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Nouvelles confirmées : Léo " Lyons-la-Forêt"
Publié par malhaire le 02-05-2015 15:12:21 ( 901 lectures ) Articles du même auteur



J’ai obtenu mon B.T.S. Je touchais enfin à l’aboutissement d’un parcours désespérément inutile. Je crois quand même que j’étais fier et heureux. Finalement, moi qui n’étais parti de rien ou d’aussi peu, j’arrivais néanmoins au même point que d’autres, qui depuis toujours, semblaient avoir tout pour réussir.
Après ces huit années d’études, j’avais enfin réussi à convaincre mes parents que je n’étais pas fait pour être horticulteur. J’étais à présent certain de vouloir travailler avec des enfants, dans le domaine de l’animation et si possible de l’éducation.
Claude m’avait recontacté alors qu’il était en train de recruter son équipe d’animateurs pour juillet. Cette fois-ci, il s’apprêtait à endosser la fonction de directeur dans un centre de vacances pour adolescents en Italie, à Cervia. Bien sûr j’avais accepté la proposition avec empressement. Ma sœur aussi avait obtenu un contrat. Aussi, cette année là, elle décrocha son Bac.
Lorsque nous sommes arrivés en Italie, les adolescents que nous avons découverts ne ressemblaient pas à ceux que nous avions pour habitude d’approcher. Une partie d’entre eux venait de Grand-Quevilly, en Seine-Maritime, et l’autre, de Bondoufle, dans l’Essonne. Ils étaient pour la plupart issus de quartiers défavorisés et leur langage était assez diffèrent du mien, beaucoup plus rural. Je vécus un véritable choc culturel.
Pendant trois semaines ces enfants se montrèrent indisciplinés et parfois fortement opposants. Pourtant, je garde de quelques gamins des souvenirs très émouvants.
Avec ma sœur, nous rentrâmes exténués, enrichis d’une expérience inédite. Pour Claude et Germaine l’heure bien méritée de la retraite sonna irrévocablement. Ils s’étaient sentis dépassés, plus tout à fait de leur époque.
De retour en France, après toutes ces années de liberté, au mois d’août, je suis retourné vivre chez mes parents, dans leur nouvelle maison. Flora de son côté prépara assez rapidement son départ pour l’université de Toulouse. Puis un jour, elle partit.
Kamel ne passait plus qu’occasionnellement. A chaque fois qu’il venait à la maison, il s’engueulait avec notre mère. Avec le temps, leurs relations s’étaient encore envenimées.
De mon côté, je rêvais maintenant d’obtenir un Brevet d’Etat d’Animateur pour m’occuper d’enfants. Je me suis alors inscrit pour passer les examens d’admissibilité afin d’entrer en formation. J’ai d’abord passé une épreuve écrite qui me qualifia pour un entretien oral. Au fil de la conversation avec les membres du jury, je n’ai pas réussi à imposer mon choix. En effet, à cause de mon lourd passé horticole, qui sous-entendait encore de ma part un fort attrait pour la nature, ils me contraignirent à prendre l’option, nature environnement et développement local.
J’étais un peu déçu. Je désirais me spécialiser dans le domaine de l’enfance. C’est à cette condition seulement que j’obtins mon sésame pour entrer en formation. Pour me rassurer, je me disais que cette opportunité était comme un pas de côté pour me sortir de l’ornière dans laquelle m’avait lourdement jeté la conseillère d’orientation du collège. Au mieux, je deviendrais un animateur. Mon entrée en formation aurait lieu en octobre, à Dieppe, en Seine-Maritime.
Heureusement, vers le quinze août, mon ami Badre me téléphona pour me proposer d’aller le rejoindre quelque part dans le Maine-et-Loire, pour cueillir des pommes dans une grande exploitation arboricole. Je serais allé n’importe où pour fuir mes parents et gagner un peu d’argent. Et c’est ce que j’ai fait.
Le 31 août 1997 j’ai pris la route pour rejoindre mon ami. Je m’en souviens précisément car ce jour-là, tout au long du trajet, je n’ai pu m’empêcher d’écouter en boucle les informations à la radio. Je me sustentais de l’émoi du monde.
La princesse Diana était morte.
J’ai passé un mois de septembre abominable. Nous étions logés dans un grenier. La nuit il y faisait froid. Il y avait plusieurs ouvertures de toit, un peu comme des lucarnes, sans fenêtre, ni vitrage. Nous n’avions pas de frigo, mais heureusement, au rez-de-chaussée, une chiotte et un piètre lavabo.
Les journées de travail étaient assommantes. Le jeune chef d’entreprise était un tyran. Il ne cueillait pas les pommes. Il se contentait de passer dans les rangs et d’hurler sur les cueilleurs. De pauvres femmes qui avaient l’âge de ma mère se faisaient engueuler comme des moins-que-rien. La cadence n’était jamais la bonne et personne n’avait le droit de parler. La révolte grondait en moi.
— Fermez vos putains de grandes gueules, s’écriait-il. Vous n’êtes là que pour travailler !
Heureusement, il ne s’en prît jamais à moi frontalement. J’avais la chance d’être jeune et plutôt vif. Ainsi, je découvrais que dans un coin très reculé de la France, une sorte d’esclavagisme sévissait encore. La plupart des cueilleurs étaient des gens du village, simples et miséreux, ne connaissant rien au droit du travail. Ces petits contrats saisonniers étaient pour eux de formidables aubaines. L’arboriculteur le savait et il en profitait. Moi, je me sentais proche de ces petites gens…

•••

Noël 1997. La famille se trouvait au complet. Il n’était plus si fréquent pour mes parents d’avoir autour d’eux leur trois enfants réunis. Hélène rayonnait. Elle disait toujours que l’arrivée de ses enfants l’avait aidée à aimer noël. Quelque chose de cette fête semblait l’emplir. Sans doute l’abondance que généraient ces solennités l’aidait à mieux accepter son ventre de femme, qui lui, était resté désespérément vide.
Ce soir là, Kamel est arrivé avec des cadeaux pour tout le monde. Il ne m’avait pas oublié, ni même notre sœur. Nous nous étions longuement regardés avec Flora. Je me souviens du petit sourire que je lui avais adressé discrètement, puis du sien, en retour. Jamais Kamel ne nous avait offert quoi que ce soit. J’étais persuadé qu’il ne connaissait même pas ma date d’anniversaire. Peut-être n’était-il pas égoïste ? Tout juste un peu radin et étourdi. Finalement, les autres passaient seulement bien après lui, quand toutefois, il daignait se souvenir de leur existence.
C’est la dernière fois que j’ai vu mon frère.
Sans prévenir ou même laisser d’adresse, il est parti et n’est plus reparu. Je n’ai jamais su s’il avait planifié sa disparition et si mon cadeau de noël n’était en quelque sorte qu’une indemnité d’adieu pour se faire pardonner.
Plusieurs fois j’ai cru voir mon père mourir de chagrin.
Ma mère aussi, parce qu’elle imaginait que mon père allait se laisser mourir de chagrin…
Au fond de moi cela m’était bien égal. Peut-être même, secrètement, m’en réjouissais-je ?
Ce fils dont Yves avait été si fier durant toutes ces années l’abandonnait pour toujours. Celui dont il ventait continuellement les réussites pour souligner mes échecs ne l’avait probablement jamais estimé.
Une fois de plus je constatais combien le sort aimait à se moquer des hommes. Mon père n’avait à présent plus qu’un seul fils. Celui qui lui faisait honte et qu’il n’était pas parvenu à aimer. Désormais, sournoisement, j’allais pouvoir librement et au grand jour incarner toute sa déception et son mépris. Il ne pourrait plus me comparer à ce frère, qui probablement n’en fut jamais un.
Je présume que c’est à compter de ce moment que je me suis juré de devenir un homme que tout opposerait à mon père.
Ainsi, il serait puni pour ne pas m’avoir autorisé à l’aimer.
Je cru comprendre que quelque jour avant la disparition de mon frère, à l’abri des oreilles indiscrètes, ma mère s’était disputée violemment avec lui. Jamais pourtant elle ne nous rapporta la nature des propos tenus lors de leur altercation.
Ce mystère su me suffire. En effet, je n’ai pas sérieusement souffert du départ soudain de mon frère. Je supposais simplement que la rencontre ne s’était jamais faite…

Entretemps, j’avais commencé à suivre ma nouvelle formation pour adultes. Ennuyante. Mes camarades ressemblaient à des écologues quelque peu réactionnaires. Encore une fois, j’étais le plus jeune. La plupart d’entre eux accomplissait une reconversion professionnelle. Cette formation était pour eux comme une chance ultime de réintégrer le monde du travail en surfant sur la vague environnementale qui déjà promettait de nouveaux emplois.
Le rythme de la formation me plongeait dans une profonde léthargie et la ville de Dieppe, dans ses brumes hivernales me donnait le cafard. J’entrais progressivement en dormance.
Bientôt, il me fallut trouver un stage long dans une entreprise. J’étais totalement démuni et angoissé. Je savais qu’en ne trouvant pas de terrain de stage, ma formation pouvait alors s’arrêter brutalement. Je ne connaissais aucune structure proposant de l’animation dans le secteur environnemental.
Pourtant, la chance me sourit à nouveau.
Un camarade, Rodolphe, qui avait eu écho de mon désarroi me prévint qu’il avait réussi à obtenir un entretien au sein d’une structure dans un petit village reculé de l’Eure. Lyons-la-Forêt.
Parce qu’il estimait avoir trouvé ailleurs un stage plus favorable, quelque part dans le pays de Bray, il ne souhaitait plus honorer son rendez-vous. Il me donna les coordonnées de l’association de développement local, qui, créée par des élus, recherchait un jeune stagiaire qui pourrait incarner au mieux son animateur-nature. Je n’avais jamais entendu parler de ce petit village qui pourtant figurait déjà parmi les plus beaux de France.
Sans prévenir, et donc avec une certaine audace, je me suis rendu à l’entretien à la place de Rodolphe.
Je me rappelle parfaitement du retentissement qui me traversa la première fois que j’ai parcouru ce bourg. Je fus comme saisi par son charme. Indéfinissable. Quelque peu suranné. J’aimais tout. La grande hêtraie, souveraine, qui semblait enserrer le village, les magnifiques demeures anciennes et bourgeoises qui laissaient à penser qu’ici le temps s’était arrêté, mais aussi la vallée verdoyante traversée par un joli cours d’eau vif et tumultueux aux abords d’un vieux moulin. Je ne soupçonnais pas qu’un jour, ma vie puisse s’enraciner durablement au creux de ces somptueux paysages.
J’ai poussé la porte de l’office de tourisme, situé au-dessous de la mairie.
Sans même que l’on remarque que je n’étais pas la personne attendue, je me suis présenté à l’entretien pour le stage. J’ai été reçu par un agent de développement local. Je ne savais même pas que ce métier existait.
Très vite je compris que l’association ne recherchait pas un simple stagiaire, mais plutôt, un futur salarié.
Dans le cadre du dispositif gouvernemental des « emplois-jeunes », l’association cherchait dans un premier temps à former un guide touristique proche de la nature et spécialiste des questions environnementales. Dans un second temps, une fois modelé, elle n’aurait plus qu’à l’embaucher, à condition que ce dernier obtienne son Brevet d’Etat.
Au fil de l’entretien, je me suis senti devenir l’homme de la situation. Quelque chose de ce métier me ressemblait et surtout m’éloignait fermement de ma formation initiale. Durant les périodes de vacances et plus spécialement l’été, ma principale mission serait touristique. Au fil des sentiers de randonnées de la forêt domaniale, mon action consisterait à accompagner des groupes, en orientant mon discours et en proposant des animations autour de thèmes liés à l’environnement, tout en mettant en valeur le patrimoine local.
Ma deuxième mission consisterait à élaborer un programme d’animations lié à la découverte de la nature et de l’environnement immédiat, à la destination des écoles primaires des cantons avoisinants.
Avant d’accepter la proposition, j’ai dû révéler ma véritable identité. Visiblement, mon interlocuteur s’en amusa beaucoup.
Heureusement, j’ai obtenu mon Brevet d’Etat d’Animateur Technicien de l’Education Populaire, spécialité, Activités Sociales et Vie Locale, option, Nature, Environnement et Développement Local. En vérité, je n’ai jamais vraiment pu énoncer l’intitulé exact de mon diplôme entièrement à quiconque. Aucun choc de simplification n’était à l’époque envisagé.
Pourtant, grâce à l’obtention de ce papier, je suis devenu le premier « Guide de Pays » de l’association « Lyons-Andelle-Développement ». J’obtenais mon premier véritable emploi.

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Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 02-05-2015 19:01  Mis à jour: 02-05-2015 19:01
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Léo " Lyons-la-Forêt"
Ce village a l'air bien sympathique et idéal pour se poser. La chance a enfin souri au petit, enfin plus tellement, Léo.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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