SANS-ABRI
Ce matin, l'air vif de l'aurore, Réveillerait un mort !
Il est couvert de cartons et de journaux, Pour ménager ses vieux os. Les nuits sont glaciales Dans cette crèche, près des halles.
De ce grand cimetière, qu'est le trottoir Des déboires Sans nom, Émerge un visage rubicond, Affiché d'yeux rougis par la vinasse, Dominant une grande et vieille carcasse !
Encore imbibé de gnôle, dont il raffole, Il se lève et finit une de ses fioles ; Allumant son mégot, Récupéré dans le métro, Il s'adresse à La Grande Faucheuse, Reine de la délivrance : " C' pas aujourd'hui qu' t'embarqueras Jojo la prudence ! Croix de bois, croix de fer, J'm'ferais pas boulotter par les vers !
La mort attendra ! Mort aux rats !
Aux abris, les sans-abri ! Place aux Vivants Reconnus, estampillés GUCCI !
Eh, oui ! Il est l'heure, De quitter cette demeure ; Car voici, le temps des Parfaits Imparfaits ! C'est l'heure de la transhumance, Place à l'indifférence !
Ils ne supportent pas ces "rebuts" de la vie, Ces gens qui ne sont même pas un point sur un "i" !
Les Parfaits Imparfaits ont envahi la rue, L'odeur de leur riche parfum, pue ! Les Parfaits Imparfaits, ils courent, ils courent Mais, ils sont toujours à la bourre ! Ça prend des grands airs, Ça fait des manières, Mais ça se gratte le derrière, Comme ceux qui couchent par terre ! Parfois, même, ça pisse dans un coin de rue, Sans avoir peur d'être vue ! A l'abri d'une porte cochère, ça tringle les filles de petites vertus ; Et ils y disent : "ça ne fait pas de mal, une petite histoire de cul " !
Eh, oui ! Pour eux, c'est ça la Vie !
Ils sont comme ça, les Parfaits Imparfaits, Ils jouent des scènes intimes aux vents mauvais ; Ils étouffent les cris, Et violent les interdits, En se répandant dans les entrailles de ces ventres vacants, Qui les consacrent, hommes tout puissants !
Ah ! La Morale des parfaits, C'est bien le plus qu'imparfait ; Ils sont à la recherche d'un arc-en-ciel artificiel, Beauté superficielle !
Ils ne sont jamais satisfaits, Les Parfaits Imparfaits, Si bien qu'ils expérimentent tous les vices, Tous les délices ; Ils ont un tel besoin de ravissements démentiels, Qu'ils goûtent à tous les plaisirs artificiels ! Ils prisent ces plaisirs clandestins Qui illuminent, un instant, leur triste dessein ! En se mariant à ces effets décriés et interdits, Ils pensent qu'un trait de génie Les sacralisera Maître de poésie ; Dans leur Monde infâme et flétrit !
Mais la poésie, C'est convoler avec la mélancolie, C'est épouser l'incompréhension de la vie, C'est se noyer dans le reflet de l'indéfini. La poésie, c'est tutoyer la folie Vaste royaume des cris endoloris, Vorace en vies affaiblies et perdues ; Salle d'attente des destinées vaincues !
C'est ce sonnet d'automne, Qui vous sentir la peur d'une vieillesse, qui sonne ! La poésie, c'est aussi cette pluie de myosotis, Qui colore ces teints de lis Et qui envoûte l'Amour ; Plus je te vois plus je t'aime… mon amour !
C'est ces alexandrins Qui chantent le clair matin, Et qui effeuillent les fleurs, Du bonheur ; Femmes innocentes, Vite indécentes !
La poésie c'est ces mots venus d'ailleurs Qui rompent la monotonie des (de nos) heures ! La Puissance de La Poésie C'est l'inspiration de ces magnifiques poètes maudits et incompris !
Messieurs, les parfaits, on ne déflore pas la poésie Comme les ingénues de vos vendredis après-midi ! La poésie n'est pas pour les pauvres d'esprit Dont vous faites parti !
Vous n'avez rien du "Passant Considérable" ! Vous êtes les "Thénardier des Misérables" !
D'ailleurs vous refusez, toujours, de regarder la misère des trottoirs Et d'en comprendre les déboires ! Vous tenez, même, des discours lénifiants, Pour apaiser les indigents !
JOJO ! DÉPÊCHE-TOI
Il lui faut visiter ses garde-manger, Avant que les éboueurs soient passés. Aujourd'hui, il est tout près, De ses mets ! Après s'être débarrassé de quelques passagers clandestins, Qui voyaient en lui un bon strapontin ; Il enfile ses vieux oripeaux Et son vieux chapeau, Boit une longue gorgée De sa gnôle distillée, Pète et part en titubant, Vers son repas du premier de l'an.
Que lui a-t-on laissé comme reste ? Ah ben tiens ! Un bouquet et une veste ! Il va pouvoir se faire beau Et donner ces fleurs, un peu fanées, à sa belle Margot !
Margot ! C'est la rue qui lui a apporté sur un plateau ! Alors, pas ingrat le Jojo, Il ne quittera pas sa crèche des halles, Même pour mille balles !
Marco
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