Catherine Lambert est née Catherine Balet ou Ballet le 12 mai 1814 à Hombourg-Haut, commune de Moselle située à 115 kilomètres de Strasbourg, 50 kilomètres de Metz et 25 kilomètres de Sarrebruck. Sous le nom d’Oberhomburg, la bourgade, qui comptait un millier d’habitants lors de la naissance de Catherine, a été allemande de 1871 à 1918, et du 25 juillet 1940 au 28 novembre 1944.
Le 12 mai 1814, le roi Louis XVIII, rentré d’exil moins de trois semaines auparavant, signait une ordonnance réorganisant les corps d’infanterie de l’armée française. Le même jour, Napoléon Ier, arrivé sur l’île d’Elbe depuis une huitaine, dictait une lettre destinée notamment à donner de ses nouvelles à l’impératrice Marie-Louise : « L’Empereur se porte à merveille. »
Nous ne savons rien de l’enfance ni de la prime jeunesse de Catherine. Mais à la lumière des petits et grands évènements de l’histoire de France, nous savons qu’elle arrive à l’âge de raison une semaine après la mort de L’Empereur, survenue le 5 mai 1821. Le 12 mai 1835, sous le règne de Louis-Philippe, est promulguée une loi interdisant toute nouvelle institution de majorats (un majorat était « un ensemble de biens fonciers ou de rentes immobilisées inaliénables et produisant un revenu fixé en fonction du titre de noblesse auquel il était affecté (1) » ) C’est le jour où Catherine atteint l’âge de la majorité civile et matrimoniale (21 ans) ; fût-elle née homme, il lui aurait fallu attendre d’avoir 25 ans pour pouvoir se marier sans le consentement de ses parents (une loi supprimera cette disparité en 1907).
A cet égard, Catherine s’est mariée relativement tard, à 37 ans, le 6 novembre 1851, à la mairie du premier arrondissement de Paris. Nous sommes alors sous la IIème République, dont le président est Louis-Napoléon Bonaparte. Vingt-six jours plus tard, le 2 décembre, le prince-président provoque le Coup d’Etat qui aboutira un an plus tard à la proclamation du Second Empire. Nous savons que Catherine est présente à Paris depuis au moins une douzaine d’années : ses trois enfants (deux garçons et une fille) y sont en effet nés, l’aîné en 1839 et la cadette au mois de juillet 1848, cette dernière précision ayant son importance : quelques mois plus tôt ont eu lieu les journées révolutionnaires du 22 au 25 février qui ont entraîné la chute du « Roi Citoyen », et nous pouvons raisonnablement supposer que Catherine y a, sinon participé, du moins assisté.
Fait apparemment singulier : en plein dix-neuvième siècle, une femme conçoit trois enfants hors mariage ! Or, on l’a peut-être un peu oublié de nos jours, le concubinage n’était pas d’une telle rareté à cette époque, dans les classes laborieuses (… et dangereuses (2) ). L’homme que Catherine a épousé « en régularisation » était, bien sûr, le géniteur de ses enfants : Gabriel, Nicolas, Louis Lambert, un Sarthois d’un an plus âgé qu’elle, exerçant la profession de fontainier (3) puis, plus tard, de marchand des quatre saisons (4). Catherine, quant à elle fut marchande d’huîtres (5) puis également marchande des quatre saisons.
Le 2 mai 1863, Catherine marie son fils aîné Louis Désiré (âgé de 24 ans, donc dûment muni du consentement parental) à la mairie du dix-septième arrondissement. Le même jour, de l’autre côté de l’Atlantique, la Guerre de Sécession fait rage et, à Chancellorsville, se déroule la phase décisive d’une importante bataille qui sera l’une des dernières victoires des armées confédérées avant leur déconfiture de Gettysburg. Le peintre Eugène Delacroix (65 ans) et le poète Alfred de Vigny (66 ans) n’ont plus que quelques mois à vivre.
Le 4 septembre 1869, elle marie sa fille Henriette (âgée de 21 ans révolus, donc dispensée du consentement parental) à la mairie du huitième arrondissement. Dix mois plus tard, la France déclare la guerre à la Prusse. Un an plus tard, jour pour jour, les députés républicains ayant à leur tête Léon Gambetta, Jules Favre et Jules Ferry proclament la Troisième République.
Le 22 décembre 1876, Catherine perd son mari, âgé de 63 ans. George Sand est morte six mois plus tôt à 71 ans. Gustave Flaubert vient de fêter son cinquante-cinquième anniversaire.
Catherine vit encore assez longtemps pour assister, le 31 mars 1889, à l’inauguration de la Tour Eiffel. Son petit-fils Henri, 21 ans, est l’un des 250 ouvriers ayant assemblé l’édifice.
Catherine est morte à Paris à l’âge de 76 ans, le 2 octobre 1890. Le même jour, naît à New York Julius, Henry Marx, le futur Groucho Marx (6). Le 22 novembre suivant, naît à Lille Charles de Gaulle.
(Catherine Ballet-Lambert est l’une des 1068 personnes recensées à ce jour dans mon arbre généalogique. C’est une aïeule en ligne directe, six générations nous séparent.)
Notes :
(1) http://www.archivesnationales.culture ... m/BB11%2013391%202-10.pdf (2) http://www.histoire.presse.fr/livres/ ... chevalier-01-12-2002-3879 (3) ou fontenier, deux définitions possibles selon le Littré : « Celui qui est chargé de la surveillance ou du service des fontaines », ou « Celui qui fabrique ou qui vend des fontaine de grès, de cuivre, etc. pour l’usage domestique » (Une troisième acception : « Celui qui va à la recherche des sources » étant peu plausible dans un contexte urbain). (4) se dit également « marchand de quatre saisons », commerçant ambulant qui vendait dans les rues de Paris des fruits et légumes transportés sur des voitures à bras – ce n’était pas précisément un métier de mauviette… (5) on disait aussi « écaillère » (6) la famille paternelle des Marx Brothers était originaire du bourg alsacien de Mertzwiller, situé à un peu plus de 70 kilomètres d’Hombourg-Haut.
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