Réponse au défi de Kjtiti : http://www.loree-des-reves.com/module ... hp?topic_id=3399&forum=21
Comme chaque samedi après-midi depuis quelques semaines, Lucie s’en va rendre visite à sa grand-mère, qui se remet d’une fracture du col du fémur due à une mauvaise chute. Elle a voulu rattraper son chat qui avait dérobé le gigot destiné au repas dominical. Un tapis mal installé lui a offert un vol plané à travers la salle à manger et un atterrissage à l’hôpital en classe « orthopédique ». Dans l’entrée de la clinique, un homme est assis sur les bancs métalliques, semblant choisir sa proie, tel un lion face à un troupeau de gazelles. À la vue de la jeune fille, un sourire radieux naît sur son visage, découvrant une dentition irrégulière, et ses yeux se mettent à pétiller. Il se lève prestement et se dirige vers elle en criant « Juliette ! ». Arrivé à hauteur de Lucie, il se jette à ses pieds, lui attrape les mains et les colle sur son front gras et moite. La jeune femme est mal à l’aise et un peu ennuyée.
« Excusez-moi, Monsieur, vous devez faire erreur. – Tu ne me reconnais pas ? Je t’attends depuis si longtemps. Pardonne-moi pour ton cousin, je ne voulais pas… mais il s’en était pris à mon meilleur ami. – Je suis désolée, je ne comprends pas un traitre mot de ce que vous me dites. Je n’ai pas de cousin. – Tu me renies, c’est de bonne guerre. Mais tu ne peux pas indéfiniment me fuir. Nous sommes mariés tout de même. – Ah bon !? – Lorsque je t’ai vue à cette fête, celle qui obsédait mes pensées n’est plus devenue qu’un fantôme insipide. Je veux encore entendre ces mots si doux qui sortaient de ta bouche lorsque tu étais sur le balcon. Ta sincérité m’a touché en plein cœur et je t’ai avoué mon amour. Nous avons compris que nous étions destinés à être unis et nous nous sommes liés dans l’intimité. – Il faut vraiment que je vous laisse… – Ne me dis pas que tu en aimes un autre ? Oublie ce bellâtre de Pâris. Nos familles peuvent s’accorder et effacer leur rivalité. Lorsque je t’ai trouvée dans ce tombeau avec le masque de la mort, j’ai attenté à ma vie pour te rejoindre. Mais le poison n’était pas assez puissant et me voici en convalescence dans ces lieux lugubres hantés par des ombres blanches qui nous imposent d’horribles souffrances. Comme mon cœur tressaille de joie de te revoir en vie. Je vais de nouveau pouvoir envisager un avenir ensoleillé… avec toi mon aimée ! »
L’homme se relève et dépose ses lèvres molles et humides sur celles de Lucie, qui recule et tente de se dégager de l’étreinte de l’amoureux fou. À ce moment, un infirmier arrive en courant en criant : « Paul ! Cesse d’importuner la demoiselle ! ».
Il parvient à décoller les mains de Paul du corps de Lucie.
« Allez, viens c’est l’heure de ta piqûre. Désolé, Mademoiselle, il souffre du syndrome de Roméo. Il séduit toutes les jeunes filles qui passent, même les moches. – Ben merci ! – Euh, non. Je ne voulais pas dire que cela vous concernait… bien au contraire d’ailleurs ! – Je préfère ça ! – À sa décharge… – Electrique bien sûr ! – Vous êtes en fait sa plus belle conquête. – Comme le cheval ? – Vous avez de la répartie. Puis-je vous inviter à boire un verre ce soir ? – Vous souffrez du même syndrome que lui ? – Non, je dirais plutôt qu’il me permet de faire des rencontres. – Et surtout d’emballer la jeune fille en détresse avec votre aura de sauveur. C’est malin ! – Vous m’avez percé à jour. Je vous invite à me retrouver ici à la fin de mon service à dix-huit heures. – Vous allez me proposer de partager une douche froide ? – Non, plutôt une bière fraîche. – C’est meilleur que la cigüe. Je vais réfléchir à votre proposition. – Puis-je connaître votre prénom ? – Lucie et vous ? – Camille. – D’accord. À tantôt peut-être… – Peut-être. »
Lucie regarde le bel infirmier conduire son patient vers le bloc « psychiatrie » en souriant au souvenir de son badge arborant « C. Zole ».
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