Des bruits sourds sortent Rose de son sommeil. Des lumières multicolores se reflètent sur les murs fleuris de sa chambre. Elle sort à tâtons de son lit jusqu’à la fenêtre. Elle écarte légèrement la tenture rose et découvre un spectacle magique. Le ciel s’illumine de mille feux au rythme d’explosions qui la font subtilement tressaillir. Les paillettes dorées qui tombent brillent dans les yeux de Rose. Cette scène enchanteresse est le feu d’artifice du quatre juillet. Elle pense à son papa qui avait l’habitude de l’emmener l’admirer du grand parc de la ville. Cette année, il est en mission pour la patrie.
« Mademoiselle Connor ! C’est l’heure de dormir ! – Oh, Maman, c’est si beau ! – On va regarder ensemble alors ! »
Les tentures roses sont ouvertes d’un mouvement énergique et Rose grimpe sur les genoux de sa maman qui s’est assise sur son petit lit. Elles regardent ces étoiles éphémères former des boules, des lignes droites ou ondulées jusqu’au bouquet final où se mêlent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Des sourires s’esquissent sur leurs visages et elles échangent un regard complice.
Un sifflement strident réveille Warda en sursaut. Elle court à la fenêtre. Ce qu’elle prend pour une étoile filante fend le ciel sombre de juillet, éclairant sur son passage les bâtiments en ruine de Gaza. La boule lumineuse plonge soudain vers le sol qu’elle fait trembler à son contact. D’abord une lumière aveuglante et puis un bruit assourdissant amènent la petite à fermer les yeux et se boucher les oreilles. D’autres sifflements résonnent dans la nuit. La porte de la chambre de Warda s’ouvre brusquement. Son grand frère, âgé de quinze ans, la saisit par la main et lui ordonne de la suivre. Ils dévalent l’escalier. Les murs arborent de grandes fissures menaçantes, comme des plaies ouvertes. Ils déboulent dans la rue. Des flammes jaillissent d’un immeuble tout proche et des gens affolés courent dans tous les sens. Une femme pleure, accroupie à côté du corps inerte d’un jeune garçon. Un homme en uniforme kaki et portant un casque bleu s’approche des deux enfants. Il prend Warda dans ses bras en disant :
« Venez, suivez-moi ! On va vous mettre en sécurité. »
Il adresse un sourire tendre à la petite fille qui s’accroche fort au cou de cet étranger qui semble vouloir la protéger. Elle regarde le petite plaque métallique attachée à la sa veste et lit « LTC CONNOR J. »
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