Mon cœur, Je me souviens de la première fois où nous l’avons croisé. Tu t’es mis à tressaillir dans ma poitrine et le rythme de tes battements s’est subitement accru. Et quand il s’est approché pour nous aborder, j’ai cru que tu allais cesser de battre. Ma gorge, Comme tu étais serrée lors de notre premier rendez-vous. Seul un filet de voix me permettait de partager mes idées, de poser des questions et de répondre aux siennes. Peu à peu, tu t’es détendue et j’eus même plusieurs fois l’occasion de rire car tu t’étais déployée. Ma peau, Tu as connu les caresses voluptueuses de ses mains généreuses. La chair de poule t’envahissait lorsque ses gestes devenaient plus pressants, que sa peau te recouvrait, semblant chercher une osmose, ta transpiration se mêlant à la salive de sa bouche qui t’explorait. Mes seins, Vous vous dressiez au garde-à -vous dès qu’il posait sa paume charnue sur vos mamelons hérissés. Ses palpations, comme des massages, réveillaient toute la féminité que vous incarnez. Mes pieds, Vous souvenez-vous des longues balades au clair de lune où vous lui emboitiez le pas ? Vous ne vous lassiez jamais ni des danses endiablés, ni des slows langoureux. Mes yeux, Vous aimiez tant le fixer droit dans les siens afin de détailler les traits de son visage : ses cheveux ondulants, ses yeux verts, sa bouche qui appelait aux baisers. Et vous voilà aujourd’hui rouges, bouffis, toujours emplis de larmes. Mon foie, Tu as commencé à libérer de la bile lorsqu’il ne répondait plus à mes appels et ne venait plus à nos rendez-vous. Mon estomac, Je te sens noué maintenant. Tu ne me réclames plus d’être nourri. Au contraire, tu rejettes ce que j’ingurgite, parfois avec violence. Tu te tors dans mes entrailles, m’obligeant à garder une position fœtale. Ma tête, Tu ne me laisses plus de répit. Des pensées ne cessent de m’assaillir, des questions naissent et se meurent de rester sans réponse. Je ne peux même plus dormir car tu bouillonnes constamment. Mes muscles, Je vous sens faiblir. Peu à peu, vous refusez de me porter. Alors, je rampe, comme un être lamentable, minable, une loque humaine, un amas de chair et d’os qui n’a plus de raison de rester uni, de cohabiter, de fonctionner en symbiose. Chères parties de mon corps, Par ce testament, je vous libère donc en vous offrant comme don de vie à une science qui saura tirer le meilleur parti de vous. Peut-être continuerez-vous votre route dans d’autres corps. Main, Ne te dégonfle pas. Prends ce pistolet et porte le canon glacé vers ma tempe brûlante. Doigt, Te voici sur la gâchette. Tu trembles… tu hésites. Mon cerveau prône la survie. C’est normal, il se sent en danger, le premier sur la sellette. Ne l’écoute pas. Ça y est, tu te crispes, te plies… et tu presses.
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