux cours d’inutiles pérégrinations.
Adam et Eve ignoraient qu’ils étaient génétiquement programmés pour s’aimer et se plaire, s’unir et s’accoupler. Oui, Adam et Eve ignoraient tout cela. Ils se croyaient l’un et l’autre, héritiers d’une divine providence : seuls au monde sous la bienveillante surveillance d’Yggdrasill, leur ordinateur de bord, avec la félicité quotidienne de demeurer éternellement jeunes et amoureux.
Tandis qu’ils entamaient leur troisième millénaire d’un incommensurable bonheur, Eve eut l’idée saugrenue qu’il fallait songer à faire un enfant. Yggdrasill, la plus formidable intelligence artificielle jamais inventée, convoqua les deux amoureux pour leur faire savoir qu’il était programmé pour les maintenir tous deux en état de jouvence pour l’éternité, mais qu’un humain supplémentaire dans l’habitacle restreint de leur nef interstellaire serait de nature à détruire ce fragile écosystème, ce qui provoquerait des conséquences en série totalement incontrôlables pouvant menacer leur survie à tous.
Eve n’insista pas, elle reprit comme avant ses occupations habituelles… Mais le ver était désormais dans le fruit, le ver la rongeait de l’intérieur. En fait, son génome parlait pour elle. L’horloge biologique avait sonné. Eve devait se reproduire : ainsi parlait au travers d’elle la voix de son espèce moribonde. Eve retint son désir une année, un siècle… Mais la vie, soudain, lui semblait insipide. A quoi bon se morfondre dans cette éternité vide de sens ? A quoi bon recommencer perpétuellement les mêmes gestes ?
Elle en parla à Adam. Adam l’aimait, Adam la comprit. Ils décidèrent de concevoir un enfant.
Yggdrasill n’était pas conçu pour en vouloir à ses hôtes de lui avoir désobéit. Lorsque la grossesse lui fut révélée, il n’éprouva ni colère, ni ressentiment. Il fit ce que lui avait programmé de faire ses créateurs dans le cas précis où ses passagers échapperaient à son contrôle : il mit le cap sur la première planète habitable de son environnement immédiat et - sans une seconde d’émotion - se crasha violemment à la surface rocailleuse de la planète, enflammant dans son chant du cygne les couches inférieures de la stratosphère.
Grace aux matériaux à toutes épreuves de l’habitacle, Adam et Eve survécurent au choc le plus violent qu’eue jamais connu la petite planète bleue, et qui provoqua l’extinction écologique des espèces de cette époque (aux alentours du crétacée supérieur).
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