J'aimerai tant rencontrer un jour, dans la vraie vie, toutes ces personnes que je croise ici. J'aimerai tant pouvoir les voir, m'asseoir a une table avec elles, autour d'un bon repas, dans un bon restaurant. J'aimerai tant pouvoir leur parler, savoir qui elles sont. Quel a été leur parcours de vie, leurs joies et leurs peines, leurs bonheurs et leurs malheurs, leurs rêves et leurs espoirs. J'aimerai tant pouvoir leur apporter un peu de ce qu'il y a de meilleur en moi, et ceci malgré mes blessures, mes souffrances, mes angoisses, malgré l'Enfer que j'ai souvent au cours de mon existence. J'aimerai tant pouvoir toucher leur cœur, transcender émotionnellement l'amitié que j'ai pour elles. J'aimerai tant leur faire comprendre que le lien affectueux, amical, émotionnel, qui nous unit ici, je le considère comme un honneur qu'elles m'accordent, un privilège comparable à nul autre ; que je grave chaque instant passé en leur compagnie, chaque mot échangé, au fer rouge au fond de ma mémoire. J'ai souvent le sentiment que ces personnes - à quelques rares exceptions près - ne réalisent pas combien leur présence, le dialogue que j'ai avec elles, sont des moments précieux, des trésors, des instants d’Éternité, qui me permettent de sortir de ma coquille, de me sentir moins seul, moins vulnérable. Qu'à leur contact, j'ai l'impression de renaître à la vie, de pouvoir toucher à des fragments de Destinées que, peut-être, je ne pourrais jamais connaître autrement. Et que sans ces multiples possibilités qu'elles me laissent entrevoir, qu'elles me permettent d'appréhender, je me sens si seul, si vide. Je ne suis pas capable d'exister sans partager avec elles ces dialogues, ces échanges, si riches, si puissants qu'ils m'emportent loin de ce qui, si souvent, m'a blessé ou fait souffrir. Car, dans ma vie personnelle, quotidienne, je suis incapable de communiquer avec l’extérieur. Déjà , parce que la ville dans laquelle je vis, il n'y a rien. Cela a beau être une jolie petite ville, un endroit calme et agréable comme je les aime, il n'y a aucune activité à laquelle je peux me consacrer hors de chez moi. Ensuite, parce que, comme vous le savez déjà , je me consacre entièrement à l'écriture et à la lecture. C'est mon métier, il est prenant, enrichissant, passionnant ; il m'exalte et me transporte vers d'autres horizons, vers des ailleurs où je suis davantage chez moi que dans cet insipide quotidien qui est le mien. Encore, parce que, justement, ce quotidien, ces petites choses de la vie de tous les jours - courses, gestion de son univers familier, petits problèmes de la vie de tous les jours, etc. - sont d'intolérables sources d'angoisse, de stress, de souffrance. Combien de fois ai-je hurlé de terreur, ai-je pleuré, parce que ces choses gangrènent mon esprit et déchirent mon corps ? Qu'elles m'usent et me mutilent ? Des centaines de fois peut-être. Et aucune échappatoire, aucune personne "réelle" et amicale, affectueuse, grâce à laquelle je puisse m'échapper de cet enfer perpétuel. Aucune parole, aucun échange qui vienne me réconforter lorsque j'ai peur, lorsque, face à ces difficultés anodines pour la plupart des gens - mais qui sont, pour moi, autant de gouffres insondables - mes angoisses me submergent. Il n'y a que le silence et la solitude, alors que j'ai tellement besoin d'échanger, de partager ce plaisir d’être en compagnie de personnes auxquelles j'ai tant à donner, tant à offrir. Alors que, souvent, lorsque je tends ma main dans leur direction - quelle que soit la manière dont je m'y prends, car cela varie en fonction de mon interlocuteur ou de on interlocutrice, ou de ce que je partage en sa compagnie, des chemins que nous empruntons ensemble depuis que nous nous connaissons -, je ne reçois que peu comparé à ce que je lui offre, je lui donne, de moi même. Oh, bien entendu, je ne suis pas idiot. Je sais que chaque personne à sa vie à mener en dehors d'ici. Que ce lieu n'est que convivialité, envie de partager, de montrer un peu de soi, de ses activités, de ses projets, de sa vie de famille, etc. Moi même, c'est ce que je fais, puisque je publie régulièrement, en avant première, certains textes que j'écris. Mais, en ce qui me concerne, tout en respectant les volontés de chacune des personnes avec lesquelles je communique ici, mon but est aussi de construire une relation durable, sincère, qui débouche finalement sur une amitié autre que virtuelle. Que cette personne se rende compte que son amitié, son affection, le partage que nous avons, est important pour moi, et que je désire l'enrichir, le faire fructifier, autrement qu'anonymement. Alors, parfois, je suis triste, pour ne pas dire anéanti, blessé, de voir que mes efforts n'aboutissent pas, et que la personne ne comprend pas, ne réalise pas que, ce que je lui demande, c'est de me laisser une petite porte d'entrée - une toute petite - au sein de sa réalité...
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