Il y a un sujet que j'aimerai aborder aujourd'hui, et qui me fait terriblement souffrir. Souffrir au point que j'ai l'impression d'en devenir fou parfois, lorsque les pensées qui lui sont rattachées tournent et retournent sans cesse à l'intérieur de mon esprit déchiré, mutilé. Nombre d'hommes et de femmes s'imaginent qu'il est facile, naturel, de sortir de chez soi et d'aller à la rencontre des autres. A une certaine époque, j'exercais énormément d'activités à l'exterieur de mon appartement ; ou, aussi, j'invitais beaucoup de gens chez moi pour de longues soirées. A cette époque, j'allais souvent en discothèque, je fréquentais un café littéraire et philosophique, je faisais des soirées vidéo à mon domicile. Et surtout, j'organisais des soirées de jeux de rôles sur table plusieurs fois par semaine chez moi ; ou, je courais aux quatre coins de Paris pour participer à d'autres soirées du même genre organisées par des amis ou personnes passionnées - comme moi - par ce genre de diverstissement. J'allais encore assez régulièrement au cinéma, au restaurant. J'étais invité chez des amis. Bref, en plus de mon emploi à la Bibliothèque Nationale, en plus de mes recherches historiques, sur le destin des Civilisations, sur la genèse des Mythes et des Légendes dans le monde entier, sur l'ésotérisme, l'occultisme, les énigmes de l'Histoire, j'avais une vie active plutôt chargée, je dois bien l'avouer. Et pourtant, durant cette période, il m'a toujours manqué quelque chose, quelque chose qui me torturait en permanence, qui me me faisait hurler de déesepoir au coeur de la nuit. Souvent, je me scarifiais, tellement ce mal insidieux, tellement ce poison m'empéchait de profiter pleinement de l'existence qui était la mienne. Un vide que je n'ai jamais pu combler, et qui m'a gangréné durant de nombreuses années. Au point qu'aujourd'hui encore, même si le plus gros de ces "années noires" sont derrière moi, leurs séquelles ne se sont pas complétement dissipées. Car, durant toutes ces "années noires", je n'ai cessé de courir après un rêve. Un seul, unique, mais qui m'a usé, épuisé jusqu'a la trame : Comme beaucoup ici le savent déja sans doute s'ils ont lu certains de mes textes ici publiés précédemment, je suis né différent. Avec une tache de vin courant sur une partie de mon visage, que je me suis fait retirée en cinq ou six fois à l'aide d'opérations de chirurgie esthétique. Je dois avouer que certaines de ces dernières m'ont, pendant quelques mois, non seulement terriblement fait mal physiquement ; mais aussi défigurées au point que j'ai eu l'impression de ressembler à "Elephant Man". Alors, déja qu'auparavant, je me sentais dévalorisé du fait de cette différence, que je me souvenais en permanence des moqueries de mes camarades de classe, du dégout que je leur inspirais, ce sentiment s'est davantage encore profondément ancré en moi. Je me remémore, aujourd'hui encore, combien il était facile, simple, pour les hommes qui m'entouraient alors, d'aller vers les autres. Combien il leur était facile d'aborder des jeunes femmes, de discuter avec elles, de les faire rire, de les séduire. Moi, je restais toujours en retrait, dans l'ombre, à admirer ces jeunes femmes, si séduisantes, si attirantes, si sensuelles, si désirables à mes yeux. Mais également, si dangereuses, susceptibles de me blesser par leurs regards de surprise et de dégout face à ma différence. De me sentir rejetté de leur part, alors que des mots tendres, d'affection, n'attendaient qu'un signe, qu'un geste de leur part, afin de m'en ouvrir à elles. Quand je voyais combien il était aisé pour mes amis, de sympathiser avec elles, je n'avais qu'une seule envie : pleurer, m'arracher la peau, la chair, me jeter du haut d'un pont, tellement je me dégoutais de ne pas ètre capable de les approcher, de discuter avec elles. Je n'avais alors qu'une seule alternative : me cacher dans l'ombre, fuir cette tentation permanente, cet enfer quotidien qui surgissait a chaque coin de rue, dans quelque lieu que je me trouve, avec quelque personne que je sois. Chaque occasion de sortir était source de torture, de douleur morale de plus en plus intolérable, insupportable au fil du temps. Oh, évidemment, devant les personnes que je cotoyais régulièrement, je ne montrais mon angoisse, mes blessures, que très peu. Je n'en parlais presque jamais. Sauf lorsque mon visage reflétait avec trop d'évidence cette terreur, cette vérité anéantissante qui faisais de moi un moins que rien ; un ètre auquel nulle femme ne voudrait donner son amour ; une créature monstrueuse qu'aucune femme ne désirerait dans son lit, dont aucune femme ne désirerait la tendresse, la délicatesse, l'affection... Quelle déchéance, quelle humiliation, de se sentir différent ; d'ètre montré comme un ètre abject à chaque instant du jour ou de la nuit. Un ètre qui est moins qu'un homme puisque l'amour qu'il voulait porter aux femmes qu'il croisait le long de sa route était systématiquement refusé, honni, moqué, malmené, déchiré. Que les femmes qu'il portait dans son coeur se détournaient de lui pour se précipiter dans les bras de ses amis. Même si ces derniers les considéraient alors comme des conquètes faciles, des filles d'un soir ou d'une nuit qu'ils pouvaient jeter le lendemain, après les avoir utilisé sexuellement. Parfois, je venais à l'apprendre, car ces jeunes femmes ensuite délaissées, je les rencontrais au cours de diverses manifestations. Je les écoutais, je souffrais silencieusement pour elles, alors que je n'avais qu'un seul désir, les serrer dans mes bras, les consoler, leur dire qu'elles touchaient mon âme et mon coeur, que je les trouvais belles et désirables, et que j'aurai fait n'importe quoi pour les rendre heureuses, pour les voir épanouies. Que j'aurai déchiré le ciel et la terre, que j'aurai gravi l'Everest, combattu tous les démons de l'Enfer, afin de gagner leur coeur, afin de pouvoir, rien qu'une fois dans ma vie, leur faire l'amour ; et ainsi, les garder dans ma mémoire comme le plus pur moment de bonheur de mon existence jusqu'a ce que mes yeux se ferment définitivement. Que j'aurai voulu les couvrir de fleurs, de cadeaux, de poèmes, de petites attentions afin de les rendre heureuses. Des années durant, je me suis usé. J'ai couru aux quatre coins de la France, d'abord, et du monde, ensuite. Toutes ces femmes que j'ai aimé plus ou moins secrètement - certaines, je leur ai avoué mes sentiments, mais elles les ont ignoré ou les ont piétinés plus ou moins ouvertement ; se sont ri de moi ou m'ont rejeté parce qu'elles avaient honte de ma différence, de mon extrème sensibilité, de mes angoisses, de mes blessures. De fait, plus le temps a passé, plus je me suis replié sur moi mème. Déja qu'auparavant, mon univers était, depuis mon enfance, constitué de livres, de mondes imaginaires incventés par moi mème ou par d'autres écrivains, que je me suis renfermé dans un univers qui n'appartenait qu'a moi et ou nul mal ne pouvait m'atteindre, nulle femme ne pouvait me blesser, m'humilier, me repousser, me faire hurler de chagrin ou de douleur au coeur de la nuit la plus obscure et la plus silencieuse. Ou personne ne pourrait se rire de ma fragilité, me bousculer par ses sarcasmes, ne plus subir de trahisons ou de déceptions capables de me déchirer l'âme et le coeur. Le seul lien vers l'exterieur est devenu Facebook. Ce lieu de rencontres internationales, de convivialité anonyme m'a permis de réver - et uniquement de réver - que parmi toutes ces femmes, un jour, l'une d'elles saurait me voir tel que je suis, saurait franchir toutes les barrières, et viendrait vers moi pour m'ouvrir son coeur ; que je trouverais une femme séduisante - du moins a mes yeux -, douce, aimante, susceptible de m'offrir son coeur. Et que moi, je lui apporterai cet amour que tant d'autres hommes n'ont pas pu ou n'ont pas su lui donner... Quel beau rève... mais ce n'est qu'un rève...
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