Salamai, un beau jour, de passage au Bazar, Remarqua sur la Place un perroquet d'Asie, Qui, ayant de la Jungle, survécu le hasard, Se retrouvait captif du vieux marchand Sassi.
D'un naturel curieux, Salamai s'approcha, Puis, sur un digne ton, digne d'un grand Pacha, Il s'enquit sur le champ du prix du perroquet, Et fut surpris du prix que cet oiseau coûtait.
À moitié indigné, et à moitié tenté, Son esprit aussitôt se mit à cogiter. Très bientôt une idée lui traversa la tête, Il pouvait, lui aussi, vendre une de ces bêtes ! C'eût bien été le Diable, s'il n'eût pas réussi Dans ce même négoce où florissait Sassi.
Le lendemain matin il revint au marché, Tenant entre ses mains, une dinde attachée. Il choisit un endroit éloigné de Sassi Et, avec sa volaille, sur le sol il s'assit.
Les mains en porte-voix, alors, il entama : « Ô toi, noble seigneur ! Ô toi, Reine Fatma ! Pour cent ducas en or, ce trésor est à toi ! »
A ces mots-ci, Sassi, accourt et dit ceci : « Salamai, mécréant ! Vagabond ! Hors-la-loi ! Comment oses-tu donc mettre les pieds ici Pour y vendre un oiseau, du nez au cou, ridé, A un prix aussi haut que mon psittacidé ?! - Tout doux ! mon bon ami, Salamai répondit. Je ne mérite guère le vil nom de bandit, Qui te siérait, à toi, certainement bien plus, Pour vendre au même prix ton Jacquot bien moins beau Que cet ange du ciel qui t'a autant déplu !
- Par Allah ! ne sais-tu que mon précieux oiseau Sait parler comme un homme ? Sassi lui répliqua.
- Vraiment, la belle affaire ! L’autre lui rétorqua. S'il parle comme un homme, ma dinde, sur mon âme ! Vaut le double de lui : elle crie comme une femme ! »
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