17 septembre 1918
Aujourd’hui, une bombe est tombée sur la maison de la famille Vandevelde dans la Rue des Pyramides. Ils étaient six et ont tous péri. Hier, une explosion a également détruit deux habitations dans la Rue Léopold et un obus est tombé dans la Rue du Luxembourg. J’ai très peur. Maman a décidé qu’il valait mieux nous installer dans la cave. L’odeur d’humidité me dérange mais je pense à Papa qui subit bien pire depuis quatre ans maintenant.
5 octobre 1918
Les soldats allemands ont fait sauter la passerelle de la gare et le pont du Bornoville avant de quitter la ville. C’est étrange. Le bruit des canons est toujours aussi présent. Est-ce de bon augure ?
18 octobre 1918
Ce matin, j’ai vu une auto avec quatre officiers britanniques arriver sur la Grand-Place. Tout le monde les a acclamés en tant que sauveurs et libérateurs.
11 novembre 1918
Le Traité d’Armistice est signé aujourd’hui. Je sais que Papa va revenir enfin à la maison. Comme j’ai hâte de le revoir.
14 novembre 1918
Je suis resté plus d’une heure sous la pluie à attendre le camion qui ramenait les soldats du front. Il est arrivé vers dix-sept heures sur la Place. Plein d’hommes en sont descendus. Ils avaient tous des barbes épaisses, des cernes sous les yeux, des joues creuses. Certains avaient des bras en écharpe, des bandages ou des plaques métalliques sur le visage et d’autres se déplaçaient avec des béquilles, une jambe de pantalon parfois vide. Un homme s’est approché de moi et m’a souri en me caressant les cheveux. « Papa ? - Mon garçon ! Tu étais encore un enfant lorsque je suis parti. Te voilà un homme maintenant. » Son regard a croisé celui de Maman et il s’est précipité pour l’enlacer tendrement. Il a perdu au moins vingt kilos. Son visage est marqué par les privations et le manque de sommeil mais il est vivant ! J’espère que la vie pourra reprendre son cours, comme avant que ces allemands ne viennent nous envahir. Tout le monde dit que c’était la dernière grande guerre. Les nations feront en sorte que les générations futures ne connaîtront plus ses horreurs.
Je referme le petit cahier bleu que j’ai retrouvé dans le grenier de Papy. Celui-ci a conservé soigneusement les mémoires d’adolescence de son père, mon arrière-grand-père, qui connut quelques années plus tard une autre guerre pendant laquelle il enfila l’uniforme de soldat belge, comme l’avait fait son propre père en 1914.
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