Après s'être promise, elle s'était donnée De tout son cœur, de tout son corps, Dans un jardin, charmant décor, Où celui qui l'aimait l'avait vite entraînée. Il s'appelait François, elle se nommait Berthe, Elle était de l'endroit, il était du même âge Et s'il était sérieux et si elle était sage, Attendre encore une heure eût été pure perte. Honnêtes et charmants, et beaux comme des dieux, Comme ils se désiraient et s'aimèrent ces deux ! Quand leurs sens furent las, et leurs corps séparés, Et que, de plus d'amour, ils se trouvaient parés, François dit, mâchonnant une herbe que sa main Avait cueillie près d'elle : « Si tu mourrais demain, Je veux aussi mourir. - Tais-toi, mon petit sot ! »
À ces mots, tout à coup ! il eut comme un sursaut. Il se leva tremblant, les yeux remplis d'effroi. Et la main sur son cœur, l'herbe encore à ses lèvres, Ses poumons asphyxiés, effondrés sur leur plèvre, Retomba foudroyé. Ses prunelles vitreuses Regardaient sans comprendre La Nuée ténébreuse Qui venait de le prendre.
Berthe aussitôt sur lui, dans ses larmes noyée, Le couvre de baisers mais il est déjà froid. Comprenant que François se trouve dans sa tombe, La malheureuse enfant, à la douleur succombe. Elle ferme les yeux, plus pâle que le mort. Sa bouche reposant sur l'herbe de sa bouche, Son sein sur sa poitrine qui lui tient lieu de couche, Elle veut partager de son amant le sort. Quand on les retrouva, tous les deux embrassés, Ils avaient, tous les deux, depuis peu trépassé. *** Comme nous dit Musset, ce conte vient prouver Qu'une plante si rare est moins rare à trouver Que la fleur de Ninon, de Berthe ou de Simone, Quand le printemps venu, son âme vous la donne.
|