Comment faisait il pour être heureux cet homme là ? Comment faisait -il pour supporter sa vie ? comment pouvait-il survivre ? Comment pouvait-il sourire ? me dire bonjour aimablement ? me demander si j'allais bien ?

J'avais fait sa connaissance en arrivant en Alsace. Il habitait la maison juste à cotê de chez nous, nos jardins étaient mitoyens. Il avait environ soixante dix ans, marié, un fils qui lui rendait visite assez régulièrement.

Souvent, quand je partais au travail, il me faisait signe de ne pas descendre de ma voiture pour aller fermer la porte du garage: il la fermerait.

Comme beaucoup d'alsaciens, il avait été enrôlé de force dans l'armée allemande, ( les Malgrés -nous ).
Envoyé sur le front russe, il avait été gravement blessé; à peine rétabli, il y avait été renvoyé et fait prisonnier.
Il s'était échappé, traversant l'Allemagne pour revenir en France.
Sitôt passé la frontière française - vêtu de de ce qu'il restait de son uniforme allemand - il est fait prisonnier par les américains qu'il a la surprise de découvrir. Ceux-ci ne croient pas à son histoire de " Malgré nous " d'ailleurs, pour l'état civil français, il est officiellement décédé, il est considéré comme traite….

Après la guerre, il se marie, un petit garçon arrive au monde, puis une petite fille , elle est trisomique.
Elle décède à l'âge de dix ans; six mois plus tard, sa femme décéde à son tour d'épuisement et de chagrin.
Il élève seul son fils un certain temps puis se remarie. Après quelques années, sa nouvelle compagne décède après des mois de souffrances et son fils unique âgé de quarante six ans meurt d'une crise cardiaque dans les mois suivants.

Comment cet homme pouvait il encore vivre ? sourire ? où puisait il cette force ?
Je voulais savoir.

- " Monsieur Meyer, comment faites vous pour résister à tout ça ? "

- " À quoi, ça va servir de me rendre malade, ça ne va pas les faire revenir, n'est ce pas ? Alors pourquoi me désespérer, souffrir, prendre des anti-dépresseurs puisque ça ne changera rien ... je vais pourrir la vie de ceux qui me reste ? Je vais les rendre malades, eux aussi ? Ça ne fera toujours pas revenir ceux que j'ai perdus et mon passé ne s'effacera pas pour autant… "
" Il ne faut pas ajouter du malheur au malheur "

Je me suis rappelé la pensée de Marc Aurèle : " Changer les choses que je peux changer, accepter celles que je ne peux changer, avoir la sagesse de distinguer entre les deux. " et de ma mamie qui disait: " Quand on veut être heureux, on l'est. "

Merci à tous les deux, néanmoins, le bonheur est difficile à acquérir !

En prenant de l'âge, je pense que le bonheur premier, c'est l'absence de grands malheurs.
C'est déjà quatre vingt dix pour cent d'acquis et cela ne dépend pas de nous mais du destin, " accepter les choses que l'on ne peut changer .. "

Ensuite, faut -il encore savoir le cultiver ce sacré bonheur ! que certains - plus réalistes - appellent du contentement.

Côtoyer des gens intelligents et optimistes, - ne pas voir le verre à moitié vide mais à moitié plein - ne pas écouter les infos chaque jour : trois fois j'ai eu la preuve que les journalistes ne transmettaient pas objectivement la réalité. L'ors d'un tremblement de terre à l'étranger, les journaux français annonçaient cinq, huit et….. dix morts pour un journal parisien! alors qu'il n'y avait eu aucun mort, même pas de blessé grave, avec une magnétude de 7,5 sur l'échelle de Richter et une durée de 27 secondes.

Avoir un hobby, des lectures amusantes ( merci Grenouille pour tes bons mots ), des copines, un bon repas avec parents, enfants, petits enfants….la liste est longue, sans oublier une bonne bière ou un bon vin à déguster entre copains...

Un vrai travail vouloir être heureux grâce à tous ces petits bonheurs réunis, mais il faut le faire, car, comme disait Voltaire: " le bonheur, c'est bon pour la santé ."