Tout public ?
Il est dur lorsque sur la terre
Dans le bonheur on a vécu
De mourir triste et solitaire
Sur les ruines d’un vieux cul.
Jadis dans une forêt vierge
Je fus planté sur le versant
Qu’un pur filet d’urine asperge
Et parfois un filet de sang.
Alors dans ce taillis sauvage
Les poils poussaient par les sillons
Et sous leur virginal ombrage
Passaient de jolis morpions.
Destin fatal! Un doigt nubile
Un soir par là vint s’égarer
Et de sa phalange mobile
Frotter, racler et labourer...
Bientôt au doigt le vit succède
Et dans ses appétits ardents
Appelant la langue à son aide
Il nous déchire à belles dents.
J’ai vu s’en aller nos dépouilles
Sur le fleuve des passions
Qui prend sa source dans les couilles
Et va se perdre dans les cons.
Hélas l’épine est sous la rose
Et la pine sous le plaisir.
Bientôt au bord des exostoses
Des chancres vinrent à fleurir
Les coqs de leur crête inhumaine
Se parent dans tous les chemins
Dans le département de l’Aine
Gambadent les jeunes poulains.
Mais quand le passé fut propice
Pourquoi songer à l’avenir?
Et qu’importe la chaude-pisse
Quand il reste le souvenir?
N’ai-je pas vu tous les prépuces
Avoir chez nous un libre accès
Alors même qu’ils étaient russes
Surtout quand ils étaient français.
J’ai couvert de mon ombre amie
La genette de l’écolier
Le membre de l’Académie
Et le vit du carabinier
J’ai vu le vieillard phosphorique
Dans un effort trop passager
Charger avec son dard étique
Sans parvenir à décharger...
J’ai vu – mais la motte déserte
N’a plus de flux ni de reflux
Et la matrice trop ouverte
Attend vainement le phallus.
J’ai perdu depuis une année
Mes compagnons, déjà trop vieux,
Et mes beaux poils du périnée
Sont engloutis dans divers lieux.
Aux lèvres des jeunes pucelles
Croissez-en paix, poils ingénus,
Adieu, mes cousins des aisselles!
Adieu, mes frères de l’anus!
J’espérais à l’heure dernière
Me noyer dans l’eau des bidets
Mais j’habite sur un derrière
Qu’hélas on ne lave jamais !
Il eût longtemps parlé encore
Lorsqu’un vent vif précipité
Bruyant mais non pas inodore
Le lança dans l’éternité.
Ainsi tout retourne à la tombe
Tout ce qui vit, tout ce qui fut
Ainsi tout change, ainsi tout tombe
Illusions... et poils du cul
Lamentations d’un poil de cul de femme
poème, 1854
par
Jules VERNE
1828-1905
.