Il m'a fallu près de trois ou quatre minutes pour retrouver un semblant de maîtrise de moi. Or, durant ce laps de temps, Nathanÿel n'a pas effectué le moindre mouvement. Il a juste continué à me jauger avec intensité. A tel point que j'ai finalement été obligé de détourner les yeux. En fin de compte, j'ai de nouveau croisé son regard. Sa figure a paru s'apaiser. Les frémissements de ses vaisseaux sanguins se sont dissipé. De mon coté, je ne me suis pas déstabilisé. Une chance unique m'étais offerte. Je n'ai pas voulu la négliger. J'ai lentement rabattu les paumes de mes mains vers lui en signe d'apaisement. « Je ne te veux aucun mal. Tu peux avoir confiance en moi, ai-je pensé avec ferveur ». Nathanÿel a alors incliné la tète. Et j'ai présumé qu'il avait lu dans mon esprit. Il a posé son roman sur ses genoux. Il y a inséré un marque-page – une carte à jouer. Il l'a refermé. Il m'a fixé en plaquant ses paumes contre les miennes. « Maintenant, je le sais, a t-il murmuré. - Que sais tu, désormais ? l'ai-je questionné ». Mon ton est demeuré réservé. Cependant, les pulsations de mon cœur ont ressemblé à celles d'un moteur s’apprêtant à exploser. De la sueur s'est remise à dégouliner le long de mon dos. « Que vous n’êtes pas des leurs, m'a t-il attesté ». Il a jeté un regard halluciné vers le groupe de camarades qui l'avait rudoyé. « Pas comme eux, a t-il enchaîné sans qu'il ne me laisse l'opportunité de protester. Eux, ils n'aiment pas ce que je suis. Certains me haïssent, même. Et bien qu'ils ne me le disent pas, bien qu'ils n'en discutent pas entre eux, et bien qu'ils ne soient pas tous agressifs envers moi, je le sais. - Vraiment ? Et comment peux tu en être aussi certain ? - Quelque chose s'éveille en moi lorsque c'est le cas. Une sorte de signal d'alarme, de mécanisme de défense se met en mouvement. Mon âme déploie une force que je ne réussis pas à refouler ou à dominer. Elle n'est pas forcément vindicative ou belliqueuse, même si elle m'a protégé un nombre incalculable de fois ; parfois discrètement, parfois vigoureusement. ». Son timbre s'est alors altéré, et j'ai cru qu'il allait larmoyer. Mais ça ne s'est pas produit. « C'est pourquoi je sais que je ne suis pas comme eux. C'est pourquoi je sais que, vous non plus, vous n’êtes pas comme eux avec eux. C'est pourquoi je sais que vous avez des personnes comme moi dans votre entourage.
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