Que dire ? Si ce n'est que j'ai l'esprit vide de toute envie et de tout espoir. Si ce n'est que je n'ai qu'un seul désir : me terrer au fond d'un trou et attendre que le temps s'écoule, lentement et inexorablement, et m'ensevelisse sous les sables du désert et de l'oubli.
Que ma famille ne supporte ni ma fatigue morale, ni mes difficultés à vivre, à exister, et n'attend que de profiter de mes bons cotés, de leur montrer joie de vivre et bonheur. Qu'elle me fuit dès que j'ai des soucis, besoin de son soutien, de son appui, de sa force, ou de son aide afin m'apporter un peu de calme et de sérénité. Qu'elle me fustige comme le derniers des malotrus du fait que je sois une personne à la sensibilité exacerbée, profondément meurtri : "Tout le monde a ses problèmes,me répète t'elle sans cesse ; tu nous use, tu nous fatigue, tu nous dérange, tu perturbe notre quotidien, notre tranquillité, avec tes difficultés, avec tes problèmes. Tu dois respecter tes aînés, prendre sur toi, être capable, à ton age, de te débrouiller tout seul, comme un adulte que tu es.".
Souvent, lorsque j'entends ce discours que l'on ne me cesse de répéter depuis des années, j'ai l'impression d’être un boulet, une chose encombrante dont il est nécessaire de se débarrasser afin d'avoir la paix. D’être une source de soucis pour ceux et celles que j'aime ; qu'ils ne souhaiteraient de moi qu'une part de la personne que je suis, et dissimuler coûte que coûte - en tout cas devant eux - celle qui les encombre, qui les ennuie, qu'ils n 'apprécient pas ou les fatigue. Et lorsque, exceptionnellement, je sors de ma réserve pour dire ce que je pense de cette situation, du comportement autocrate qui m'attriste et me rend malheureux, on me rétorque brutalement : "si tu n'es pas content, tu rentres chez toi et tu nous fous la paix. Tu nous dois le respect, le respect de tes aînés, les laisser tranquilles avec tes problèmes.". Et lorsque je réponds que, dans ce cas, si on ne souhaite pas accepter une personne avec tout ce qu'elle est, ce qu'elle a en elle, ce qu'elle apporte, de bon comme de mauvais, on n'a qu'à s'exiler sur une île déserte et couper les ponts avec ceux qui sont considérés comme des gêneurs, des empêcheurs de vivre entre soi et en paix, on me dit que je ne suis qu'un égoïste, un pleurnichard, qui ne pense qu'à moi. Qu'il faut que je respecte les membres de ma famille, leur manière de vivre, de se comporter, mais que je dois laisser ma manière de vivre, de me comporter, de ressentir les choses, de coté, afin de ne pas les bousculer dans leurs habitudes, dans leurs certitudes. Et lorsque j'accède à leurs désirs, il n'y a pas d'alternative, c'est soit trop tard, soit pas assez, soit trop, soit pas de la bonne façon ; ils ne sont jamais satisfaits.
En ce moment, je suis en vacances dans ma famille. J'essaye, comme à chaque fois d'ailleurs, de m'adapter du mieux que je le peux, autant que j'en ai la possibilité et la capacité, à leur mode de vie, de pensée, etc. Ce n'est pas simple, j'en conviens ; car cela me bouscule, me mets la pression, me heurte parfois. Mais ce n'est jamais suffisant ; il y a toujours des reproches, des à -priori, des 'tu peux mieux faire", des "ce n'est pas assez", des "tu nous use, tu nous fatigue avec tes états d'âme". Les solutions que je propose, les moyens de trouver des compromis, des moyens d'améliorer les choses, ne sont jamais satisfaisantes. Elles ne conviennent jamais. Quand je fais, cela ne va pas ; quand je ne fais pas, cela ne va pas non plus.
J'aime ma famille, du plus profond de mon âme et de mon cœur. Je donnerai ma vie pour elle, pour la voir heureuse et épanouie. J'ai toujours été là , et je le serai toujours, dès qu'elle a besoin de moi. Les drames que nous avons vécu m'ont appris une chose, c'est qu'il n'y a rien de plus précieux que sa famille. On lui doit le respect ; on souhaite son bien être, son bonheur. Chacun a sa manière d'y contribuer. Moi, c'est par ce que je suis - dans ma totalité, que ce soit avec mes bons, comme avec mes mauvais cotés -, que je contribue. Mais c'est la grande majorité du temps dans l'ombre que j'y contribue. Je ne demande ni remerciements ni honneurs. Je demande juste à être respecté dans ma différence, dans ma singularité, de la même manière que je la respecte, bien que je ne sois pas forcément d'accord avec ses points de vue.
Ce texte, je vais le mettre sur le mur de ma mère. Elle va encore me dire que je la fatigue, que je l'use, comme d'habitude. Elle va me reprocher mes pleurnichements, mes états d'âme. Je ferais tout pour elle. Jamais je ne l'abandonnerai, quelles que soient les circonstances. Je ferai tout ce que je peux pour la soutenir dans les épreuves de sa vie, comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises dans les moments les plus durs de notre passé. Si je devais mourir afin qu'elle demeure en vie en bonne santé et heureuse, je le ferai sans hésiter. Je sais qu'elle m'aime aussi, j'en suis convaincu. Mais j'ai l'impression - je dis bien l'impression - que ce n'est pas son cas ; ou si cela l'est, aujourd'hui, je ne le vois plus : sa tolérance envers moi, envers ce que je suis, ce que j'ai comme souffrances au fond de mon âme et de mon cœur, atteint très vite ses limites lorsque je suis en difficultés, en souffrance, que j'ai besoin de sa gentillesse, de sa douceur, qu'elle me montre son amour pour l'ensemble de la personne que je suis. Et, à ce moment là , en plus de ce que je vis de difficile dans mon quotidien, cela achève ma capacité à endurer les coups que l'existence me porte ; et je me replie définitivement sur moi afin de ne plus être blessé. Voila ce que je voulais dire aujourd'hui... en effet, ce n'est rien de bien important...
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