30 août 1914
Dans sa lettre, Papa me dit qu’il se trouve sur le front de l’Yser et qu’il tient bon. Alors, pourquoi les allemands sont-ils chez nous ? Ils sont partout et logent dans nos maisons, nos caves, volent nos lits mais aussi notre nourriture. Ainsi, ils ont réquisitionné des jambons et des saucissons à la boucherie Liénart dans la Rue de la Station et le pain du père Favorel Rue du Gaz. Je les trouve sans-gêne. Ils font comme s’ils étaient chez eux. Leur langue est incompréhensible. C’est encore pire que le flamand. On a l’impression qu’ils aboient lorsqu’ils parlent. Mon copain Serge s’amuse à les imiter. Il est hilarant ! Ils ne sont pas trop méchants. L’un d’eux nous a même donné un morceau de chocolat.
1er septembre 1914
Normalement, je devais faire ma rentrée scolaire aujourd’hui mais avec tous ces chamboulements, l’école ne rouvrira que dans quelques semaines. Je ne suis plus en obligation scolaire car j’ai atteint quatorze ans mais Maman insiste pour que je continue. Les allemands ont réquisitionné l’école industrielle pour loger leurs troupes et leur matériel. Moi, je ne suis pas concerné car je vais à l’école Saint-Paul, près de la maison. J’aurais aimé pouvoir étudier à l’école St Joseph mais mes parents n’en ont pas les moyens. Elle est réservée aux fils de médecin, notaires et autres notables mouscronnois. Ce sont eux qui ont créé le Comité de Secours de la ville. Ils collectent des fonds pour nous donner de la nourriture et un peu d’argent. Sans Papa à la maison, on n’a plus de salaire et le prix des produits a flambé.
1er octobre 1914
Je fais enfin ma rentrée. De nombreux professeurs sont absents, appelés au front. Les cours se donnent dans des classes surpeuplées. Je viens d’apprendre que Mouscron relève désormais de la quatrième « etapen » sous l’administration de la « Kommandatur ». Ces mots allemands sonnent comme des coups de poing dans notre liberté. En plus, l’envahisseur veut nous imposer le flamand ou, pire, leur langue barbare. Moi qui adore le cours de français, je serais bien puni.
20 octobre 1914
Une épidémie de fièvre typhoïde frappe la ville. Plus d’un tiers des élèves de ma classe sont absents. L’instituteur nous a expliqué que c’était à cause du manque de chaux que l’on met d’habitude dans nos puits pour les assainir. C’est une maladie affreuse. Mon copain Serge en souffre. Je suis allé lui rendre visite. Il me dit qu’il a très mal à la tête et au ventre. Je le trouve extrêmement pâle et maigre. J’espère qu’il va s’en sortir.
A suivre...
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