introduction "Les lettres d'amour" (fanzine 2011)
Introduction
D’une folie à l'autre... Et puisque que l'amour nous aliène, que la folie d'amour bien souvent nous agite, et puisque nos esprits vacillent d'une passion à l'autre, c'est tout naturellement qu'après s'être intéressés à la place de l'aliénation dans la littérature, nous parlerons de l’espace occupé, toujours dans la littérature, par l'amour dans sa forme épistolaire.
Ces jolies lettres d'amours, ces tendres billets parfumés, ces trophées enrubannées et gardés en secrets dans un coffret ou une simple boite, depuis quand et pourquoi les écrivons-nous ? Pourquoi, Qui s'est adonné, et qui s'adonne encore à cet élégant usage ? Que confions-nous de nous, de nos aspirations et de nos émotions profondes dans ces lettres au caractère sacré ?
Comment encore parler d'amour, après tant de passions littéraires, après des siècles d'hommages rendus à ce sentiment étrange qui nous transforme et nous anime ?
Mais aussi, que reste -t-il de ce besoin de romantisme, de lyrisme et de cette poésie qui nous transcende à l'heure des SMS et des modestes textos ? Et enfin et surtout, comment trouver les mots et dire sa tendresse sans mettre nos aveux dans ceux des si nombreux talents qui nous ont précédés ?
Ce sont là autant de questions que nous pouvons nous poser lorsqu'il est question de nos émois amoureux, ce sont autant de mystères que nous confions avec ou sans pudeur à nos plumes plus ou moins exercées et habiles.
Aimer et l'écrire semble donc, pour l'amoureux qui s'essaye à le proclamer, être toujours, une première fois, un événement unique qui ne craint de ce fait aucune comparaison, et qui est une irrésistible envolée indifférente aux regards des autres, un message toujours original qui reste donc un juste et libre élan d'amour.)
Lydia Maleville
Edito et conclusion :
Depuis les lettres mal tracées du compliment enfantin à l'hommage éternel sculpté dans le marbre des cimetières, les mots ont toujours porté nos amours. Depuis les premiers dessins tracés sur la pierre, sur les parois, sur les os enfouis encore dans les cavernes, depuis ces signes qui nous parlent des amours primitives, jusqu'aux textos, sur l'écran du dernier smartphone, exploit de la technique, nos amours nous poussent toujours à laisser un message tangible, une trace à tout jamais concrète de nos épanchements tendres ou passionnels.
Écrire notre amour au bien aimé c'est probablement tout d'abord rendre réel, donner une existence concrète à un sentiment souvent occulte, c'est lui donner une forme et une authenticité, c'est extraire de soi un mystère qui deviendra alors visible pour enfin se révéler et exister aux yeux de l'être aimé. Les serments ne sauraient se suffire de mots susurrés, ils ont besoin d’être matérialisés pour que s’anime leur essence. Ainsi le pacte d'amour prendra sa puissance une fois gravé sur un arbre, sur un mur, sous une image, sur un parchemin, parfois sur notre peau, sur un anneau, un bijou, sur un support dont la valeur sera le garant qui attestera de la pleine réalité de ce précieux message.
Mais écrire notre amour au bien aimé c'est aussi et surtout habiller cette ferveur de ces plus beaux atouts. Pour offrir ce don de soi, cette panacée contre les tourments d'amour que sont les mots les plus délicieux, sur un papier choisi avec soin pour habiller ses vers, ses lettres d'éternité, les phrases de tous les jours n'ont plus cours. La lettre d'amour est un hommage à la beauté des sentiments qui devra s'exprimer avec luxe, le compliment d'amour est un mets de roi qui se sert avec l'argenterie des grandes fêtes. Il est stupéfiant de voir l'ingéniosité et l'éternel renouvellement de cet exercice que les êtres humains pratiquent depuis des millénaires. Les plus grands s'y sont essayé et nous ont offert des merveilles qui ornent la littérature dans toutes les langues et sous toutes les latitudes.
Nos rois Louis XII, Henri IV, Louis XIV, Louis XV... nos poètes (Georges Sand, Victor Hugo, Musset ...) bien sûr mais également nos militaires (Napoléon Bonaparte) et nos musiciens (Chopin, Brahms, Mozart, Beethoven)... et tant, tant d'autres se sont consacrés à cet art de la lettre d'amour. Pour les reines, les rois, les vedettes de cinéma ou encore les divers écrivains, mais aussi pour le simple galant ou la modeste galante qui appellera à l'aide l'écrivain public pour joliment déclarer sa flamme, dans cette voluptueusement ronde, toutes les histoires d'amour se suivent et ne se ressemblent pas.
Certains couples d'amoureux ont marqué l’Histoire, et si certaines romances se sont déroulées sous de bons auspices, d'autres en revanche se sont achevées tragiquement. C'est le cas de la destinée mortelle de Roméo et Juliette. Le drame de leur inclination impossible et contrariée a inspiré les talents d'écriture des amants de tous temps et c'est ainsi que l'on peut voir aujourd'hui à Vérone des murs entiers couverts d'une multitude de billets doux adressés par les grands amoureux de l'amour, à leur bien-aimé (e), sous le patronage des deux héros de Shakespeare devenus les icônes éternelles de la passion. La littérature garde comme un fleuron les étoiles épistolaires nées des belles amours de nos amoureux célèbres, que sont Héloïse et Abélard, Paul et Virginie, Tristan et Iseult, et bien sûr Roméo et Juliette pour les plus connus. Mais aussi plus près de nous : Aragon et Elsa Triolet, Sartre et Simone de Beauvoir, Malraux et Louise de Vilmorin, Edith Piaf et Marcel Cerdan, et bien d'autres encore qui nous ont laissé des correspondances enflammées et éblouissantes... C'est certainement pourquoi Jean-Marie Poupart dans "Le diable emporte le titre" écrit :
-"Un amour sans lettre d'amour ça ne se peut pas."
Alors que Raymond Radiguet (extrait de son roman "Le diable au corps"), lui, affirme et prétend :
-"Aucun genre épistolaire n'est moins difficile que la lettre d'amour : il n'y est besoin que d'amour."
Avons-nous tout dit sur nos épanchements et nos attachements ? Pouvons-nous encore prêter vie à nos tendres inspirations, les petits Cupidons dodus, peuvent-ils encore nous décocher des flèches sur un joli papier fleuri, rose ou bleu sans risquer des railleries, ont-ils encore le droit de citer sans être moqués, n'est-ce point trop démodé ? Avons-nous épuisé le sujet, sa source s'est-elle tarie ?
Il est vrai qu'il est inouï que nous puissions encore parler d'amour sans recourir à des lieux communs si souvent usés. Comment se renouveler, peut-on à l'heure du fax, des sms, des textos et des mails parler encore d'amour ? Mais oui, oui, bien évidemment, tout à fait, car si, et c'est indéniable, le support lui est différent, l'ardeur amoureuse, elle, reste si ingénieuse et libre qu'elle allume encore de ses feux la même beauté, ce même désir d'honorer la personne aimée avec grâce pour lui avouer son adoration.
Nous savons, il est vrai, que dans un passé même récent, la lettre d'amour pour recevoir son titre de noblesse ne se concevait pas sans un certain décorum, qu'elle devait être écrite et offerte de la main aimante, et qu'il peut-être légitime de craindre que la technique, réputée froide, si peu humaine et peu propice à l'émotion puisse stériliser les sentiments. Écrivons-nous des lettres d'amour aussi émouvantes, aussi intimes et personnelles avec un clavier, sur un écran, un mobile, une tablette ? Quelle est la véritable valeur des mots envoyés ensuite par mail ?
Il faut reconnaître qu’avec l'ère du numérique nous voyons la forme du message changer, la lettre d'amour peut s'embellir d’artifices graphiques, des couleurs, des choix de calligraphies variées et aussi de charmantes illustrations. Chacun peut s'approprier le système numérique pour revêtir sa missive du savoir-faire de l'artiste. Avec habilité et un minimum de maîtrise il sera possible, à chaque cœur épris, de déclarer sa flamme, de rivaliser d'élégance et de lyrisme avec les plus fameux romantiques du passé, il sera à sa demande, servi par de fidèles logiciels, le plus fameux des scribes; il sera le rival de Michel-Ange, ou Picasso, il pourra honorer et dire en esthète sa volupté si tel est son bon désir.
En résumé, pour dire encore et toujours "je t'aime" et si nous laissons parfois les mots d'hier pour ceux, plus prosaïques, d'aujourd'hui quelque soit la forme empruntée, nous voyons que ce sentiment ardent de la passion est une inspiration profonde, une nécessité incontournable inscrite dans notre humanité. Le besoin d'aimer, de le dire , de le partager, de l'écrire est un ce sentiment essentiel, universel. Nous aimerons, donc, indéfiniment avec fougue ou tendresse, nous l'écrirons longtemps, à tout jamais, nous ferons encore, et encore rimer amour et toujours, car le besoin d'aimer lui, est perpétuel, est intemporel.
Lydia Malevillle
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