Tellement besoin de vous...
Comment expliquer aux personnes qui me lisent - et qui me connaissent désormais un peu mieux grâce aux écrits personnels, parfois intimes, que je publie épisodiquement ici - que la peur et la solitude, la terreur proche de la démence, sont des compagnes qui me dévorent quotidiennement ? Comment leur faire comprendre que, lorsque je me regarde dans la glace, je ne vois que ce visage difforme, boursouflé, qui ferait hurler d'effroi le plus horrible des Trolls. Que, lorsque je le contemple, je n'ai qu'une envie, c'est de pleurer en repensant à toutes ces années gâchées, à toutes ces années sacrifiées, à courir après un espoir vain et sans avenir : ce désir systématiquement inassouvi d'avoir le droit, l'opportunité, d'approcher ou de côtoyer ceux ou celles dont la présence me permettrait d'oublier - juste un instant souvent - mes traits sans charme et sans attrait. Combien de fois me suis-je haï, me suis-je maudit, de ne pas être capable d'attirer leur attention ? Combien de fois ai-je été repoussé dans les méandres de l'obscurité la plus inféconde ? Combien de fois ai-je dû les fuir, subissant leurs moqueries ou leurs quolibets, leurs grimaces incessants ? Je ne sais ? Ce que je sais pourtant, c'est que c'est un espoir vain de vouloir approcher l'une de ces femmes au physique resplendissant. Je sais que je n'ai pratiquement aucune chance de croiser sur ma route l'une de ces sublimes déesses qui m’irradierait de sa luminescence évanescente. Et pourtant, Dieu sait que j'en ai besoin ! Dieu sait que, être à leurs cotés serait comme un baume qui allégerait mes blessures les plus profondes ; qui me permettrait de les cicatriser et d'oublier cet Enfer dont je n'ai jamais réussi à m'échapper. Dieu sait également combien, ici mème, il y en a que j'aimerai rencontrer, côtoyer, avec lesquelles j'aimerai partager des moments complices. Je pense que celles-ci ne s'imaginent pas à quel point m'imprégner de leur présence, de leur amitié, de leur tendresse, de leur affection, me ferait du bien. Elles ne se doutent pas combien les admirer, me sentir le bienvenu parmi elles, pouvoir leur dire combien je les trouve belles, désirables, sensuelles, m'importe et m'apporte. Elles ne voient pas que leurs silences me vide et me terrifie. Que je ne désire uniquement me perdre dans leur regard, leur déclamer des mots tendres et passionnés, affectueux et plein de générosité. Que c'est pour moi le seul moyen de pouvoir leur donner ce que mon corps mal formé ne peux, de leur part, susciter. Puisque, pour bien des raisons - parce qu'elles ne sont pas célibataires, parce qu'elles vivent à l'étranger, parce que leur vie est assez riche et remplie de bonheurs -, elles ne prêtent pas attention à la vive lueur d'espoir qu'elles font naître en moi ; et l'éteignent aussi rapidement et définitivement en n'y répondant pas. Je sais très bien ce que certaines personnes vont me dire, et que je sais déjà : ces jeunes femmes, si elles ne s’intéressent pas a toi, si elles ne voient que ton physique, ne sont pas dignes de tes émois. Je leur répondrai donc ceci : c'est vrai, mais uniquement dans une certaine mesure. Car, si mon intelligence et ma raison me font approuver cette observation, mon âme flétrie, mon cœur blessé par ces années de lutte incessante, éprouvent un besoin irrépressible, vital, de dépasser cet "impossible" pour le rendre vivant. Et, ainsi, poursuivre, bon gré mal gré cette existence où mes écrits me permettent d'exister. Car, si je n'écrivais pas, qui serai-je aujourd'hui ? Si je ne consacrais pas ma vie à l'étude et à la recherche historique, mythologique, ésotérique ou philosophique, où serai-je aujourd'hui ? Mort, il y a des chances. Dans un asile psychiatrique, certainement. Si je n'avais pas consacré mon existence aux livres et aux Connaissances qu'ils détiennent, où serai-je ? Si, au fil des années, ils n'avaient pas enrichi ma personnalité et mon extrême sensibilité, serai-je ici à vous parler ? S'ils n'avaient pas contribué à développer un imaginaire m'ayant donné l'occasion de me révéler, il est sûr que je n'aurai pas été apte à surmonter toutes les épreuves, toutes les souffrances, que j'ai endurées. Je n'aurai pas été assez fort pour essayer de noyer dans mes divers textes ces rejets dont j'ai si souvent été l'objet. Moi qui, toute ma vie, n'ai cherché qu'un regard amical de celles qui auraient pu m'aider à vaincre mes démons, qu'un geste affectueux, qu'un mot me disant : "n'aie pas peur de moi, je ne vais pas te rejeter ; sois le bienvenu dans mon monde, puisqu’apparemment, y exister est si important pour toi ; puisque me côtoyer est source de bonheur et de joie, et cicatrise tes blessures d'antan ; alors, viens, je t'invite au cœur de cette lumière que tu vois en moi et que tu cherche a atteindre si désespérément.". Non, jamais aucune de ces femmes que je chéris tant, que je vénère tant, pour lesquelles je donnerai tant, me n'ont dit ces mots que je rêve d'entendre de leur part pourtant. Je tiens à souligner que, si je suis passionné par elles, si j'ai un désir si pressant de les approcher, il n'y a rien de sexuel dans ma démarche. Certes, je les trouve belles, désirables, sensuelles, captivantes, attirantes. Il n'y a pas d'expression assez puissante pour décrire ce qu'elles éveillent en moi. Mais, je suis bien conscient que je n'ai, ni les aptitudes, ni les moyens, ni l'ambition, de les séduire pour les mettre dans mon lit. Je ne me vois pas les aimer physiquement, intimement, moi qui ait un corps qui ne peux qu'inspirer que dégoût et rejet dans ce genre de situation. Quel désir pourraient t'elles avoir de moi, si ce n'est la curiosité et l’intérêt que mes écrits, mes poèmes, mes romans, leur inspire évidemment. Par ailleurs, qu'elles le croient ou non, ce n'est pas le but de ma démarche auprès d'elles. Non, ce que je rêve, c'est de cette chaleur humaine, c'est de ce partage affectif, amical, de cet échange, de cette joie et de ce bonheur de pouvoir leur ouvrir fraternellement, amicalement, mon âme et mon cœur affectueusement. C'est de pouvoir me promener dans la rue à leurs cotés ; c'est de pouvoir déjeuner ou dîner en leur compagnie sans que je sois suspecté d’être un intrus qui n'y a pas sa place. Que je souffre, que je pleure, de ne pas pouvoir vivre cela ; et, en conséquences, d’être obligé de me terrer, telle une créature monstrueuse sans nom ni patrie. De sentir tout autour de lui ces interdits l’empêchant de vivre ce simple bonheur d’être heureux à leurs cotés. De ne pas avoir le droit de me révéler pleinement à celles auxquelles j'ai choisi, du moins partiellement, de me consacrer. Et, en conséquences, d’être impuissant à repousser ces peurs, ces angoisses, ces fantômes dont je suis quotidiennement la proie. Et qui me hantent continuellement depuis que je suis adolescent...
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