Réponse au défi de la semaine :
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Comme chaque année, je me rends à la visite médicale obligatoire. Mais cette fois-ci, j’y vais avec empressement. J’ai le sourire aux lèvres et le cœur joyeux. Je le sais, je le sens, c’est bon pour moi ; je vais avoir une promotion… car j’ai grossi !
Il est loin le temps où fleurissaient les régimes en tous genres : Hollywood, hyperprotéiné, Dukan, paléolithique, chronobiologique… j’en passe et des meilleurs. Depuis plusieurs décennies, notre classe sociale est déterminée par notre poids, ou plutôt notre IMC (indice de masse corporelle). Le principe en est simple : plus vous pesez sur la balance, plus vous pesez socialement. Ce système fut mis en place suite à une étude scientifique financée par Mac Do, Burger King et quelques politiciens ventripotents. Il s’est avéré que l’IMC et le QI étaient directement liés. L’augmentation du premier amène naturellement une augmentation du second.
Depuis lors, notre société a été divisée en quatre catégories. Premièrement, vous avez les poids plume, rachitiques et fluets, que l’on nomme les « Os ». On leur délègue les tâches ingrates et ne nécessitant aucune qualification. Ensuite, il y a les minces, habiles de leurs doigts. Ils exercent des métiers techniques comme mécanicien, maçon, plombier… et on les appelle les « Doigts ». Viennent ensuite les « Paumes » qui dirigent les « Os » et les « Doigts » car ils sont capables de prendre les choses en main en raison d’une certaine aptitude à la réflexion et l’organisation. Et pour chapeauter tout ce petit monde, il y a la crème de la crème, le gratin, voire plutôt le caviar, de notre société, les « Mains ». On les reconnaît à leur silhouette imposante, leur démarche chaloupée et surtout leurs habits haute couture, uniquement sur mesure car le prêt-à -porter n’est pas conçu pour eux. Ils occupent les postes de PDG et représentent la classe politique.
Et moi, je suis une « Doigt » depuis mes dix-huit ans. Je bosse sous la direction, ou plutôt la dictature de Madame Gladys Andouille, que l’on surnomme presque amicalement « Glandouille », une « Paume » pure souche, de père en fille. Elle considère les « Os » et les « Doigts » comme des déchets humains uniquement sur terre pour lécher ses bottes surdimensionnées qui cachent ses pieds gras. Je me suis battue pendant des mois. À ma ration quotidienne de 1800 calories imposée, et surtout bien contrôlée, par l’Etat, j’ai ajouté quelques extras. En cherchant dans les quartiers malfamés, ou plutôt affamés, j’ai pu me procurer des portions de graisses de saindoux et de sucres illégaux. Je me suis aussi dépensée le moins possible grâce à des grasses matinées et des siestes à rallonge chaque weekend. Je n’ai pas pu me peser car la vente de balance est devenue prohibée. Mais mon corps me parle, mes pantalons sont devenus étriqués, les coutures crient sous la pression de mon plantureux fessier. Et les boutons de mon chemisier sont à un doigt de sauter sous la pression de ma poitrine, composée désormais de deux obus, en lieu et place de mes anciennes pommes. Comme j’aimerais qu’un de mes boutons atterrisse dans l’œil de Glandouille pour qu’elle puisse comprendre que je suis désormais son égale.
Je franchis la porte du cabinet médical, la tête haute, le torse bombé, le regard fier. J’ai envie de crier : « Faites place et prosternez-vous devant moi car… j’ai grossi ! »
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