Réponse au défi d'Exem :
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Je piaffe d’impatience dans ce minuscule box. Il fait sombre ici. Je suis affamé et nerveux. Des hommes viennent me titiller en me piquant les fesses depuis plusieurs heures. Je gratte le sol de mes sabots. Je veux sortir, ramenez-moi à ma prairie ! Je dois veiller sur Bianca, Dolores et surtout Isabella. Elle a une si belle croupe. Je ne me tiens plus quand elle passe nonchalamment devant moi, en battant des cils.
Soudain, une grande porte s’ouvre face à moi. Sans trop réfléchir, je me précipite. Aveuglé par un soleil agressif, j’entends une clameur autour de moi. Mes yeux s’habituent peu à peu à la luminosité et je découvre que je suis au cœur d’une arène. Du sable sous mes sabots émane une odeur de sang. Je ne peux m’empêcher de frissonner. Face à moi se trouve un homme dans un drôle d’accoutrement brillant. Il porte une coiffe sombre et me toise d’un air supérieur. La foule scande « Fédérico ». Je suppose que c’est le petit nom de cet adversaire, bien chétif à mon goût. Il va voir de quel bois se chauffe le grand El Diablo !
Il agite une sorte de petit rideau, semblant m’inviter à découvrir ce qui se cache derrière. Il veut jouer ? D’accord. Je me précipite vers le morceau de tissu mouvant. Au dernier moment, le fourbe le relève et je sens une douleur fulgurante me traverser l’échine. Que m’a-t’il fait ? Il continue son manège et cela semble plaire au public qui crie son nom encore plus fort. Galvanisé par ce succès, il se met à exécuter quelques pas de danse. Ridicule ! Son cirque m’énerve profondément. Je cours à nouveau vers son drapeau qui s’agite frénétiquement. J’entends « Olé !» et encore cette douleur sur le haut de mon dos. Un liquide chaud coule le long de mes flancs. Mon souffle devient court. Il faut que je montre ma supériorité à ce gringalet de danseur de ballet. Il feinte ? Eh bien moi aussi !
Je le laisse un peu se fatiguer à secouer son drap de bain, ce qui me permet de rassembler toutes mes forces. La pression monte dans l’assistance qui scande toujours son prénom. Je gratte le sol, baisse la tête et fonce soudainement vers lui. Il n’a pas le temps d’esquiver mes cornes et se retrouve projeté à plusieurs mètres. Là , d’autres hommes se précipitent dans l’arène, ils tentent de détourner mon attention du pantin qui git sur le sol, inanimé. J’ai gagné ! Et personne ne chante mon patronyme. Ils sauront désormais qu’il ne faut pas se frotter au grand El Diablo !
Je suis reconduit dans mon box et on me retire les piques que l’autre m’avait plantées dans le dos. Quand je vais montrer ces blessures de guerre à Isabella, je serai son héros et on fera un beau petit veau. Mais j’y pense… selon la tradition, ne devrais-je pas recevoir les oreilles et la queue du danseur en guise de trophée ?
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