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Nouvelles confirmées : Mémoires d'un Enfant des Ages Obscurs, suite 3 :
Publié par dominic913 le 09-04-2015 14:25:04 ( 818 lectures ) Articles du même auteur
Nouvelles confirmées



Nathanÿel m'a toisé d'un air indécis. J'ai cru qu'il n'avait pas saisis le sens de ma question. Il a encore hésité. « Livre quatre, Chapitre treize : Javert écarta les assistants, rompit le cercle…, a-t-il articulé. ». A haute et intelligible voix, il a commencé à me répéter mot pour mot la totalité du texte. Trop abasourdi pour réagir, je ne l'ai pas interrompu. Je l'ai écouté imiter Javert, Fantine ou Monsieur Madeleine. Hypnotisé, j'ai eu la sensation que la Réalité avait été remplacée par un univers où les personnages dont il parlait étaient aussi vivants que vous et moi.
J'ai eu d'énormes difficultés à m'en détacher. Pour la seconde fois en moins de dix minutes, le Don de Nathanÿel a soumis ma conscience. Il l'a propulsée dans un Paris du XIXème siècle tout droit sorti des digressions narratives de Victor Hugo. Il m'a poussé à serrer mes poings jusqu’à ce que mes ongles pénètrent ma chair. La douleur a été fulgurante : elle s'est sur-le-champ répandue dans chacun de mes bras. Les silhouettes de Javert, de Fantine et de Monsieur Madeleine se sont altérées. Les ruelles inquiétantes et ténébreuses de notre capitale ont été consumées. Tandis que leurs échanges verbaux ont brutalement été gommés.
Plusieurs battements de paupières m'ont été indispensables afin de supprimer le brouillard opaque qui gênait mes yeux. Parallèlement, les sifflements de mes oreilles se sont désagrégés. « Je suis désolé, ai-je alors discerné près de moi. ». Les contours de Nathanÿel se sont amplifiés. Ses sanglots également. « Je ne voulais pas, a t-il gémi. C'est plus fort que moi. Je ne sais ni quand le phénomène va débuter, ni quand il va cesser. Je ne sais pas non plus par quel moyen le dompter. ». Ses larmes sont devenues torrent.
« Ce n'est pas grave. Ce n'est pas de ta faute. Tu es un enfant. Tu n'es pas dans milieu adapté pour toi. Comment pourrais-tu connaître les techniques qui t'aideraient à contrôler ton Don, ai-je souligné ». Je lui ai posé la main sur l'épaule. Puis, je la lui ai affectueusement tapotée. « Ce n'est rien, sincèrement. ».
Peu à peu, ses pleurnichements se sont espacés. Il s'est mouché dans sa manche. Il s'est essuyé les yeux. « Mon Don… ? C'est par ce terme que vous nommez ce pouvoir ? ...Est-ce que les gens que vous fréquentez savent le museler ou le discipliner ? », a t-il interrogé craintivement.
« Oui. Ils ont énormément appris depuis qu'ils sont là où ils sont. Ils ont aussi accumulé une multitude d'informations le concernant.
- C'est vrai ? Ils sont capables de le neutraliser, de le déclencher, ou de l'exploiter à volonté ?
- Oui, ai-je réaffirmé après avoir réfléchi. Ce sont des personnes très intelligentes. Comme toi, quoique tu en penses, et quoique tes notes laissent imaginer. Là où ils se réunissent, il y a des hommes et des femmes de tous âges et de toutes origines. Il y a plusieurs adolescents, mais un peu plus vieux que toi. Il y a quelques Valÿriens, quelques Noriques et quelques Azteÿcts il me semble. Mais je ne me joins pas souvent à eux. Normalement, nul n'y est admis s'il n'est pas détenteur du Don.
- Alors, pourquoi vous avez la permission d'y aller ?
- C'est une longue histoire. Non seulement longue, mais difficile et dangereuse à entendre pour un gamin. Un jour, peut-être, si les mille Dieux d'Austrasia nous sont favorables, aurai-je l'opportunité de te la relater. Mais, ce jour, s'il doit se présenter, n'est pas encore venu. Par contre, si tu le désires, je peux faire quelque chose pour toi. Ça te plairait ?
- Bien sûr, si ce que vous voulez me proposer est en lien avec ce que votre intellect est en train d'envisager ! J'en ai assez d’être jugé par mes parents. Ils me prennent pour un imbécile. Ils me répètent que je serais un médiocre toute ma vie. Ils me serinent sans cesse que je finirais ouvrier dans une usine d'aéromobiles ou chômeur. Quant à mes camarades, ils me harcèlent. Ils me brutalisent. Ils ricanent lorsque j'ai le malheur de croiser leur chemin. Ils grimacent dans mon dos. Quand des groupes doivent être élaborés, ils me repoussent. Ils me mettent à l'écart ou se moquent de moi. ». Sa tirade progressant, son élocution s'est avivée. « Alors, oui. Si vous pouvez intervenir, je ne dis pas non.
- Dans ce cas, je vais essayer. Je ne te promets pas de miracle. Par contre, je vais faire le maximum. Il est sûr que tu as des facultés impressionnantes. Dans quelles proportions, il m'est impossible de me prononcer. Seul un Frère serait susceptible de les évaluer. Mais il est évident que ce n'est pas à Notre-Dame que cela te sera révélé. »
Dans la foulée, j'ai extrait un petit fascicule de la poche intérieure de mon veston. Il était haut d'une dizaine de centimètres, et large d'une demi-douzaine. Sa reliure cartonnée était écornée. Sa tranche était décousue et une cinquantaine de feuillets y étaient entassés. Parmi eux, il y avait des planches gravées représentant Rome en flammes. Il y avait des documents en latin énonçant de quelle manière Néron avait incendié la capitale de l'Empire. Il y avait une brève biographie de ce dernier. Et il y avait la copie d'un bref traité attribué à Sénèque. Je l'avais retiré de ma bibliothèque. Je l'avais dépoussiéré le matin même parce que ça faisait des années que je l'y avais rangé. Et je l'avais emporté à Notre-Dame pour le montrer à mes élèves en cours de Français. Je m'étais figuré que, par son intermédiaire, j'aurai l'occasion de leur parler des origines de notre langue.
En le soustrayant de ma poche, j'ai tenté de me remémorer où je l'avais chiné. « Aux Puces de Saint-Ouen, a précisé Nathanÿel. C'était un Vendredi, vers six heures du matin. Il pleuvait. Le vendeur – un barbu à la veste et au pantalon en jean, et enrhumé car il se mouchait lorsque vous l'avez abordé – a résolu de vous le céder à deux-cents euros. Mais, après d’âpres négociations qui ont duré vingt minutes, il vous l'a bradé en cent-vingt euros. Vous avez bien négocié d'ailleurs…
- Comment es-tu au courant ? », l'ai-je questionné. A la fois étonné et apeuré, j'ai placé l'opuscule par terre. Et, tâchant de maîtriser mes émotions, j'ai observé : « Pas de doute. Le Don est en toi. Je ne me souvenais plus de ce marchandage. Il est vrai que c'était un sacré lascar. Il ne m'a pas lâché d'un pouce tant que j'ai été dans sa boutique. Et j'ai été obligé d'accepter de l'acheter à ce prix. Sinon, il ne m'aurait pas permis de partir, ai-je plaisanté.
- Si vous aviez tenu une ou deux minutes supplémentaires, il aurait abandonné, vous pouvez vous fier à moi.
- Ah bon ? Tant pis pour moi alors. Je ne le regrette malgré tout pas. C'est un texte intéressant. En plus, il va me permettre de…
- Non ! » La réplique de Nathanÿel a résonné comme un coup de tonnerre. Le timbre de sa voix ne s'est pas modifié. Pourtant, dans ma tête, c'est comme si un coup de feu avait retenti. « Vous n'assurerez pas votre classe cet après-midi. Vous allez passer les prochaines heures dans la salle des professeurs. Vous allez vous échiner à joindre mes parents. Ce soir, rentré chez vous, vous allez chercher à les contacter. Vous allez leur téléphoner toutes les demi-heures. Comme ils ne vont rentrer qu'à trois heures du matin, seul moi vais entendre les sonneries du combiné. Mais, sachant que c'est vous, je ne vais pas décrocher. Je ne vais pas bouger du divan du salon. Je vais continuer à visionner le dessin-animé de la chaîne 17. Puis, celui-ci terminé, l'appareil va résonner encore deux fois. Je vais ranger mon assiette et mes couverts dans le lave-vaisselle. Je vais éteindre toutes les lumières de l'appartement. Je vais aller dans ma chambre. Je vais m'installer dans mon lit avec « Les Misérables ». Je vais en lire trois chapitres. Et finalement, après avoir tamisé la réverbération de ma veilleuse, je vais m'endormir. »
Un silence pesant s'est tout à coup dressé entre nous. Nathanÿel a haussé les épaules, comme si ce qu'il avait narré n'avait aucune importance. A t-il projeté de m'apitoyer ? A t-il espéré me subjuguer ? Son dessein était-il de me forcer à intercéder en sa faveur auprès de mes amis Frères ? J'ai été perplexe.
« Le Don imprègne son Esprit, c'est un fait. Malgré-tout, je ne suis pas dupe. Un enfant de dix ans n'est pas doté de talents aussi développés. », ai-je ruminé. « Croyez ce que vous voulez », m'a-t-il dit nerveusement. « Vous découvrirez bien assez tôt si je décris la vérité ou pas. Je distingue ce que votre âme appréhende à mon sujet. Je ne vous en veux pas. Mais, d'ici vingt-quatre heures, votre opinion aura évoluée. Et vous vous empresserez d'avertir vos amis de mon existence.
- hum, je préfère être prudent. Ne nous emballons pas. Comme je m'y suis engagé, je vais me renseigner auprès d'eux. Je vais ainsi déterminer quelle Citadelle Tellurique est apte à t'accueillir. Je vais aussi savoir si l'une d'elles a de la place pour toi à la rentrée prochaine. Ce qui n'est pas prouvé ! Nous sommes en Avril. Les examens autorisant – ou pas – l'accession au Collège s'approchent à grands pas. Il ne te reste que peu de semaines avant cette échéance. Est-ce que tu sera capable de franchir cette étape ?.. Mystère! Et si tu n'y parviens pas, j'aurai beau remuer ciel et terre, aucune ne voudra de toi.
- J'ai confiance en vous, Maître Anthelme. Vous ferez l'impossible pour qu'une Citadelle Tellurique m'admette en tant que Novice.
- Je te trouve plutôt présomptueux, jeune homme ! Il ne faut pas être aussi catégorique. Ça pourrait se retourner contre toi un jour. », ai-je proféré d'un ton impérieux.
« Oui, Maître », a répondu Nathanÿel d'une voix légèrement honteuse. Il a incliné la tête. Ses traits se sont creusés. Une veinule s'est mise à palpiter au niveau de son cou.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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