On la disait folle. En tout cas elle était vieille.
Usée jusqu'aux os par les jours et les veilles.
On la disait folle. Et on la laissait sortir,
Seule, tristement seule, et si prête à mourir.
On la disait folle. Et de plus elle était maigre.
Maigre, maigre vraiment, bien qu'elle fût allègre.
Bien qu'elle fût allègre, elle était pourtant frêle,
Frêle comme un pétale que la grêle fêle.
Je la voyais passer, l'été comme l'hiver,
Marchant les bras en l'air, sans jamais arriver,
Ni à marcher plus vite, ni à marcher plus droit,
Dans ses vieux vêtements, déchirés par endroit.
Pour la laisser passer je m'ôtais du chemin,
Sans même oser jamais lui offrir une main,
Bien qu'elle me frôlât en me passant si près
Sur la petite allée que bordaient les cyprès.
Un jour, ne l'ayant vue, en moi, l'idée vint naître
Que la vieille, soudain, avait dû disparaître.
Mais, en levant les yeux, je la vis, j'en suis sûr !
Elle avait réussi à voler dans l'azur.

NdA. Aux dernières nouvelles : ce personnage est toujours vivant. Je l'ai vu de nouveau.