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Nouvelles : Sans issue
Publié par Abu-issa le 15-10-2014 21:31:35 ( 1418 lectures ) Articles du même auteur
Nouvelles





Je cours sans relâche dans ces petites ruelles de la médina. La seule chance de m’en sortir : les emmener aux fins fonds du labyrinthe chaotique. Pour rendre plus difficile ma traque, certains sympathisants profitent de jeter des casseroles et des babioles après mon passage.

Les étalages des commerçants sont rudement endommagés. Les forces spéciales « intergloba » sont apparemment en forme.
Les cageots en bois qui servaient de camouflage, ont été retirés par mes semblables. La plaque d’égout est désormais apparente. Je n’ai plus qu’à rejoindre le cordonnier à l’angle du « Derb -Sultan » pour m’y engouffrer.

L’air me semblait plus pesant ces derniers temps. Je soupçonnais qu’on me filait. Par précaution, j’ai dû à plusieurs reprises changer mes itinéraires. Je regagnais les égouts du cimetière et traversais les ruines que la grande guerre avait laissées en témoins.
J’avais pour mission de récupérer des livres chez des sympathisants, avant qu’ils ne servent de combustible. Pour cause, tous les premiers vendredis du mois, à l’ancienne place mythique de «Marrachech ‘ Jemma El-fna’ », les citoyens étaient tenus de se présenter pour encenser le spectacle de flamme et le prêche sur hologramme du grand frère de la nouvelle nation.
De gros haut-parleurs, installés sur des capots de voitures d’époques, balançaient son discours troublant qui figeait la population.
Ses traits, irréels, semblaient être parfaits. Son visage rayonnait et inspirait une totale confiance et, dans son regard, il y avait un peu de chacun de nous.
« - Chers camarades, je vous remercie de nous aider à embraser tous les écrits, toutes les traces de nos maudits ancêtres !
Ces hommes et femmes irresponsables qui ont contribué à la perte de l’humanité, les coupables de la grande guerre. Nous sommes, ce soir, réunis pour rebâtir un nouveau monde sur de nouvelles bases. Brulons ! Brulons notre passé ! Et reconfigurons notre avenir ! »
Les habitants, dépourvus d’émotion, se résignaient de la situation. Des centaines de livres, documents, photos se consumaient chaque mois.
De toute évidence, ils n’avaient pas le choix. La moindre rébellion amènerait à des coupures d’eau invivables. La loi semblait claire : toute révolte à l’encontre de l’intérêt général de la société, serait sévèrement réprimandée. Ils devaient s’estimer chanceux et satisfaits de vivre au calme.
Le concile des frères de tous les états veillaient, par l’intermédiaire des forces d’Intergloba, à ce qu’aucun manuscrit ne soit détenu par le peuple.
Seuls les formats électroniques étaient tolérés, et bien entendu, contrôlés par de grands serveurs reliés à la capitale ; le grand frère de la nation, et sa garde rapprochée, y résidaient.
Des ondes magnétiques et de grandes dunes artificielles servaient de barricades : une sorte de bunker gigantesque dans le grand désert. Un mirage pour le reste de la population, 24 ne figurait sur aucune carte officielle.
Selon leurs thèses, la diversité d’opinions provoquerait des désaccords amenant inévitablement à des conflits. L’élaboration d’une pensée unique semblait le meilleur moyen de garder la paix sur terre.

Cependant, un petit groupe résistait à l’éradication matérielle du passé que la nouvelle nation tentait de faire disparaitre à tout jamais. Nous restaurions notre patrimoine culturel. Tous les livres qui pouvaient échapper à « Intergloba » étaient soigneusement protégés et étudiés par une élite restante alphabète : « les lanternes ».
Dans les égouts, on dispensait le savoir dans l’espoir, qu’à nouveau, des hommes et des femmes puissent apporter une nouvelle civilisation. Notre chez nous, le seul espace réel de liberté où l’on pouvait exprimer et transcrire nos pensées par écrit.

Le cordonnier est au bout de mon escapade. Je ne sens plus mes jambes. Mon rythme cardiaque PLAFONE et les forces d’intergloba s’exaspèrent. J’ai dû me défaire de quelques livres pour être plus léger.
Je suis prêt du but, pourtant l’environnement m’a l’air hostile : le vieil homme, m’envoie des signaux avec son marteau à la main.
Si je poursuis ma trajectoire, un guet-apens risque de se refermer sur moi et je peux mettre en dangers mes frères, la cage d’égout serait découverte et la fratrie exécutée.
Que faire ? Marche arrière ? Je suis bien sans issue.
Toutes mes fonctions motrices s’arrêtent net, la situation m’est hors de contrôle. Les forces Intergloba se réjouissent de la situation et accourent vers la proie qui n’est plus qu’à quelques mètres.
Un geste brusque me permet de les AFFOLER. Je lance un cri strident et simule une arme prête à être dégainée. Le plus téméraire d’entre eux, d’un geste solennel, me transperce le corps.

A à peine plus de de vingt ans, à terre, je suis désormais, un homme mort !
Je ne subirais ainsi pas aux tortures en évitant de trahir les miens.

Transportant des milliers d’œuvres, sans avoir eu un moment pour les entrouvrir, mon grand regret était de ne pas avoir su les lires.
















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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 16-10-2014 20:15  Mis à jour: 16-10-2014 20:15
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Sans issue
C'est une nouvelle haletante. Des dirigeants ont souvent cultivé l'analphabetisme de la population pour les garder sous leur coupe. Ton histoire reste donc intemporelle.

Merci pour ce partage.

Couscous
Abu-issa
Posté le: 17-10-2014 09:51  Mis à jour: 17-10-2014 09:51
Régulier
Inscrit le: 24-05-2014
De: Maroc
Contributions: 63
 Re: Sans issue
Merci à vous couscous
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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