Dans la chambre trop éclairée La femme geint sur le lit Son pauvre corps torturé Au supplice pour donner la vie Livrée aux douleurs qui éclatent Les jambes nues, le ventre gonflé. Affolée dans l'espoir du miracle Soumise, elle est captive, submergée Parturiente dont le corps se dilate Mais pour elle la peur a tout effacé Son regard fou, sa face écarlate Son cri primal sont souffrance exacerbée Impuissant, sans pourvoir l'exorciser. Des mains douces épongent son front Les femmes sages font un doux barrage Secourables, elles chassent l’appréhension Amies, sœurs elles partagent les affres de l'orage De la chair soumise à la divine scission. Dans le couloir, deux petites filles étonnées Posent doucement mille questions A un père sourd, otage d'une folle anxiété Puis le cri a éclaté : " c'est un garçon ". Le prodige, le miracle si désiré est arrivé. Un courant d'allégresse emplit le silence Les réjouissances espérées vont exploser Les larmes d'émoi accueillent la délivrance Sur le ventre martyr soudain apaisé Sous le fier regard maternel et câlin Fripé et violacé fouine un souffle léger S'accrochent petits pieds, petites mains Premier face à face, de maman et bébé Peau à peau, fragile petit corps est au sein La mère est aux honneurs, mère couronnée Le père parade, le roi n'est pas son cousin L'homme comblé, honoré tient là son éternité. Déjà la félicité exulte, coulent thés, mélasse de raisin Le banquet inoubliable réunira la foule d'invités Tous festoient, couvrent d'éloges, de présents, De gloire, d'honneur, de louanges les parents. La musique s'impose, tambours et mélopées Danses, voiles, yeux noircis, Khôl, mains de Henné
Et aujourd'hui, Toi pendant la fête, sous les keffieh et les youyous folie Agenouille toi, implore et prie, prie , et encore prie Un tueur est né.
Lydia Maleville
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